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Après la crise, l’économie doit virer au vert

OCDE

Premiers débats mardi au Forum de l'OCDE à Paris. Nombre d'orateurs l'ont souligné: l'économie de l'après-crise devra non seulement être plus forte, plus saine et plus juste, mais aussi plus durable et plus écologique.

Pour l’OCDE, l’actualité de ce mardi se jouait d’abord à Berlin. En l’absence du secrétaire général Angel Gurrìa, retenu par la réunion qu’y avaient convoqué la France et l’Allemagne sur la fraude fiscale, c’est le premier ministre coréen Han Seung-soo qui a ouvert le Forum parisien, en tandem avec David Eades, présentateur et grand reporter à BBC World News.

Sur la lutte contre les paradis fiscaux précisément, le journaliste britannique estime que les nations ont fait «plus de progrès durant ces trois derniers mois que pendant les 20 ans qui ont précédé». Dans ce domaine de compétences qui est nouveau pour elle, l’OCDE accomplit désormais un travail de premier plan et les Etats «doivent lui faire confiance».

Pas de répit pour le réchauffement

«L’année dernière, en consacrant le Forum au réchauffement climatique, nous étions encore un peu à l’âge de l’innocence. On parlait de ‘subprimes’ aux Etats-Unis, mais pas encore de crise mondiale» rappelle David Eades.

Mais une crise n’efface pas l’autre. Dans quatre mois, la communauté internationale se retrouvera à la conférence de Copenhague, pour décider de l’après-Kyoto, et il faudra être prêts, souligne quant à lui Han Seung-soo.

Le chef du gouvernement de Corée du Sud préside cette année la Réunion ministérielle de l’OCDE, dont le Forum constitue le lever de rideau. En tant qu’ancien émissaire des Nations Unies sur les changements climatiques et membre du Conseil consultatif sur l’eau et l’assainissement, il est convaincu que le monde ne s’en sortira pas sans un «green new deal».

«Nous devons faire face à trois crises simultanées: alimentaire, écologique et économique, martèle Han Seung-soo. Le temps n’est plus à la priorité absolue accordée à la croissance, mais au développement durable. Et ce changement de paradigme ne peut que rapporter un double dividende».

Et pour que personne n’oublie l’importance des enjeux écologiques, le Forum s’offre à l’heure du lunch une projection de Home, le film de Yann Arthus-Bertrand, qui dit en de si belles images, le pillage des ressources auquel l’homme se livre sur la Terre, et son accélération folle depuis la révolution industrielle.

Un monde sans pétrole

Pour Eric Le Boucher, directeur éditorial d’Enjeux, le magazine du quotidien Les Echos, le «Green new deal» est bien plus que le dernier slogan à la mode.

L’économiste y voit une tendance profonde. Pour lui, le monde a réalisé que les ressources de la planète étaient limitées et qu’aujourd’hui, «au bout des courbes, on voit la fin». La question de la durabilité de la croissance ne peut donc plus être évitée.

«Etant de nature optimiste, je pense que les technologies ne sont qu’à leurs débuts, explique Eric Le Boucher. Le pétrole, non, c’est fini. Mais les technologies sont infinies, et nous allons inventer mille manières de nous passer de pétrole».

Pour lui, les impulsions viendront d’abord du secteur privé «J’ai un doute sur les capacités des Etats à investir sur le long terme, explique l’économiste. Je pense que la politique a basculé, que nous avons des hommes politiques plus faibles qu’autrefois. Il y a quelques exceptions… peut-être Barack Obama, on verra. Mais en général, les gens qui savent aller contre les vents immédiats sont rares en politique aujourd’hui».

Une crise pour rien ?

Ceux qui attendaient une sorte de «Grand Soir», de révolution qui viendrait chambouler profondément le système financier pour le reconstruire sur des bases nouvelles seront donc déçus. «Comme le sont en général ceux qui attendent le Grand Soir», note malicieusement Eric Le Boucher.

«Cela dit, je trouve effectivement qu’ils sont en train de perdre la partie, poursuit-t-il. Parce que si l’économie repart bientôt, le monde de la finance aura échappé au boulet. Et on recommencera à travailler comme avant. D’autant que certaines places financières comme Londres ou Wall Street ont intérêt à ne rien changer».

Alors, une crise pour rien ? L’économiste ne va pas jusque là. La volonté des Etats de mettre un peu d’ordre, en particulier dans le domaine des banques ou des hedge funds, devrait tout de même aboutir à certains changements.

«Dernièrement, les banques avaient pris une place excessive, disons double par rapport à ce qu’il faudrait normalement pour financer l’économie, explique Eric Le Boucher. Elles tournaient sur elles-mêmes. Si on redescend à un secteur financier qui, au lieu de 8%, pèse 4% du PIB, c’est 4% de PIB qui reviennent dans l’économie réelle. Et autant de projets qui peuvent se réaliser».

Mouvement de police

Quant au cas de la Suisse et de sa désormais fameuse inscription sur la liste grise de l’OCDE, Eric Le Boucher – qui a été correspondant en Allemagne – se souvient que ce pays souffrait depuis longtemps de l’évasion fiscale, et pas seulement vers la Suisse.

«Ils ont mis le poing sur la table, et la France est venue les épauler», note l’économiste. Qui dit espérer que les Suisses «ne seront pas victimes exagérées de ce mouvement de police» et que l’on parviendra à des compromis raisonnables.

«Parce que sinon, d’autres places financières se lèveront – elles existent déjà – et en profiteront», conclut Eric Le Boucher.

Marc-André Miserez, Paris, swissinfo.ch

A l’écoute. Depuis 2000, l’OCDE fait précéder la réunion annuelle de son Conseil au niveau ministériel d’un Forum où sont conviés les intellectuels, les ONG, les syndicats et les entreprises. Histoire de se mettre à l’écoute de la société civile et de se donner un peu d’écho dans les médias.

Deux jours. Les thèmes débattus sont les mêmes qui seront au menu du Conseil, dont la réunion commence par la lecture d’un rapport résumant les deux jours de débats. Certains ministres ont même pris l’habitude de venir au Forum, pour prendre le pouls de l’opinion ou pour faire passer leurs idées.

Au premier soir de son Forum annuel, l’OCDE publie également ses prévisions sur le chômage pour 2010.

Près de 10%. A la fin 2010, plus de 57 millions de personnes devraient se trouver sans emploi dans les pays membres de l’Organisation. Le taux de chômage atteindra ainsi 9,9%, du jamais vu depuis les années 70.

Soutien. Face à cette situation «qui continuera longtemps à peser sur les économies des pays», l’OCDE encourage les gouvernements à «faire les efforts nécessaires pour assurer la sécurité matérielle de leurs concitoyens les plus vulnérables et de faire de la lutte contre le chômage des jeunes une priorité».

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