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Comment garder les capitaux italiens

Toutes les voitures italiennes qui entrent en Suisse sont filmées et leurs numéros d‘immatriculation sont vérifiés. Keystone

Economistes et banquiers tessinois lancent un cri d'alarme. Le maintien du secret bancaire est vital pour l'économie de leur canton.

Depuis l’introduction, à la fin de 2001, d’une amnistie fiscale, seuls 1,8 à 2% des capitaux italiens placés dans les banques tessinoises auraient repris le chemin de la Péninsule. Et non pas 10% comme le prétendent les autorités italiennes.

«Nous attendons la fin de l’amnistie, en mai, pour pouvoir nous prononcer définitivement, précise Claudio Generali, président de la Banque du Gothard. Mais nous pouvons d’ores et déjà dire que les effets du fameux décret Tremonti seront quasiment inexistants sur nos banques.»

Des accusations contre la Suisse

Pourtant, l’économiste futé et brillant qu’est le ministre Lombard Tremonti n’a pas ménagé ses efforts pour tenter de récupérer l’argent italien.

Ce fidèle du Premier ministre italien Silvio Berlusconi a tout d’abord prédit une fin précoce au traditionnel secret bancaire helvétique. Tout en accusant la Suisse de favoriser le blanchiment d’argent sale.

La prédiction de Giulio Tremonti n’ayant pas suffi à convaincre les capitalistes italiens de rapatrier leurs fortunes, le ministre a eu l’idée de placer des caméras vidéo aux frontières italo-tessinoises.

Une mesure contestée par le Tessin

Cachées à l’intérieur de camionnettes anonymes, ces caméras filment toutes les voitures italiennes entrant en Suisse. Les numéros d’immatriculation sont ensuite vérifiés. Et, en cas de doute, les voitures suspectes sont contrôlées.

Le but avoué est de pincer ceux qui passent leur argent en Suisse. Mais il n’a pas vraiment été atteint. Pire, «cette mesure viole la liberté de circulation des citoyens», dénonce le président de la Banque du Gothard Claudio Generali.

Cette surveillance a suscité l’indignation des Tessinois. Mais la Confédération n’a pas bronché. Elle n’a, d’ailleurs, pas plus réagi à l’entrée en vigueur de l’amnistie fiscale italienne.

«Une fois de plus, Berne nous délaisse»

«Si une telle amnistie avait été décrétée par la France ou l’Allemagne, lance Demetrio Ferrari, le Conseil fédéral serait intervenu. Et le vice-président de la Chambre tessinoise de l’économie et du commerce d’ajouter: «Une fois de plus, Berne nous délaisse».

Amnistie fiscale ou non, le maintien du secret bancaire est plus que jamais vital pour la place financière et toute l’économie du Tessin. Pour Giorgio Ghiringhelli, «c’est l’un des derniers avantages concurrentiels du modèle de gestion patrimoniale».

«Nous devons donc, ajoute le président de l’Association bancaire tessinoise (ABT), résister à toute tentative d’y mettre fin, qu’elle soit externe ou interne.»

Une clientèle exclusivement italienne

Des 4000 milliards de francs environ qui constituent les patrimoines étrangers placés en Suisse, 10% environ sont gérés par la place financière luganaise et sa soixantaine de banques. Et, au Tessin, la clientèle étrangère est presque exclusivement italienne.

Durant les décennies écoulées, les capitalistes italiens ont en effet placé leur argent de l’autre côté de la frontière à cause de la faiblesse de la lire face au franc. Mais aussi à cause de la peur du communisme ou de la mauvaise réputation des banques italiennes.

Aujourd’hui, rappelle le président de l’ABT, les choses ont changé. En effet, l’euro (une devise forte) a remplacé la lire. La menace communiste a disparu en même temps que le Mur de Berlin. Et les banques italiennes sont devenues compétitives.

«Il ne nous reste donc que le secret bancaire, conclut Giorgio Ghiringhelli. Et nous devons le défendre bec et ongles.»

swissinfo/Gemma d’Urso, Agno

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