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Genève menacée par les amnisties fiscales européennes

L'amnistie fiscale italienne n'a pas touché que le Tesssin. Genève en a aussi beaucoup souffert. Le rapprochement entre Darier Hentsch et Lombard Odier le prouve.

La rumeur qui enflait depuis plusieurs semaines sur la place financière genevoise et dans la presse est ainsi confirmée. Deux des principaux banquiers privés genevois, Darier Hentsch & Cie et Lombard Odier & Cie, ont annoncé officiellement leur fusion.

La future entité devrait gérer quelque 140 milliards de francs d’actifs. Soit, presque autant que Pictet, le numéro un de la gestion de fortune.

Darier & Hentsch cherche à s’adosser à une structure plus solide. «J’ai tenté de travailler avec Darier Hentsch, confirme un gestionnaire de fortune. En vain. Ils sont trop lents au niveau des décisions. Ils n’ont pas réalisé les investissements nécessaires en informatique.»

Ce gestionnaire confirme les problème auxquels la place financière genevoise doit faire face.

Après plusieurs années d’euphorie, les banques privées genevoises revoient en effet à la baisse leurs ambitions. La Cité de Calvin n’est plus le championne du monde toutes catégories de la gestion de fortune.

Aujourd’hui, beaucoup d’autres villes, comme Londres, Francfort, Paris ou Milan offrent des prestations toutes aussi intéressantes.

Les limites du secret bancaire

La Suisse – et plus particulièrement Genève – gère 4 000 milliards de francs. C’est autour de 30 à 35 % de la fortune privée mondiale offshore (c’est-à-dire les fonds déposés en dehors de leur pays d’origine).

Le Luxembourg arrive en deuxième position avec 18 %. Les îles de la Caraïbe administrent 14 % de cette fortune. Et la Grande-Bretagne et les îles anglo-normandes, 11 %.

Seulement voilà, les nouveaux riches ne cultivent plus le même profil que les anciens. Ces derniers voulaient éviter le fisc et surtout l’impôt sur les successions, qui engloutissent presque la moitié du patrimoine.

En revanche, à 90 %, les High Net-Worth Individuals (HNWI) – ces personnes physiques qui disposent d’une fortune de plus d’un million de dollars – ont gagné cet argent elles-mêmes et non par héritage.

Les jeunes fortunes sont donc nettement moins attirées par le secret bancaire suisse.

«Elles sont davantage intéressées par une gestion on-shore de leur argent, c’est-à-dire dans leur propre pays, que par une gestion off-shore», constate l’avocat Carlo Lombardini, l’un des meilleurs spécialistes suisses du secret bancaire.

Des prestations trop onéreuses

Aujourd’hui, un brillant chef d’entreprise, un grand sportif ou un artiste à succès passe à la télévision et étale à la Une des magazines son compte en banque. Pour autant que celui-ci soit géré dans son propre pays.

Merrill Lynch recense 6 millions de HNWI dans le monde. «Or, pour eux, les banquiers suisses ne sont pas meilleurs que les autres. Même si leurs prestations restent très élevées», lance un ancien banquier qui souhaite conserver l’anonymat.

Dans ces conditions, pourquoi placer ses économies en Suisse? L’Italie, la première, a franchi le pas en offrant une amnistie fiscale à tous ses concitoyens qui rapatriaient leurs capitaux dans la péninsule.

Résultat, des milliards ont quitté les coffres des banques du Tessin. Mais aussi ceux du canton de Genève.

Qui se souvient de Florence, place financière ?

«D’autres pays envisagent d’accorder une amnistie, notamment l’Allemagne et l’Espagne. Même la France y pense», note Carlo Lombardini.

Ce serait alors une catastrophe pour la cité de Calvin. Un ville où le secteur bancaire assure plus d’un emploi sur dix.

Contrairement à Londres, qui offre un marché bancaire global, Genève ne s’est spécialisée que dans un seul domaine, la gestion de fortune.

«Les banquiers privés genevois doivent réagir très vite. Il est faux de croire que l’on reste pour l’éternité une place financière», avance Carlo Lombardini.

Et de conclure: «Qui se souvient que Florence a financé toute l’Europe au XVe et XVIe siècle?»

swissinfo/Ian Hamel et les agences

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