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La Suisse boucle la ceinture depuis 25 ans

Les contrôles de police: un bon moyen pour inciter les automobilistes à boucler leur ceinture. Keystone

De Genève à Romanshorn, de Bâle à Chiasso, tous ne bouclent pas leur ceinture avec la même assiduité. D'importantes différences séparent les régions linguistiques.

Un quart de siècle après l’entrée en vigueur du port obligatoire de la ceinture de sécurité, le résultat de la votation qui l’avait instauré se reflète toujours sur la route.

Pour les Tessinois et les Romands, la «bagnole» relève avant tout du domaine de la sphère privée et de la liberté individuelle. Pour l’Alémanique, la voiture est avant tout un moyen de locomotion, qu’il privilégie pour les loisirs. Pour se rendre à son travail, le conducteur d’outre-Sarine donne désormais la préférence aux transports publics ou au deux-roues.

Jacqueline Bächli-Biétry, présidente de la Société suisse de psychologie de la circulation, confirme cette différence d’approche. «Le rapport que les Alémaniques entretiennent avec leur véhicule est plus pragmatique et, d’une manière générale, les règles du Code de la route sont plus facilement acceptées en Suisse alémanique», estime l’experte.

Le premier «Röstigraben»

Le constat vaut également pour la ceinture. Il y a un quart de siècle, lors de la votation fédérale sur le port obligatoire de la ceinture de sécurité et du casque pour les motocyclistes – c’était le 30 novembre 1980 (entrée en vigueur un an après) – le fossé entre Suisse latine et Suisse alémanique se creusait brutalement.

Le Tessin et la Romandie, ainsi que les cantons de Suisse centrale (Uri, Schwyz, Obwald et Nidwald), glissaient un non massif dans les urnes, envers et contre le reste du pays. Le citoyen législateur alémanique, «bon élève», imposait ainsi sa volonté aux Latins «épris de liberté».

Près de 25 ans après, les mentalités ont largement évolué, mais pas au point d’estomper totalement les nuances entre ces régions.

Bonnet d’âne

Aujourd’hui, 80,6% des usagers de la route en Suisse affirment avoir adopté le «réflexe ceinture». Une réalité cependant teintée d’une vaste palette de nuances. Selon les chiffres les plus récents fournis par le Bureau de Prévention des Accidents (BPA), 88% des Alémaniques; 79% des Romands et seulement 55% des Tessinois la bouclent.

Mais les mentalités évoluent. Renato Gazzola, directeur de la section tessinoise du Touring club suisse (TCS) en est convaincu: «Je m’aperçois qu’en dix ans, les choses ont changé. On assiste à une sorte d’uniformisation des comportements sur la route, inspirés par le modèle alémanique».

Une comparaison établie dans le rapport SINUS, du BPA, semble lui donner raison. Entre 1994 et 2004, le nombre de Tessinois qui ont adopté la ceinture a augmenté de 19%, contre 13% chez les Romands et 10% chez les Alémaniques.

Répression efficace

Le criminologue Patrice Villetaz, de l’Université de Lausanne, auteur d’une thèse sur le sujet est d’un avis différent. Pour lui, «l’origine culturelle n’exerce pas d’influence sur le comportement au volant. Celui-ci dépend davantage de la personnalité du conducteur, du nombre de kilomètres parcourus et surtout, de la fréquence des contrôles de police dans une région déterminée».

L’effet persuasif des contrôles a été démontré en France. Dans ce pays, le nombre d’automobilistes réfractaires à la ceinture de sécurité a chuté de 37% entre 2000 et 2004.

Campagnes plus musclées

Il n’empêche que les distinctions entre les régions linguistiques de Suisse n’ont pas échappé au BPA, qui les prend très au sérieux. «Nos campagnes d’affichage pour le port de la ceinture diffèrent selon les régions», explique sa porte-parole Natalie Rüfenacht.

«Le message adressé aux Alémaniques ne peut être adapté à la Romandie et au Tessin, qui sont des cas à part. Pour mieux cibler le public, le BPA fait appel à des spécialistes de la communication», ajoute la jeune femme.

«Le budget dont nous disposons pour nos campagnes en Suisse latine est plus important. La dépense par tête d’habitant est plus élevée, cela nous permet d’amplifier la diffusion de spots dans les médias électroniques, le nombre d’affiches et les parutions dans la presse», précise encore Natalie Rüfenacht, qui préfère toutefois ne pas fournir d’indications quant à ces dépenses.

Les Polonais au pilori

Au plan international et au hit-parade des nations les plus prudentes sur la route, la Pologne arrive en dernière position avec 150 morts par million d’habitants, précédée par les Etats-Unis, avec 145 décès.

A l’inverse, la Suisse se positionne dans le «top ten» des pays les plus vigilants, avec 69 morts par million d’habitants en 2004. Dix ans auparavant, on en dénombrait encore 954, soit près de 14 fois plus, ce qui la plaçait au 20e rang mondial.

En matière de sécurité routière et de port de la ceinture, seuls les Suèdois, les Norvègiens, les Danois, les Britanniques, les Néerlandais et les Japonais font mieux que les Helvètes.

Il n’empêche que selon le BPA, la Suisse pourrait faire mieux encore. Ainsi, en suivant l’exemple de discipline et de rigueur des Pays-Bas, 40 vies pourraient encore être épargnées chaque année.

Les passagers mauvais élèves

Si un quart des conducteurs helvétiques avoue ne pas boucler sa ceinture, la proportion double pour les passagers assis à l’arrière des véhicules. Sous cet angle, la Suisse est carrément mauvaise élève.

De nombreux automobilistes estiment qu, l’airbag dont est équipée leur voiture, conjugué avec une vitesse de conduite réduite, permettrait de se passer de ceinture de sécurité.

En réalité, une fois gonflé, le coussin d’air peut renvoyer brutalement la tête de la victime en arrière, lui infligeant un choc aussi violent que la chute d’un immeuble de quatre étages ou d’une hauteur de 10 mètres. Il s’agit donc de considérer l’airbag comme un complément de la ceinture mais en aucun cas comme un substitut de celle-ci.

swissinfo, Nicole della Pietra

Le 30 novembre 1980, les citoyens suisses approuvent le port de la ceinture et du casque obligatoires sur les routes. Le Tessin, la Romandie et plusieurs cantons de Suisse centrale glissent un non massif dans les urnes.

La nouvelle base légale entre en vigueur un an plus tard.

Depuis 1994, les passagers installés à l’arrière des véhicules doivent également porter la ceinture.

Ne pas la boucler vaut une amende de 60 francs en Suisse. En Allemagne, il en coûte 30 euros au conducteur et au passager adulte, et 60 euros pour les enfants.

Aujourd’hui seuls 55% des Tessinois admettent porter régulièrement la ceinture, contre 77% des Romands et même 85% des Alémaniques (chiffres BPA).

Au départ d’un trajet, plus l’usager attend pour boucler sa ceinture, plus les chances qu’il l’attache durant la conduite diminuent.

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