Des perspectives suisses en 10 langues

Les irréductibles du village de Champagne

39 producteurs du village de Champagne défendent leurs 280 000 m2 de vignes. Keystone Archive

Les vignerons vaudois poussent le bouchon jusqu'à Luxembourg. Ils veulent préserver le nom de leur village sur leurs bouteilles de blanc.

D’un côté, les viticulteurs champenois français, qui défendent leur fameux Champagne, célèbre dans le monde entier. Ils ont le soutien de la France et de l’Union européenne (UE).

De l’autre, 39 producteurs du village de Champagne, dans le Nord vaudois, qui défendent leurs 280 000 m2 de vignes. Mais, eux, ils ne sont pas appuyés par la Confédération. Ni même par le canton de Vaud.

Le jeu est par trop inégal. Qu’importe, derrière Albert Banderet, 53 ans, l’ancien syndic de la commune, les vignerons de Champagne ont déposé un recours.

En clair, ils attaquent les accords bilatéraux passés entre la Suisse et l’Union européenne. Qui leur interdisent d’utiliser l’appellation «Champagne».

Vigne cultivée depuis 885

L’histoire remonte à 1974, lorsque la Suisse et la France concluent un Traité sur la protection des indications de provenance, des appellations d’origine et d’autres dénominations géographiques.

A cette époque, bien entendu, la France met en avant son «Champagne», dont le chiffre d’affaires dépasse les 4 milliards de francs.

En revanche, côté suisse, les négociateurs ignorent totalement le village de Champagne. Qui cultive pourtant la vigne depuis 885.

Les Suisses pensent à protéger des appellations vaudoises telles que «Bonvillars», «Concise», «Corcelles», «Grandson» ou encore «Orbes». Mais ils oublient «Champagne». A leur grand dam.

En effet, le 21 juin 1996, le Comité interprofessionnel du vin de Champagne rappelle à la commune vaudoise que «le nom ‘Champagne’ désigne les vins élaborés en Champagne qui bénéficient de l’appellation d’origine contrôlée Champagne et, en aucun cas, des produits provenant du village suisse dénommé Champagne».

Comment résister face aux viticulteurs champenois qui dépassent, certaines années, le cap des 300 millions de bouteilles dans le monde? D’autant que la Confédération ne souhaite pas monter au front.

Pour Berne, pas question en effet de sacrifier des accords bilatéraux avec l’Union européenne pour une poignée de vignerons et d’encaveurs romands.

68 000 francs pour financer la procédure

A dater du 1er juin 2002, ces derniers ont deux ans pour débaptiser leur vin blanc. Mais le comité d’action de Champagne (fort de 39 producteurs sur 43) ne s’avoue pas battu.

Il vient de déposer un recours contre les accords bilatéraux entre la Suisse et l’Union européenne. Fort d’une cinquantaine de pages, leur dossier est à Luxembourg

Le bureau du Tribunal de première instance de la Cour européenne de justice devra d’abord se prononcer sur la recevabilité du recours. Mais probablement pas avant 2003.

Pour financer la procédure jusqu’au dépôt du recours, le Comité d’action pour la défense de l’identité et des intérêts de la commune de Champagne a réuni 68 000 francs.

«Nous sommes pourtant proeuropéens», rappelle Albert Banderet. Qui sait que cette opération prendra de toute façon des années.

swissinfo/Ian Hamel

En conformité avec les normes du JTI

Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative

Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !

Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision