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Mobilisation autour de la politique familiale

En comparaison européenne, la Suisse fait figure de mauvais élève en matière de politique familiale.

Mais un débat est en train de prendre de l’ampleur. Au Parlement comme dans la société.

Après des années de disette, la politique famille semble avoir trouvé un nouveau souffle en Suisse.

Cette tendance se traduit concrètement par le dépôt d’un plus grand nombre d’initiatives parlementaires. Il y a également l’incitation à la création de structures extrafamiliale pour l’enfance, adoptée par le Parlement l’an dernier, ou encore le débat en cours à propos de l’assurance maternité.

«Je crois que même les politiciens les plus conservateurs commencent à réaliser à quel point la situation des familles est difficile», affirme Jürg Krummenacher.

«Six pour cent d’entre-elles vivent d’ailleurs dans la pauvreté», ajoute le président de la Conférence président de la Commission fédérale de coordination pour les questions familiales.

Et de rappeler que 29% des «woorking poor» sont des familles monoparentales. Et que 18% des parents ayant trois enfants ou plus font partie de ce même groupe de travailleurs pauvres.

En clair, la politique familiale de la Suisse doit s’adapter aux bouleversements sociaux-économiques et venir en aide aux familles qui en subissent le contrecoup au risque de sombrer dans la pauvreté.

En queue de peloton

Cette question est d’autant plus urgente, clament les défenseurs de la famille, que la Suisse fait figure de mauvais élève dans ce domaine.

«Tout en étant l’un des pays les plus riches en Europe, souligne Liliane Maury Pasquier, députée socialiste, la Suisse est celui qui proportionnellement consacre la plus petite part de son PIB (produit intérieur brut) à l’aide aux familles.»

Une comparaison européenne démontre, en effet, que les prestations financières garanties par la loi des Etats voisins sont généralement plus généreuses que celles de la Suisse.

Ces pays ont en outre une assurance maternité légale, souvent assortie d’un congé parental.

«En fait, la Suisse n’a pas de politique familiale. Les déductions d’impôts et les allocations familiales qui devraient être les clefs de voûte de cette politique ne permettent pas de venir en aide aux ménages qui en ont le plus besoin», regrette Liliane Maury Pasquier.

Un système compliqué

De fait, le système actuel d’allocation familles est très lacunaire. 290’000 enfants de travailleurs indépendants, de personnes sans activité professionnelle et de salariés exerçant une activité à temps partiel ne reçoivent pas ou peu d’allocations familiales.

Selon la Commission fédérale des questions familiales, cette situation concernerait 17 % des enfants vivant en Suisse.

Le système est par ailleurs très compliqué. Il y aurait en Suisse plus de 800 caisses d’allocations familiales. Et une entreprise active dans toute la Suisse doit établir ses décomptes selon 26 systèmes différents.

«Il existe par ailleurs des inégalités criantes d’un canton à l’autre, rappelle Liliane Maury Pasquier. Le montant des prestations affiche un écart de 44% entre le canton le plus généreux et ceux qui le sont le moins.»

Aujourd’hui, les défenseurs de la famille s’accordent à dire que la Suisse doit unifier son système d’allocation familiale et d’octroyer un minimum de 200 à 250 francs par enfants.

Lutter contre la pauvreté

Une analyse du Bureau d’étude de politique du travail et de politique sociale (BASS) abonde d’ailleurs dans ce sens.

S’interrogeant sur l’efficacité des moyens engagés pour venir en aide aux familles, le BASS a en effet démontré que les allocations familiales permettaient de lutter de manière ciblée contre la pauvreté. Et plus que les déductions fiscales.

Selon le BASS, si l’on supprimait les allocations familiales et que l’on augmentait d’autant les déductions fiscales, le taux de pauvreté des familles grimperait de 8%.

A l’inverse, une politique du «tout aux allocations» permettrait de ramener ce taux à 4,5.

Le BASS s’intéresse au modèle d’aide actuellement en vigueur au Tessin. Ses chiffres publiés en 2000 démontrent que l’introduction de ce système de prestations complémentaires permettrait de ramener le taux de pauvreté des familles entre 2 et 4% selon la variante préconisée.

«Cet instrument est en effet le plus efficace pour soutenir les familles à bas revenu, confirme Jürg Krummenacher. Ce principe a déjà permis de lutter efficacement contre la paupérisation des personnes âgées. L’exemple tessinois montre également son efficacité pour les ménages les plus défavorisés.»

Des structures d’accueil

Par ailleurs, les défenseurs de la famille soutiennent la mise en œuvre de structure d’accueil extrafamiliales pour les enfants.

«Ces structures sont essentielles pour permettre aux parents de mieux concilier travail et famille, souligne Liliane Maury Pasquier. Elles assurent en outre une meilleure intégration sociale et favorisent le développement de l’enfants.»

«En la matière, le programme d’impulsion à la création de places d’accueil, voté par les Chambres fédérales l’an dernier, devrait donner un signal positif.»

Les modalités du projet font encore l’objet de désaccords entre les deux Chambres. Mais celles-ci ne devraient toutefois pas remettre en cause l’essentiel du projet.

La principale divergence concerne l’ampleur de l’impulsion à donner. Les Etats (le Sénat) ont coupé la poire en deux, retenant un montant de 50 millions par an, soit la moitié de ce que souhaite le National (la chambre du peuple).

On estime qu’il existe à peu près 50’000 à 60’000 places d’accueil pour les enfants en Suisse, ce qui ne couvrirait pas même la moitié de la demande.

L’enveloppe des Etats permettrait de contribuer à la création de 25’000 à 28’000 places environ sur huit ans, celle du National, environ 75’000 sur dix ans.

swissinfo, Vanda Janka

Le système tessinois prévoit deux types d’allocations complémentaires:
L’un profite aux familles modestes ayant des enfants de moins de 15 ans.
L’autre aux familles avec enfants en bas âge dont le revenu est inférieur au minimum vital malgré le versement des premières prestations complémentaires.

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