Des perspectives suisses en 10 langues

Ouragan financier sur l’Amérique du Sud

Après l'Argentine, c'est au tour de l'Uruguay d'être pris dans la tourmente financière. Le reste de l'Amérique latine est en danger. Keystone Archive

L'Amérique du Sud affronte une grave crise économique et financière. Qui affecte peu le reste du monde. Y compris la Suisse.

«Depuis quelques jours, je suis devenu extraordinairement pessimiste. En effet, Il est probablement trop tard pour freiner la crise financière qui a démarré en Argentine et ses effets contagieux dans les autres pays de la région».

Tel est le constat de Charles Wyplosz, spécialiste des crises financières à l’Institut universitaire des hautes études internationales (IUHEI) à Genève.

Pour justifier un tel pessimisme, l’économiste rappelle l’exemple de la crise asiatique qu’aucune injection de capitaux, même massive, n’avait réussi à stopper.

Cette intervention vient justement d’être lancée pour l’Uruguay, happé à son tour par la tourmente financière. Le FMI, la Banque mondiale et la Banque interaméricaine de développement ont en effet décidé de porter leur aide à 3,8 milliards de dollars.

Risque d’un effet domino

Quant aux Etats-Unis, ils vont immédiatement avancer 1,5 milliard de dollars sous forme d’un prêt-relais.

De fait, le risque d’un effet domino frappant l’ensemble de l’Amérique latine est plus élevé que jamais. D’autant que la santé économique du sous-continent est des plus précaires.

«Nous recevons des mauvaises nouvelles de pratiquement partout, à part peut-être du Chili et du Mexique», confirme à swissinfo Armin Ritz, ambassadeur de Suisse en Argentine.

Certes, la nature et les causes de ces difficultés économiques ne sont pas partout les mêmes.

Un paysage contrasté

En Argentine, la crise est née, selon Charles Wyplosz, d’un trop long maintien de la parité dollar-peso.

Au Brésil, par contre, c’est la perspective d’une victoire de l’un des deux candidats de gauche aux élections présidentielles d’octobre (Luis Inacio Lula da Silva ou Ciro Gomez) qui contribue à faire plonger la Bourse brésilienne.

Plus au nord, le Venezuela voit se multiplier les affrontements entre partisans et adversaires du président populiste Hugo Chavez.

Quant au pays voisin, la Colombie, il assiste à la guerre sans fin qui oppose la narco-guerilla des FARC, les milices paramilitaires et les forces gouvernementales.

En Equateur, en Bolivie ou au Pérou, les manifestations, parfois durement réprimées, s’enchaînent pour entraver la libéralisation de tel ou tel autre secteur de l’économie.

Une crise de confiance généralisée

Mais les situations ont beau être diverses. Elles provoquent un même effet dévastateur: «la perte de confiance qui entraîne une sortie massive des capitaux. Une réaction observée tant chez les acteurs économiques locaux que parmi les investisseurs internationaux», souligne Charles Wyplosz.

Cette hémorragie financière provoque une série de réactions en chaîne aboutissant à la faillite de l’économie du pays concerné.

«Et, poursuit Charles Wyplosz, quand plusieurs pays sont dans la ligne de mire des investisseurs, comme c’est le cas actuellement, la crise se développe de manière contagieuse et généralisée.»

Bref, les temps promettent d’être particulièrement durs pour les Latino-américains. Et cela, alors que la pauvreté touche déjà plus de 40% de la population.

Impact limité pour la Suisse

Cette descente aux enfers qui menace l’Amérique latine n’a, par contre, que peu d’impact direct sur le reste de l’économie mondiale, en particulier celle des pays riches comme la Suisse.

«L’Amérique latine ne représente que 3% de nos exportations et 1% de nos importations», dit Jean-Jacques Maeder, responsable du secteur Amérique au secrétariat d’Etat à l’économie (SECO).

Jean-Jacques Maeder précise également que les investissements directs suisses vers l’Amérique latine ne représentaient que 13% du total de ces placements, en l’an 2000.

Même les filiales des multinationales helvétiques implantées dans les pays en crise semblent relativement peu affectées. «Mais, nuance Armin Ritz, certains secteurs sont plus touchés que d’autres.»

«En Argentine, précise l’ambassadeur de Suisse, le secteur pharmaceutique a fortement souffert de la désorganisation du système de santé publique. Mais, suite à la dévaluation du peso argentin, l’industrie alimentaire, elle, a pu davantage exporter.»

Sérénité chez Nestlé

Exporter vers de nouveaux marchés, en particulier vers l’Europe. «C’est, confie Armin Ritz, devenu l’obsession de l’ensemble des industriels.»

Au siège veveysan du géant de l’agroalimentaire Nestlé, la sérénité est de mise.

«Cette crise aura sans doute des effets sur nos comptes consolidés, affirme François-Xavier Perroud, porte-parole du groupe. Mais nous n’envisageons pas du tout de quitter tel ou tel pays d’Amérique latine.»

«Nous avons une politique à long terme, conclut François-Xavier Perroud. Nous avons survécu à des crises bien plus importantes que celle-ci.»

swissinfo/Frédéric Burnand à Genève

Lecture approfondie

Les plus discutés

En conformité avec les normes du JTI

Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative

Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !

Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision