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Un Forum entre contretemps et tintamarres

Keystone Archive

Le Forum de Crans-Montana se prépare à sa 13e édition. On y attend du beau monde. Mais certains anti-mondialistes ont aussi décidé de s'y inviter.

Dès jeudi soir, la station des Alpes valaisannes accueille un bon millier d’hôtes de marque. Une poignée de chefs d’État, plusieurs ministres, des hommes d’affaires et d’autres personnalités de tous bords participent au Forum de Crans-Montana.

En ce lieu – qui se définit comme une «plate-forme d’échanges paisibles et constructifs dédiée à un monde plus humain» – ils participeront à une bonne soixantaine de réunions à la carte. Sur des thèmes qui reflètent, eux aussi, la diversité et la complexité des problèmes du monde actuel.

Rien de vraiment neuf pour cette édition 2002. Sinon le fait que des anti-mondialistes regroupés via Internet dans une «coalition anti-FCM» ont apparemment décidé de s’y montrer.

Ils projettent de manifester samedi à Crans-Montana «contre le havre de paix et de sérénité où nos élites souhaitent se rencontrer»!

«Plus nous nous amuserons, annoncent les organisateurs de ce ‘tintamarre anti-capitaliste’, plus ils grinceront des dents.»

Cette manifestation devrait aussi servir d’«entraînement musical en milieu difficile en vue des prochaines manifs à la montagne». Une façon de dire que Crans-Montana ne vaut pas Davos.

Un Forum du 21e siècle

Jean-Paul Carteron, président-fondateur du Forum de Crans-Montana, n’aime pas que l’on compare son initiative avec le quasi mythique Forum économique qui se déroule dans la station grisonne.

«Nous sommes un concept du 21e siècle, confie-t-il à swissinfo. Face à la mondialisation, l’argent n’est absolument plus d’aucune légitimité pour gouverner le monde. L’élite, c’est ceux qui savent, à la fois, faire du profit et assumer pleinement leurs responsabilités sociales.»

De ce point de vue, le dossier d’information du Forum de Crans-Montana respire l’autosatisfaction. Jugez plutôt.

Il se dit «avant-gardiste, briseur de glace, prophète de la fin des arrogances établies et moteur des incertitudes créatrices». Et son but c’est de «rétablir la hiérarchie des normes et de redonner aux valeurs fondamentales la place qu’elles doivent occuper».

Cela dit, le rendez-vous de Crans-Montana souffre tout de même de la concurrence, à commencer par celle du calendrier. Cette année, par exemple, il se tient durant la même semaine que le G8 au Canada.

«Nous avons choisi une date, le dernier week-end de juin, et on s’y tient, répond Jean-Paul Carteron. C’est un élément essentiel de la pérennité du Forum et de la fidélité de ses participants.»

L’OMC, plutôt que le Forum

Les contestataires n’iront pas tous à Crans-Montana. Les militants suisses de ATTAC – l’une des grandes associations du mouvement anti-mondialiste – sont même tentés de regarder le Forum valaisan avec un certain dédain.

«Faut-il se mobiliser chaque fois que des petits princes se réunissent?» se demande Alberto Velasco, président de Attac-Suisse. Et d’ajouter: «Crans-Montana, c’est une réunion mondaine, un lieu de discours idéologiques.»

Pire: «c’est un appât, une réunion de diversion. Car c’est ailleurs que se prennent les décisions qui nous passent sous le nez».

Ailleurs, pour les militants, c’est d’abord à l’OMC, l’Organisation mondiale du commerce, «grâce à qui la libéralisation du marché fait son entrée en force».

Une certaine inquiétude en Valais

Restent les autres contestataires – regroupés dans la coalition anti-Forum – dont on ignore le nom, comme le nombre. Le fondateur du rendez-vous de Crans-Montana, Jean-Paul Carteron, les a contactés pour leur proposer «d’établir possiblement une relation positive».

Mais sa démarche s’est heurtée au refus de ces militants virtuels. «Notre but n’est pas d’influencer vos décisions, disent-ils. Mais de remettre en cause le système mortifère que tant de gens subissent.»

De quoi préoccuper Bernard Geiger, commandant de la police valaisanne. Notamment à cause du «flou» dont s’entourent les anti-Forum qui n’ont demandé aucune autorisation.

Mais aussi à cause des «éléments incontrôlés» qui peuvent perturber les manifestations pacifiques. Les policiers veilleront au grain.

Pendant ce temps, à Genève…

En fait, au moment où l’OMC franchit une étape de plus vers un accord général sur le commerce des services, c’est plutôt du côté de Genève que les anti-mondialistes choisiront samedi de manifester leur mécontentement.

«Non! clameront les manifestants. Non à la privatisation de l’eau, de la santé, de l’éducation, de l’électricité! Et non à des accords qui bradent les services publics! Car «le monde n’est pas une marchandise».

«C’est l’homme, d’abord, qui ne doit pas être une marchandise», précise Jean-Paul Carteron.

Et le fondateur du Forum de Crans-Montan de dénoncer «l’arrogance de ces dirigeants d’affaires qui conduisent le monde à la ruine». Ou de «ces apprentis sorciers totalement incompétents qui ont détruit des joyaux de l’économie suisse».

«Mais, conclut-il, ce n’est pas en procédant par anathèmes que l’on fera en sorte que la mondialisation devienne bénéfique».

swissinfo/Bernard Weissbrodt

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