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Flou artistique autour de Serono

Le siège de Serono à Corsier-sur-Vevey. Keystone

Les spéculations fusent autour du groupe suisse, numéro 3 mondial de l'industrie des biotechnologies. Rachat et sortie de bourse sont évoqués.

Analyste du secteur santé à la banque Ferrier Lullin, Michel Auch indique à swissinfo ne pas vraiment croire à l’imminence d’une OPA.

Edition de mardi du Wall Street Journal: Serono a mandaté la banque d’affaire américaine Goldman Sachs afin d’«explorer diverses alternatives stratégiques».

La nouvelle est confirmée par le groupe basé à Genève. Son porte-parole nuance: «Il n’y aucune assurance qu’une quelconque transaction soit menée à terme.»

Rapidement, les rumeurs enflent. Le cours en bourse du second acteur de la branche en Europe termine la séance boursière de mardi sur un gain de 8% avant d’évoluer en légère progression mercredi.

Piste régulièrement reprise par les observateurs, celle d’un rachat de Serono par un autre grand du secteur. Les noms de Novo Nordisk, Novartis, Roche ou Pfizer sont évoqués.

swissinfo: Que cache ce mandat octroyé par Serono à Goldman Sachs?

Michel Auch: J’ai toujours eu le sentiment qu’Ernesto Bertarelli (patron du groupe) pensait que son titre valait plus que ce que le marché ou les investisseurs étaient prêts à payer.

Serono cherche peut-être à voir comment elle serait évaluée dans un autre contexte – qu’elle est la valeur industrielle de Serono actuellement?

L’idée est de déterminer l’existence ou non d’un écart entre la valeur en bourse du titre et le prix réel de Serono pour une entreprise tierce qui voudrait la racheter.

swissinfo: Vous formulez une hypothèse liée à la première…

M.A.: Serono veut peut-être voir ce que vaudrait l’entreprise pour un autre groupe, avec l’idée de racheter les parts qui lui manquent (la famille Bertarelli possède 60% du capital).

Estimant que les investisseurs ne le suivent pas sur la valeur de l’entreprise, Ernesto Bertarelli pourrait leur offrir, disons 1100 francs par action (moins de 1000 francs actuellement). Tout le monde serait content et lui se retirerait de la bourse.

En réalité, je crois que Serono essaie juste d’appréhender toutes les possibilités qui s’offrent à elle pour créer de la valeur pour ses actionnaires, dont font partie les Bertarelli. Tout simplement.

Là où j’ai un problème avec la vente de Serono à un grand groupe, c’est que Serono, aujourd’hui, fait 55% de son chiffre d’affaires avec son médicament Rebif (contre la sclérose en plaque).

De nouveaux entrants devraient arriver dans ce domaine vers 2008-2009. Si on ne connaît pas leur valeur actuellement, potentiellement, cette perspective limite le prix de rachat de Serono. Elle implique un gros risque opérationnel.

J’ai donc peine à croire qu’un gros groupe pharmaceutique pourrait se retrouver avec Ernesto Bertarelli sur un chiffre commun.

swissinfo: Est-il possible que le marché n’ait pas connaissance d’une information importante – un problème personnel du patron par exemple?

M.A.: C’est toujours possible. Lors des résultats de début d’année, nous avons quand même eu la belle surprise de voir qu’ils avaient provisionné 724 millions pour une amende. Personne n’en avait jamais parlé. Cela n’a pas été très bien pris.

Voyant qu’un management est capable de faire des cachotteries – je ne parle pas de mensonge bien sûr – il est possible d’imaginer qu’il nous cache quelque chose.

Ernesto Bertarelli est un battant. Et à moins d’une maladie qui le verrait disparaître dans les trois semaines avec une probabilité de 100%, j’ai de la peine à croire qu’il n’aurait pas envie de se battre.

De plus, en cas de pépin, il n’est pas seul. Il dispose de cadres compétents. C’est donc une idée que j’ai de la peine à retenir.

swissinfo: Les observateurs évoquent aussi la possibilité que Serono, plutôt que d’être rachetée, rachète. Qu’en pensez-vous?

M.A.: Ça me paraît cohérent. J’ai de la peine à citer des noms. Mais c’est une hypothèse à retenir. Le marché dit régulièrement que Serono n’a pas le médicament à plus de 500 millions de dollars qui pourrait rassurer les intervenants à l’horizon 2008-2009.

Serono recherche peut-être le médicament à insérer dans sa palette. J’attribue à ce scénario une probabilité plus forte qu’une OPA sur le groupe suisse.

Interview swissinfo: Pierre-François Besson

Ernesto Bertarelli a pris les rênes de Serono, confiées par son père, en 1996.
Le groupe suisse est basé à Genève, où il achève la construction de son nouveau centre opérationnel.
Il est actif notamment dans les biotechnologies, la médecine de la reproduction et la neurologie.
En 2004, son chiffre d’affaires s’est monté à 2,7 milliards de francs et son bénéfice net à 504 millions.
Serono emploie 4900 collaborateurs dans le monde.

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