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La prochaine révolution industrielle au cœur des débats à Davos

S'ils peuvent améliorer notre confort, les robots pourraient aussi nous voler notre travail. Reuters

Des robots intelligents et des drones, des imprimantes 3D ou encore des véhicules sans chauffeur. La quatrième révolution industrielle est là. Le Forum économique mondial va débattre du potentiel, des limites et de l’impact sociétal de «l’Industrie 4.0».

La modernisation des lieux de travail va-t-elle créer des emplois ou augmenter le chômage? Va-t-elle réduire ou diminuer l’écart entre les économies industrialisées et en développement, entre les riches et les pauvres? Les nouvelles technologies feront-elles baisser la pression du franc fort sur les entreprises suisses?

Le fondateur du Forum économique mondial (WEF) Klaus Schwab, qui s’exprimait avant la rencontre annuelle de Davos, a appelé les leaders mondiaux à réviser leurs lois pour s’accommoder aux changements à venir. «Nous ne sommes pas encore suffisamment préparés pour la quatrième révolution industrielle qui va nous submerger comme un tsunami et changer le système mondial», avertit-il. «Je crains la mise à l’écart de la classe moyenne, ce qui mènerait à un nouveau problème d’exclusion sociale que nous devons absolument éviter.»

La Suisse est aussi aux prises avec les possibilités et les pièges potentiels de l’industrie 4.0, qui est décrite comme le plus grand bouleversement économique et sociétal depuis la naissance d’internet.

Une opportunité suisse

A première vue, l’industrie 4.0 est le moyen parfait pour renforcer l’industrie suisse d’exportation affectée par le franc fort et les banques qui doivent faire face à de coûteuses modifications réglementaires. Les lignes de production intelligentes et les services de gestion de fortune numériques semblent être une meilleure réponse que la délocalisation de la manufacture en Europe de l’est ou que de mettre la clé sous la porte.

Le problème, comme toujours, est de trouver un moyen de transformer le rêve en réalité, particulièrement pour les petites sociétés. «Les petites et moyennes entreprises (PME) disposent de ressources limitées», a souligné le directeur de Swissmechanic Oliver Müller, lors d’une conférence à Zurich. «Elles possèdent un riche savoir-faire en ce qui concerne les procédures courantes, mais ce n’est pas toujours facile pour elles de sortir de leur zone de confort et de traiter quelque chose qui ne leur est pas familier.»

La conférence a aussi souligné que le large éventail de nouvelles technologies pourrait se retourner contre les entreprises qui choisissent la mauvaise stratégie ou qui sont tout simplement dépassées par le volume de données à gérer.

Tout n’est toutefois pas perdu. Selon le cabinet de conseil Roland Berger, la Suisse est bien placée pour devenir l’un des leaders mondiaux de l’industrie 4.0 grâce à la spécialisation des entreprises suisses dans les produits novateurs de haute qualité. La Suisse prend régulièrement la première place mondiale (ou au moins une des trois premières) dans les études sur l’innovation.

En outre, la Suisse est l’un des rares pays européens à avoir conservé sa base industrielle depuis le tournant du millénaire. «Si les entreprises suisses intègrent l’industrie 4.0 au maximum de leur potentiel, l’économie pourrait gagner une valeur ajoutée de 15 milliards de francs supplémentaires d’ici à 2025», a indiqué Sven Siepen, le gérant en Suisse de Roland Berger.

Menace pour l’emploi

Quelques embûches se trouvent toutefois sur le chemin de l’industrie 4.0. Les délégués du WEF vont analyser le thème récurrent de la sécurité des données, bête noire des banques suisses. Les débat à Davos vont aussi se centrer sur les possibles conséquences de doter les machines d’une intelligence. L’un des débats posera la question: «Et si les robots faisaient la guerre?» Un autre sujet sera aussi abordé, peut-être plus pertinent pour la vie quotidienne: «A quoi vont ressembler les lieux de travail à l’âge des robots intelligents et des services à la clientèle automatisés?»

De nombreuses études prédisent la mort des emplois peu qualifiés dans les années à venir. L’an dernier, les prévisions de Deloitte Suisse annonçaient la disparition de la moitié des emplois actuellement disponibles en Suisse en raison de l’automation. En tête de liste, on trouve les travaux administratifs, de secrétariat et agricoles. D’autres études ont mêmes montré que les comptables et les pilotes pourraient avoir des raisons de s’inquiéter.

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Le syndicat Unia craint aussi la perte de nombreux postes de travail dans le commerce de détail, les chaînes de production industrielles et le domaine des soins. Pourquoi est-ce que vous avez besoin de personnes pour fabriquer certains produits, si une imprimante 3D peut le faire aussi bien?, s’interroge Vania Alleva, la présidente d’Unia. «Le travail qui est aujourd’hui accompli par des gens va être réalisé par des réseaux de machines et de robots», déplore-t-elle.

Unia s’inquiète aussi de la fracturation des lieux de travail, avec davantage d’employés indépendants ou qui travaillent à distance. Le syndicat indique que ce phénomène pourrait diminuer le pouvoir des négociations collectives.

D’autres observateurs estiment que, comme d’autres révolutions industrielles, l’industrie 4.0 va indubitablement aussi créer des emplois. Il faudra concevoir les robots et analyser les importantes bases de données pour les utiliser.

«Les personnes qui travaillent dans l’assemblage manuel continueront d’être remplacées par des processus automatisés, car la Suisse ne peut pas se permettre de préserver ce travail manuel», souligne Sven Siepen de Roland Berger. «Ce n’est toutefois pas nouveau. Certains sites de production dans des villes industrielles comme Winterthour ont depuis longtemps disparu mais le taux de chômage est resté élevé [3,3% à la fin de l’année 2015].»

Le WEF à Davos 

Le 46e Forum économique mondial aura lieu à Davos du 20 au 23 janvier, sous le thème de «Maîtriser la quatrième révolution industrielle». Quelque 2’500 délégués y assisteront, issus du monde des affaires, de la politique, de la culture, de la religion, de la science, ainsi que des représentants de la société civile. Près de 40 chefs d’Etat et de gouvernement seront présents, notamment le Premier ministre britannique David Cameron, le vice-président américain Joe Biden, le Premier ministre canadien Justin Trudeau et le Premier ministre grec Alexis Tsipras.

En plus du thème de la quatrième révolution industrielle, les débats du WEF vont se centrer sur la menace globale que représente le terrorisme et les problématiques environnementales soulevées en décembre dernier par la Conférence de Paris sur le climat.

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