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A Genève, la pénurie immobilière pèse sur les régions frontalières

A new apartment block
Combler ce déficit chronique de logements, tant sur le marché locatif que sur le marché de la propriété, serait dans l’intérêt de tous les acteurs publics et privés, estime les auteurs de l'étude de Credit Suisse. © KEYSTONE / SALVATORE DI NOLFI

Malgré la construction de milliers de nouveaux logements à Genève, le manque de biens à vendre continue d'entraîner un exode vers le canton de Vaud et la France voisine. C’est du moins ce qu’affirme une étude de Credit Suisse, qui pointe les conséquences négatives sur l'économie locale et les transports. 

Avec ses salaires et son niveau de vie élevés, Genève est victime de son propre succès, attirant chaque année des milliers de personnes qui veulent y vivre et travailler. Mais trouver un logement reste un casse-tête. En outre, seulement 18,5% des résidents – soit la moitié de la moyenne nationale (38,2%) – sont propriétaires de leur logement à Genève, le reste allant vers le marché locatif.

Le canton du bout lac Léman, enclavé en France, souffre de longue date d’une grave pénurie de logements à louer et à acheter, la demande dépassant largement l’offre. Ce que confirme une récente étudeLien externe de Credit Suisse.

Elle indique que le manque de logements à acheter continue d’entraîner un exode au-delà des frontières du canton. Environ 2000 personnes s’installent en France chaque année, en légère baisse par rapport au pic de 2011-2012. Au cours des dix dernières années, 20’000 personnes ont quitté Genève pour s’installer de l’autre côté de la frontière en France. De plus, 600 à 700 personnes par an – en baisse par rapport au pic de 2007-2011 – s’installent dans le canton de Vaud voisin. Posséder sa propre maison est le 2e facteur à l’origine de l’exode, après une meilleure qualité de vie et avant les prix élevés des logements.

Les frontaliers à Genève. Au 2e trimestre 2018, près de 85’000 travailleurs actifs dans le canton de Genève résidaient en France voisine, ce qui représente près d’un quart des employés du Canton de Genève selon les données de 2015. En comparaison, le canton de Bâle-Ville ne compte que 18% de travailleurs résidant en France ou en Allemagne.

Selon le relevé de l’Office genevois de la statistique, plus de 1300 citoyens suisses ont quitté le canton de Genève pour s’installer dans le département de l’Ain ou de la Haute-Savoie en moyenne annuelle au cours des dix dernières années. Si l’on considère également les résidents de nationalité étrangère, ce sont plus de 2000 personnes par an, en moyenne, qui ont émigré du canton de Genève vers la France voisine entre 2008 et 2017. Au total, plus de 20’000 résidents genevois, dont 13’400 de nationalité suisse, ont établi leur domicile de l’autre côté de la frontière au cours de ces dix dernières années. Tiré de l’étudeLien externe de Credit Suisse.

L’étude relève que la plupart des personnes qui quittent Genève sont hautement qualifiées; 68% ont une formation universitaire et 35% occupent des postes de direction. Selon l’économiste de Credit Suisse Sara Carnazzi Weber, ces départs se traduisent par une perte financière – recettes fiscales et argent dépensé localement – estimée à 530-700 millions de francs par an.

Bouchons persistants

Ce manque de biens immobiliers abordables entraîne une saturation du réseau routier. Le nombre de travailleurs frontaliers qui font l’aller-retour en voiture ne cesse d’augmenter. Chaque jour, 550’000 personnes franchissent les frontières avec la France et le canton de Vaud, la plupart en voiture particulière. Ce chiffre devrait passer à 694’000 d’ici 2020. Un tiers des personnes interrogées se disent fréquemment affectées par les embouteillages, contre 20% pour Zurich et Bâle.

Dans ce contexte, les responsables locaux espèrent que le nouveau système ferroviaire transfrontalier d’envergure, connu sous le nom de CEVA/Leman Express, qui devrait entrer en service fin 2019, pourra contribuer à réduire l’engorgement de Genève.

Le problème du logement persiste malgré les efforts des autorités locales. Entre 2000 et 2017, 27’000 nouveaux appartements et maisons ont été construits. Depuis 2015, les chantiers se sont multipliés. Mais cet effort n’arrive pas à combler les besoins d’une population genevoise en pleine croissance.

Croissance démographique. La deuxième plus grande ville de Suisse après Zurich est au centre d’un bassin de population d’environ un million d’habitants, le Grand Genève. D’ici 2030, la région devrait croître d’au moins 200’000 habitants.

Selon les statistiques officielles, la population du canton de Genève devrait augmenter de 21% entre 2015 et 2040, pour atteindre 587’500 personnes. La population de la région transfrontalière genevoise devrait également atteindre entre 1,2 et 1,3 million entre 2015 et 2040.

Carnazzi Weber s’en plaint depuis de nombreuses années: «la réponse du marché immobilier à la forte croissance du canton a été inadéquate.» Elle a déclaré que ce retard était dû en partie à un «contrôle rigoureux du marché». Le rapport indique qu’il y a eu trop d’attention accordée aux logements locatifs plutôt qu’aux propriétés à acheter dans les zones de développement en dehors du centre-ville.

Le rapport montre que les nouveaux acheteurs potentiels sont exclus du marché. Selon Credit Suisse, un «couple marié lambda» n’a probablement pas les moyens d’acheter une PPE à Genève. Alors que leur revenu annuel a augmenté de 22% entre 2004 et 2017, le prix des copropriétés a grimpé de 140%.

La solution aux problèmes de logement de Genève, insistent les auteurs, impose «un niveau de construction beaucoup plus élevé dans tous les segments du marché de l’immobilier résidentiel.» 

Et ce pour ne pas faire mentir l’écrivain argentin Jorge Luis BorgesLien externe cité en exergue de l’étude de Credit Suisse: «de toutes les villes du monde, de toutes les patries intimes qu’un homme cherche à mériter au cours de ses voyages, Genève me semble la plus propice au bonheur.»

Traduit de l’anglais par Frédéric Burnand

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