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IG Farben: l’UBS rejette la proposition d’Ed Fagan

En décembre dernier, Ed Fagan s'était déplacé à Zurich pour expliquer ses griefs envers l'UBS. Keystone

L’ultimatum, lancé par l’avocat américain, est échu vendredi. La banque suisse estime n’avoir rien à se reprocher. Elle se défendra.

Ed Fagan réclame plus de deux milliards de francs à l’UBS pour régler à l’amiable l’affaire IG Farben. Sinon, il déposera une plainte aux Etats-Unis.

Devenu pour ainsi dire un spécialiste des attaques contre des entreprises ou des banques suisses, l’avocat américain Ed Fagan a une nouvelle fois l’UBS dans le collimateur.

Après avoir épinglé le numéro un bancaire pour ses relations avec l’Afrique du Sud de l’apartheid, il lui reproche cette fois d’avoir caché des documents dans le cadre de l’affaire IG Farben.

Mais l’UBS entend bien se défendre. «Il n’y a pas justification à des plaintes; nous nous défendrons par tous les moyens», déclare ainsi Christoph Meier. Le porte-parole du géant bancaire avance deux arguments.

Le premier est juridique. En 1988, la justice allemande avait déjà refusé deux plaintes similaires.

Le second est historique. La Commission indépendante d’experts – qui a examiné les relations entre la Suisse et l’Allemagne nazie – a conclu qu’il n’y a aucune preuve montrant qu’Interhandel et IG Farben sont restés partenaires après leur séparation en 1940.

Un long feuilleton

L’avocat américain Ed Fagan agit cette fois au nom des actionnaires de l’ancien groupe IG Farben. La plainte concerne les avoirs de IG Chemie/Interhandel, une filiale suisse de la société allemande.

Depuis des années, IG Farben en liquidation (IG Farben i.A. pour: IG Farben in Abwicklung), qui gère la succession du groupe allemand démantelé proche du pouvoir nazi, cherche à mettre la main sur des actifs de son ancienne filiale suisse IG Chemie. Celle-ci avait été fondée à Bâle en 1928.

IG Farben avait transféré d’importantes participations dans IG Chemie dans les années 30, notamment dans ses filiales américaines réunies dans la General Aniline & Film Corporation (GAF), avant de se séparer formellement de sa filiale suisse en 1940.

Les autorités américaines n’en avaient pas moins saisi la GAF en 1942, estimant qu’il s’agissait toujours d’une propriété de l’ennemi. IG Chemie, société financière devenue Interhandel en 1945, est pour sa part entrée par fusion dans le giron de l’UBS en 1967.

Nouvelles «preuves»

La holding bâloise avait auparavant obtenu, par accord avec les autorités américaines en 1963, un dédommagement de 122 millions de dollars pour la GAF (environ 2,8 milliards de francs actuels).

Cette somme aurait toutefois dû revenir, selon M. Fagan, non pas à l’UBS via Interhandel, mais à IG Farben, respectivement à ses actionnaires.

Or de nouvelles «preuves» dans ce sens seraient aujourd’hui disponibles, contrairement à 1988 où les liquidateurs d’IG Farben avaient perdu un long procès contre l’UBS.

Ces nouvelles «preuves» seraient notamment apparues lors de l’ouverture d’archives de l’ex-URSS et de l’ex-RDA. Selon Ed Fagan, elles prouveraient qu’«IG Farben n’a jamais perdu le contrôle d’IG Chemie», devenue par la suite Interhandel.

Menace de plainte aux Etats-Unis



L’avocat accuse par ailleurs l’UBS et les autorités suisses d’avoir refusé l’accès durant plus de 50 ans à d’importants documents.

Fort de ces éléments, Ed Fagan a menacé de déposer une plainte auprès du tribunal du Southern District de New York si l’UBS n’accepte pas un arrangement financier à hauteur de plusieurs milliards d’ici au 9 janvier.

L’avocat veut parallèlement déposer une plainte contre le gouvernement des Etats-Unis afin d’obtenir d’autres documents susceptibles d’étayer les liens entre IG Farben et IG Chemie/Interhandel.

swissinfo et les agences

IG Farben a été créé en 1925
Le groupe a été numéro un de la chimie mondiale jusqu’en 1945
IG Farben a activement soutenu le régime nazi
Il a notamment utilisé 80’000 travailleurs forcés à Auschwitz
Le groupe avait été démantelé en 1945

– Ed Fagan s’est déjà attaqué et à plusieurs reprises à des sociétés suisses.

– 2002: il dépose de plaintes collectives contre des entreprises suisses, dont l’UBS et le Credit Suisse (CSG), pour le compte des victimes de l’apartheid. L’affaire lui a été retirée en mai 2003.

– 2000: suite à l’incendie du funiculaire de Kaprun (Autriche), qui a fait 155 victimes, l’avocat newyorkais dépose plainte contre le fabricant d’articles de sport Intersport International Corporation qui avait organisé une compétition de snowboard ce jour-là dans la station. La plainte a été retirée en août dernier.

– 1998: Ed Fagan s’attaque aux grandes banques helvétiques dans le cadre de l’affaire des fonds juifs en déshérence. Les banques payent finalement 1,56 milliard de francs aux plaignants.

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