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Il ne faut pas oublier les autres crises

Keystone

Le chef de la Direction du développement et de la coopération (DDC) Walter Fust souhaite que la générosité ne s'arrête pas aux victimes du tsunami.

Avec le secrétaire général adjoint de l’ONU pour les affaires humanitaires, il a lancé mardi un appel pour que la communauté internationale n’oublie pas les autres crises.

Fin novembre 2004, les Nations unies lançaient un appel de fonds mondial de 1,7 milliard de dollars pour répondre en 2005 à 14 crises humanitaires. Elles affectent 26 millions de personnes, principalement en Afrique.

En plus du tsunami, la conférence des pays donateurs qui vient de s’ouvrir à Genève, doit également aborder le cas de ces «urgences oubliées», comme les appelle l’ONU et évaluer les réponses à cet appel global.

Jan Egeland, coordinateur des opérations d’urgence de l’ONU, espère que l’engagement des gouvernements sera à la hauteur des efforts fournis à la suite des raz-de-marée qui ont ravagé l’Asie du Sud.

De son coté, Walter Fust – directeur de l’agence suisse de coopération et d’aide humanitaire (DDC) – insiste sur la transparence de ces aides et la responsabilité des gouvernements face à leurs promesses de dons.

swissinfo: Dans votre discours à Genève, vous avez plaidé pour un effort accru en matière de transparence et d’efficacité.

Walter Fust: J’ai une expérience déjà ancienne dans le domaine de l’aide d’urgence. Et dans le passé, j’ai entendu beaucoup de déclarations de toute sortes. Mais ces propos se traduisent rarement par des actions concrètes.

Il faut donc instaurer un système transparent, accessible et public, qui permette de voir qui a tenu ses promesses. Et je suis sûr qu’un tel système poussera les bureaucraties et les gouvernements à répondre plus rapidement aux crises humanitaires.

Il faut absolument que l’action humanitaire se fasse dans la transparence. Toute perte de crédibilité dans ce domaine serait nuisible aux victimes. Et elles ne méritent pas ça.

swissinfo: Comment organiser cette transparence?

W.F.: Le bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA) peut facilement mettre en place une supervision et un suivi des aides fournies par les donateurs. Cette tâche peut également être menée par une entreprise privée ou une autre organisation.

Une chose est sûre: les moyens modernes de communication informatique permettent de mettre en place un tel système.

swissinfo: De nombreuses organisations insistent pour que l’argent promis pour le tsunami ne soit pas pris dans les fonds prévus pour les autres crises. Comment éviter ça?

W. F.: C’est pour cette raison que Micheline Calmy-Rey, ministre suisse des affaires étrangères, a déclaré dès le début que les 25 millions débloqués par le Conseil fédéral (gouvernement suisse) le 28 décembre ne soit pas pris ailleurs, que se soit vraiment des fonds supplémentaires.

Nous ne voulons pas que les victimes de crises et de conflits en Afrique ou ailleurs payent pour le tsunami.

Beaucoup de mes collègues d’autre pays m’ont également déclaré vouloir aller dans le même sens.

Chaque jour, 25’000 personnes meurent de faim. Il est donc très important de montrer à toutes les opinions publiques à quel point, il est nécessaire d’atteindre les objectifs du Millénaire, c’est à dire de diminuer significativement la pauvreté, la faim et les obstacles à l’éducation dans le monde.

swissinfo: Jan Egeland espère que le niveau atteint par les aides promises aux sinistrés du tsunami devienne un standard pour les autres crises humanitaire. La Suisse pourrait-elle augmenter son effort financier en cas de nouvelles crises?

W. F.: La Suisse a un budget régulier pour l’aide humanitaire qui n’a cessé de croître. Aujourd’hui, il se monte à environ 280 millions de francs, dont un tiers pour les agences de l’ONU, un tiers pour le CICR et le reste pour des aides bilatérales ou pour des ONG.

Vu le montant des dons en faveur des sinistrés du tsunami, nous n’allons pas prélever dans cette enveloppe de 280 millions pour soutenir les organisations suisses engagées dans cette catastrophe.

Mais il y a beaucoup d’autres ONG suisses actives dans les crises africaines. Et ces ONG ont peur de ne plus pouvoir compter sur les dons du public pour faire face à ces autres crises au cours de cette année.

swissinfo: Qu’en est-il en Suisse en matière de transparence et de bonne allocation des ressources dans les crises humanitaires?

W. F.: Nous pouvons assurer cette transparence pour l’argent utilisé par la DDC. Mais nous allons améliorer l’accès à ces informations via Internet.

swissinfo: Et c’est aux ONG suisses de mettre en place leur propre système?

W.F.: Nous allons en parler avec elles. Mais je pense que la Chaîne du bonheur va certainement exiger une telle transparence des ONG avec qui elle travaille.

Interview swissinfo, Frédéric Burnand à Genève

– En plus de la tragédie en Asie du Sud, 26 millions de personnes dans le monde (surtout en Afrique) sont victimes d’autres crises humanitaires.

– En novembre 2004, les Nations Unies ont lancé un appel global de 1,7 milliard de dollars en faveur des victimes de 14 de ces crises pour 2005.

– Rien qu’en République démocratique du Congo, trois millions de personnes sont mortes ces six dernières années de maladies évitables.

-Pour 2004, l’appel de l’ONU a été très inégalement entendu. Ainsi, les besoins humanitaires du Soudan sont couverts à 74%, mais ce chiffre tombe à 53% pour les Territoires palestiniens, 37% pour Haïti et seulement 9% pour le Zimbabwe et 5% pour les Philippines.

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