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Le casse du siècle – première partie

Raub auf die Fraumünsterpost
Cette image d'une caméra de surveillance montre un des malfrats portant une caisse vers leur véhicule, dans la cour de la poste du Fraumünster. SRF-SWI

Il y a vingt ans, cinq malfrats dérobaient 53 millions de francs à la poste du Fraumünster de Zurich. Le «casse du siècle» restera l’un des cas les plus spectaculaires de l’histoire de la criminalité en Suisse. Il réunit d’ailleurs tous les éléments d’un bon scénario.

«C’est un bon plan». Telle est la première phrase du livre que l’un des voleurs, Domenico Silano, a consacré au «casse postal du siècle». «Tout est dit, chacun sait ce qu’il doit faire. Si tout va bien, on sera bientôt tous des millionnaires.»

Au matin du 1er septembre 1997 au centre de Zurich, Domenico Silano et ses quatre complices arrivent à la poste du Fraumünster à bord d’une fourgonnette volée. Un autocollant lui donne l’allure d’un véhicule de service des télécoms. Sans le moindre soupçon, le gardien ouvre la barrière. La suite se déroule comme dans un film. À 10h37, les truands jaillissent de la camionnette. Armes au poing, ils neutralisent des employés en train de charger un véhicule blindé et transbordent rapidement cinq caisses dans leur fourgon. Puis ils disparaissent tout aussi vite, laissant là deux caisses pour lesquelles ils n’avaient plus de place.

Täterfoto Silano Domenico
La photo d’identité judiciaire de Domenico Silano. Aujourd’hui, il court toujours. Keystone

L’attaque n’a duré que quelques minutes. Les recherches à grande échelle lancées immédiatement ne donnent rien. Le véhicule et le butin de 53 millions de francs disparaissent, comme engloutis par la terre. C’est le plus grand braquage postal de tous les temps. Même la légendaire attaque du train postal de 1963 n’a pas rapporté autant à Ronald Biggs et ses complices – au moins si on ne tient pas compte de l’inflation.

Une bénédiction pour les voleurs

Le lendemain, le «casse du siècle» évince des unes de la presse suisse la mort tragique de Lady Di. «C’était vraiment gonflé», commente le juge d’instruction. Le porte-parole de la police explique qu’ils ont probablement disposé d’informations venant d’un complice à l’intérieur. La planification était digne de celle d’un état-major de l’armée, mais les voleurs ont malgré tout laissé sur place deux caisses contenant un total de 17 millions de francs. Le porte-parole demande l’aide de la population, tout en avertissant que les truands sont armés et dangereux.

Celui des PTT (comme on nomme encore alors la poste) est très loquace pour dénoncer ce «sale coup», mais bien plus discret lorsqu’il doit admettre que la régie fédérale n’est pas assurée contre les vols et les attaques à main armée. Le butin correspond à peu près au bénéfice qu’elle a réalisé l’année précédente. Un jour plus tard, le directeur général reconnaît qu’il y a apparemment eu des lacunes dans le dispositif de sécurité. Il n’est pas possible de reconnaître les malfrats sur les vidéos de surveillance parce qu’ils ont tout le temps tourné le dos aux caméras. En outre, les billets de banque étaient des coupures usagées et n’étaient pas enregistrés. Une vraie bénédiction pour les voleurs. 

La police a aussi ses problèmes. Elle recherche par exemple le mauvais véhicule: une Fiat Ducato au lieu d’une Fiat Fiorino. La fourgonnette est bien visible sur les vidéos, mais elles n’ont pas été étudiées à temps. Un témoin qui l’a identifié correctement s’étonne: «Je ne comprends pas comment ils en sont venus à une Fiat Ducato». Les journalistes sont unanimes: «Flops, pannes et poisse» où qu’on se tourne.

La population commence à s’amuser des déboires des PTT. Aux guichets, les clients se moquent des employés: «Vous pouvez bien me donner un peu des 17 millions restants». Le tabloïde «Blick» titre «Une bêtise coupable» et publie des lettres moqueuses de lecteurs et même un poème railleur en dialecte.

Zeitungsausschnitt
Tout le monde n’a pas forcément apprécié l’humour de l’agence de pub chargée de la promotion du nouvel utilitaire de Mazda. Keystone

Les criminels bénéficient d’un mouvement de sympathie. «Enfin un crime que chacun peut comprendre», écrit le Tages-Anzeiger, en résumant l’esprit général. «53 millions, mes respects, ce n’est pas seulement un record de Suisse, mais probablement aussi un record du monde. Et pas une goutte de sang. Cela suffit pour considérer ces cinq voleurs comme des gentlemen». Du Brésil, l’auteur de l’attaque du train postal, Ronald Biggs, se dit «plein d’admiration», sans se priver d’ajouter malicieusement qu’il aurait quand même choisi un fourgon plus grand. Une idée saisie au bond par un publicitaire: «Chers voleurs, dans une Mazda E 2000, il y aurait même eu la place pour 70 millions», proclame une annonce.

La police contre-attaque

Beschlagnahmte Beute aus dem Jahrhundertraub in der Zuercher Fraumuensterpost
Une partie du butin sera récupérée, mais 33 millions de francs sont envolés à jamais. Keystone

Mais dix jours après l’attaque, le vent tourne. La police a arrêté le cerveau présumé, trois voleurs, plusieurs complices et le postier qui avait fourni les informations internes nécessaires au hold-up. Il sera aussi particulièrement loquace en détention préventive.

Au total, les forces de l’ordre ont arrêté dix-huit personnes et récupéré 20 millions de francs. Les louanges font place aux critiques. Le procureur de district est maintenant surnommé «le chasseur du trésor perdu», sur la base du titre allemand du film «Indiana Jones et les aventuriers de l’Arche perdue». Et le chef de la police criminelle peut se vanter dans le «Blick»: «Nous avons eu une seule chance de but et nous l’avons saisie». Seuls deux malfrats courent toujours: le Libanais Hassan B. et Domenico Silano, qui écrira plus tard un livre. Sans compter le reste du butin: 33 millions de francs suisses.

Alors que police poursuit d’arrache-pied son enquête et lance un mandat d’arrêt international contre le Libanais, la Suisse, elle, tombe des nues face aux révélations qui suivent les arrestations. 

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Fluchtwagen der Posträuber von Zürich

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Le casse du siècle – seconde partie

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(Traduction de l’allemand: Olivier Hüther)

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