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Jean Zermatten défenseur des droits des enfants à l’ONU

Jean Zermatten brillamment réélu au Comité des droits de l'enfant à New York swissinfo.ch

Le Valaisan Jean Zermatten a été brillamment réélu pour quatre ans au comité de l'ONU pour les droits de l'enfant. Cet organe est chargé de veiller à l'application de la Convention sur les droits de l'enfant.

Adoptée par les Nations Unies le 20 novembre 1980 entrée en vigueur le 2 septembre 1990, la Convention relative aux droits de l’enfant reconnaît aux enfants des droits qu’ils peuvent exercer de façon autonome. Le bien des enfants est inscrit en tant que principe supérieur déterminant toute décision prise à leur égard.

«Je suis heureux de pouvoir poursuivre mon travail encore quatre années au sein du comité», a déclaré Jean Zermatten mardi dernier à New York après sa réélection, avec le meilleur score, au premier tour de scrutin. «La reconduction de mon mandat est une reconnaissance de mon travail et de mon engagement», a-t-il ajouté.

Peter Maurer, l’ambassadeur suisse à l’ONU, partageait la joie du Valaisan. A ses yeux, l’élection de Jean Zermatten montre que de nombreux Etats apprécient le travail du Suisse et notamment sa compréhension pour la complexité des questions à résoudre.

Excellente réputation

L’élection est aussi un signe supplémentaire de l’excellente réputation de la Suisse dans le domaine des droits de l’homme et de l’aide au développement, ont ajouté les deux hommes.

Jean Zermatten siège toutefois au comité en tant qu’expert indépendant. Il ne représente donc pas la politique de la Suisse. Au besoin, il la critique même.

Cet ancien juge des mineurs a œuvré toute sa carrière en faveur des enfants. Son enthousiasme, il le tire notamment du fait qu’il voit «qu’en près de 20 ans d’existence, la Convention relative aux droits de l’enfant a permis de réaliser de vrais progrès. Il reste encore beaucoup à faire et je veux apporter ma contribution.»

Le monde doit tenir la promesse qu’il a faite aux enfants, souligne Jean Zermatten. La communauté internationale doit montrer sa détermination à mettre en œuvre la Convention.

La condition du succès

Les Etats ne sont pas les seuls à devoir agir. Tout le monde est concerné, avait expliqué Jean Zermatten un jour avant son élection: les parents, les écoles, les ONG doivent collaborer. C’est la condition du succès.

Des progrès ont été réalisés dans le domaine de la santé, car la mortalité infantile a pu être réduite dans le monde, rappelle aussi le Valaisan. Le travail des enfants, par exemple dans la confection de tapis ou de ballons de football, a pu être freiné. La lutte contre l’enrôlement d’enfants-soldats a aussi connu des succès.

Jean Zermatten insiste sur la nécessité de faire davantage pour lutter contre les abus et la prostitution enfantine, de même que la pornographie utilisant des enfants. Il y a eu des améliorations, mais pas assez, regrette l’expert.

Et en Suisse

En Suisse, l’application de la Convention est bonne dans les domaines de la formation, de l’alimentation et de l’habitat, relève Jean Zermatten. «Mais la Suisse doit encore comprendre que les droits de la convention sont plus globaux que cela.»

On ne comprend pas encore assez, en Suisse, que les enfants ont des droits qu’ils peuvent exercer de façon autonome, explique le Valaisan. «Nous devons avoir plus confiance dans les enfants.»

Pour Jean Zermatten, les enfants sont encore trop souvent considérés comme des objets et non comme des sujets de droit. Pour changer cette vision, «il faut améliorer l’information à propos de la Convention, thématiser les droits des enfants à l’école déjà. Les enseignants doivent être formés à cela.»

Pas de lobby

Mais pour ancrer la participation des enfants dans la société, il ne faut pas seulement du temps: il faut aussi une volonté politique, note Jean Zermatten. «Des lobbys politiques existent dans presque tous les domaines, des voitures tout terrain aux vaches. Mais pour les droits des enfants, il n’y a pas de véritable lobby.»

Des interventions parlementaires existent, certes, mais elles ne traitent le plus souvent que d’aspects isolés. Une prise en compte globale manque encore, c’est-à-dire une véritable politique familiale et des enfants.

Les responsabilités sont totalement dispersées au sein de l’administration fédérale, ce qui rend une action coordination difficile. Enfin, le fédéralisme ralentit les processus, comme on le voit aussi dans d’autre Etats fédéralistes, précise Jean Zermatten.

Mais le Valaisan veut encore souligner d’autres progrès en Suisse, notamment dans le droit du divorce. Les enfants doivent aujourd’hui être entendus et leur avis doit être pris en compte dans la décision.

Jean Zermatten plaide aussi pour l’harmonisation scolaire, pas encore en vigueur du fait de l’opposition de certains cantons. Côté harmonisation, celles des allocations familiales était aussi «une étape importante».

L’expert a une vision précise de ce qu’il faut faire en Suisse: «Pour mettre en œuvre la Convention de l’ONU, une politique cadre nationale est nécessaire, avec un plan d’action et une coordination à l’échelle de Suisse entre la Confédération, les cantons et les communes. Enfin, un médiateur devrait être nommé pour représenter et défendre les droits des enfants.»

La critique est programmée

La Suisse doit livrer son prochain rapport de mise en œuvre de la Convention l’année prochaine. Jean Zermatten avertit: la Suisse doit s’attendre à des critiques.

La raison? Elle réside surtout dans le nouveau droit d’asile et la nouvelle loi sur les étrangers qui ne respectent pas certains points de la Convention, notamment à cause de la détention de mineurs en vue de l’expulsion et des dispositions sur les rassemblements familiaux.

swissinfo, Rita Emch, New York
(Traduction de l’anglais : Ariane Gigon)

La Convention de l’ONU relative aux droits des enfants est entrée en vigueur en septembre 1990.

La Suisse l’a signée en 1991 et ratifiée en 1997.

Des 195 Etats signataires, seuls la Somalie et les Etats-Unis ne l’ont pas encore ratifiée.

Le principe fondamental de la Convention est le bien des enfants. Le texte interdit toute discrimination des enfants, inscrit le droit à la vie, à la sécurité de l’existence, à l’alimentation, à la formation, à la santé et à la participation.

Le Comité des droits de l’enfant compte 18 membres et contrôle le respect et la mise en œuvre de la convention dans les Etats.

En 2009, la Suisse devra présenter son prochain rapport de mise en œuvre.

Jean Zermatten est né en 1948 à Sion (VS). Il est marié et père de deux enfants.

Après des études de droit, il a travaillé durant 8 ans au Tribunal des mineurs de Fribourg.

En 1980, il a fondé le Tribunal des mineurs du canton du Valais. Il y a travaillé durant 25 ans.

Dans le même temps, Jean Zermatten s’est toujours engagé pour les droits des enfants. Il est cofondateur et directeur de l’Institut international des droits de l’enfant (IDE) à Sion, où il enseigne.

Il a aussi créé, en collaboration avec l’Université de Fribourg, un diplôme supérieur en droits de l’enfant.

Il a été élu au Comité des droits de l’enfant de l’ONU en février 2005.

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