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L’appel d’un Suisse aux autorités ukrainiennes

La pression de la rue augmente de jour en jour à Kiev. Keystone

Un observateur suisse de l'OSCE exhorte les autorités ukrainiennes à céder aux manifestants qui exigent la révision de la présidentielle de dimanche passé.

Sur place depuis septembre, Rudolf Von Rohr a constaté des irrégularités durant le second tour de l’élection. Il le confirme à swissinfo .

La commission électorale ukrainienne a déclaré le Premier ministre Viktor Ianoukovitch vainqueur de la présidentielle de dimanche. Mais les supporters de son opposant Viktor Iouchtchenko refusent d’entériner ce résultat.

Et la Cour suprême du pays a annoncé jeudi en avoir interdit la publication dans la presse officielle avant qu’elle ait pu se prononcer sur l’appel de l’opposition.

Ces derniers jours, des centaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue autour du parlement et la menace d’une grève générale a même été brandie.

Pour leur part, Etats-Unis comme Union européenne (UE) ont fait part de leurs critiques, estimant que le processus électoral n’a pas répondu aux exigences d’un scrutin démocratique.

Pour tenter de désamorcer la crise, plusieurs médiateurs étrangers ont fait le voyage de Kiev vendredi. Parmi eux, le représentant de l’UE Javier Solana et le président polonais Aleksander Kwasniewski.

Présent sur place depuis le 10 septembre sous l’égide de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), le Suisse Rudolf Von Rohr est basé à l’Ouest du pays (Vinnitsa). Une région présentée comme étant largement pro-Iouchtchenko, par opposition à l’est de l’Ukraine qui serait plutôt favorable au candidat pro-russe.

swissinfo: En tant qu’observateur, comment avez-vous perçu cette élection?

Rudolf Von Rohr: Le premier tour, ici à Vinnitsa, s’est déroulé dans le calme. Et globalement, le processus électoral a été correct.

Les choses ont été différentes lors du second tour. Nous avons observé de nombreuses fraudes et des pressions sur les votants de la part des autorités locales. On a véritablement fait un pas en arrière lors de ce second tour.

Ici à Vinnitsa, l’élection s’est déroulée dans un calme relatif. Mais dans l’est, qui concentre beaucoup d’oligarques, on a constaté davantage de problèmes de fraude et de tricherie.

Au centre et dans l’ouest, les procédures électorales ont généralement respecté les critères de la loi électorale.

swissinfo: Certains observateurs ont évoqué une polarisation médiatique favorable au candidat pro-russe Viktor Ianoukovitch.

R.v.R.: Un grand nombre de chaînes de télévision ont appuyé Ianoukovitch. Une seule seulement – Channel Five – a évoqué la campagne et les objectifs de Iouchtchenko. On peut donc dire que les médias ont influencé l’élection. Ce qui est contraire à la loi.

Il faut dire que la plupart des chaînes sont contrôlées par l’Etat. Les conditions de travail sont très difficiles pour des journalistes qui risquent leur place. Mais à mon sens, le principal problème est que la population des campagnes n’est pas informée de façon exacte.

swissinfo: Les Etats-Unis et l’Union européenne ont condamné les irrégularités du second tour. Le pouvoir ukrainien va-t-il maintenant réviser l’élection?

R.v.R.: Je l’espère. Mais selon moi, tout dépendra du rôle joué par le président russe Vladimir Poutine.

Dans les dernières semaines, Poutine a effectué plusieurs visites à Kiev. Et lundi, il a été le premier à féliciter Ianoukovitch. Avant, même, que la commission électorale ne publie le résultat final de l’élection.

Peut-être est-il maintenant surpris par la réaction de la population. Nous ne savons pas ce que la Russie va entreprendre. Et c’est à nos yeux une question importante.

swissinfo: Iouchtchenko a indiqué qu’il accepterait une nouvelle élection. Quelle est la probabilité qu’elle ait lieu?

R.v.R.: Je ne sais pas. Des questions légales jouent ici. Personnellement, je ne crois pas que Ianoukovitch et les oligarques de la région de Donetsk (Est) accepteront un nouveau scrutin.

swissinfo: Selon vous, que va-t-il se passer? L’Ukraine va-t-elle expulser son président sur le mode de la révolution pacifique géorgienne?

R.v.R.: J’espère que l’Ukraine choisira la voie pacifique. Mais je ne sais combien de temps la population attendra une réponse de la part du président (sortant) Leonid Koutchma.

Interview swissinfo: Morven McLean
(Traduction: Pierre-François Besson)

Ukraine:
Ancienne république soviétique ayant une frontière commune à l’est avec la Russie.
Population de 48 millions d’habitants.
Clivage ethnique, avec 78% d’Ukrainiens et 17% de Russes.

– La loi ukrainienne prévoit que le président ne peut effectuer plus de deux mandats consécutifs.
– Actuel président terminant son double mandat, Leonid Koutchma est en poste depuis 1994.
– Lors de l’élection de dimanche, son “héritier naturel” Viktor Ianoukovitch avait pour challenger Viktor Iouchtchenko, leader de l’opposition pro-occidentale.

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