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L’appui résigné des actionnaires aux dirigeants d’UBS

Le nouveau président du conseil d'administration d'UBS et ex-ministre Kaspar Villiger a obtenu 97,5% des voix. Keystone

Malgré l'annonce de licenciements massifs et de pertes abyssales, les actionnaires, plus résignés qu'en colère, ont élu leurs nouveaux dirigeants. L'assemblée générale d'UBS s'est tenue mercredi à Zurich dans un climat propice au sarcasme.

L’assemblée générale pour une fois ordinaire (après plusieurs convocations «extraordinaires» en 2008 pour lever des capitaux) d’UBS avait attiré la foule des grands jours. Près de 5000 actionnaires se sont rendus au Hallenstation de Zurich-Oerlikon mercredi matin.

Ils venaient voir le nouveau patron, Oswald Grübel, ancien redresseur de Credit Suisse sorti de sa retraite pour reprendre UBS: beaucoup d’actionnaires ont ainsi expliqué leur présence à Zurich. Car la majorité des participants est aussi persuadée de ne pouvoir exercer aucune influence sur la marche des affaires.

Comme à l’accoutumée, une longue série d’orateurs ont annoncé vouloir prendre la parole. Si tous parlaient pendant leurs 5 minutes maximales autorisées, «nous prévoyons entre 7 et 8 heures de débats», a averti Peter Kurer, le président démissionnaire du conseil d’administration qui a encore dirigé l’assemblée.

Confiant dans le nouveau patron

«Ce sont toujours les mêmes qui viennent énumérer les mêmes discours en espérant passer à la télé, cela suffit, je ne viendrai plus», lâchait un peu plus tard le Fribourgeois Jacques Tinguely. Un brin excédé, l’actionnaire avait décidé de quitter les lieux avant les votes, trouvant l’assemblée très mal organisée.

Comme la majorité des personnes présentes, l’actionnaire exprimait aussi une certaine résignation. Confiant dans le nouveau patron Oswald Grübel, il n’a en revanche aucune critique contre les rémunérations des cadres. «S’ils font du bon boulot, ils peuvent gagner ce qu’ils veulent, à mon avis!»

Le Fribourgeois était un des rares à penser ainsi. Car les rémunérations sont un point «toujours sensible», selon les mots de Peter Kurer. Elles ont même davantage occupé les orateurs que les licenciements annoncés juste avant l’ouverture de l’assemblée, puisque les actionnaires préparent leur intervention à l’avance.

Pas de limite supérieure

Comme les comptes 2008, le nouveau système de rémunération a été accepté – dans un vote à valeur consultative – malgré les très nombreuses critiques. Le conseil d’administration a en effet proposé un système incluant un bonus-malus et un plan de participation en action, mais sans limite supérieure, raison pour laquelle la fondation Ethos a proposé le rejet du nouveau système.

Beaucoup d’actionnaires ont évoqué la «dépendance à l’argent» des anciens dirigeants de la grande banque, coupables de la «débâcle», un terme récurrent dans les interventions. Une partie des orateurs semble avoir conservé la même colère qu’ils exprimaient il y a une année contre Marcel Ospel ou Marcel Rohner.

Mais la résignation l’emporte. Les interventions passionnées, avec applaudissements ou sifflets, ont pratiquement disparu. «La crise est mondiale, que pouvons-nous faire?», demande cette actionnaire de Lausanne, qui dit, dans les coulisses du Hallenstadion, être venue «pour l’ambiance». «Les années où l’on pouvait empocher des commissions de 100’000 francs par contrat signé doivent être résolument révolues», ajoute-t-elle.

Autre expression de cette résignation: «Ma famille est actionnaire de la grande banque depuis trois générations, a dit un Bâlois. Nous sommes passés de la SBV à la SBG, puis à UBS et aujourd’hui, phonétiquement, à oups», a prononcé cet actionnaire avide de jeux de mots.

«La banque la plus asociale du pays»

L’acronyme de la banque se révèle grande source d’inspiration. «Essayez de ne pas être «die Unsozialste Bank of Switzerland», la banque la plus asociale de Suisse», a demandé un nonagénaire.

Oswald Grübel inspire manifestement confiance à de nombreux actionnaires, mais pas toujours l’enthousiasme. «Les balais neufs nettoient mieux, mais les vieux balais connaissent les recoins», dit cet actionnaire de Coire, se plaignant d’avoir dû pratiquement quémander une bouteille d’eau alors que les boni sont approuvés en haut lieu…

A propos de Kaspar Villiger, l’actionnaire grison ne remet pas en cause ses compétences. «Mais il est plus âgé que moi, dit l’homme qui n’est plus tout à fait jeune. Or je sais que ça diminue, là haut – dit-il en montrant sa tête – même si on ne l’admet pas.»

Un autre actionnaire, zurichois, lui aussi d’un âge certain comme l’écrasante majorité des actionnaires, hausse les épaules. «Nous pouvons seulement espérer que cela aille mieux. Oswald Grübel ne peut pas changer le monde, mais il faut garder confiance.»

S’exprimant devant la salle, un autre actionnaire a appelé le nouveau directeur général à la prudence: «En France, les employés prennent leur patron en otage, faites attention, Monsieur Grübel…»

swissinfo, Ariane Gigon à Zurich

Affluence. L’assemblée générale ordinaire d’UBS a réuni 4985 actionnaires à Zurich-Oerlikon mercredi matin. Le record de 6500 personnes à Bâle en février 2008 reste imbattu.

Perte. Les actionnaires ont approuvé les comptes 2008 et le rapport annuel. En 2008, la perte nette de la maison-mère s’est montée à 36’489 millions de francs. La perte nette attribuable aux actionnaires s’est élevée à 20’887 millions de francs.

Rémunérations. Lors d’un vote consultatif, les actionnaires ont aussi approuvé le nouveau système de rémunération par 87,6% contre 10,4% et 1,9% d’abstentions.

Critiques. La masse salariale a été réduite de 25 à 16 milliards de francs, a indiqué Peter Kurer. Les boni et les rétributions que certains anciens responsables continuent à percevoir (Marcel Rohner, ex-directeur général, à cause de son contrat, Alberto Togni, vice-président au moment du grounding de Swissair, parce qu’il gère une fondation) ont néanmoins suscité de nombreuses critiques.

L’assemblée générale a élu le nouveau président du conseil d’administration, l’ancien conseiller fédéral Kaspar Villiger, 68 ans, à 97,5% de voix (contre 1,26% de non et 1,21% d’absentions).

L’ancien ministre des finances renonce à tout bonus et à tout supplément variable de son salaire. Il succède à Peter Kurer, qui a œuvré pendant une année après l’ère Marcel Ospel.

Kaspar Villiger a suscité quelques interventions négatives d’actionnaires qui ont rappelé son rôle «peu brillant» lors de la faillite de Swissair.

Outre Kaspar Villiger, Michel Demaré (directeur financier d’ABB), Ann Godbeher (directrice financière de Northern Rock) et Axel Lehmann (Zurich Financial Services) ont été élus pour un an comme nouveaux administrateurs.

Les autres membres du conseil d’administration sont Peter Voser, David Sidwell, Sally Bott, Rainer-Marc Frey, Bruno Gehrig, William Parrett.

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