L'armée rationalise, les cantons trinquent
Dans le cadre des réformes d'Armée XXI, l'armée va rationaliser ses structures. Près de 2000 emplois sont menacés. Premiers touchés: les cantons.
Le commandant des Forces terrestres Jacques Dousse a rappelé jeudi à Berne qu'Armée XXI allait subir une sérieuse cure d'amaigrissement. L'effectif passera de 360 000 hommes avec Armée 95 à 120 000 avec Armée XXI.
Avec une telle chute d'effectif, l'organisation des structures doit bien sûr être adaptée. C'est ainsi qu'il y aura une fusion d'arsenaux, une réorganisation du Corps des gardes-frontières et de nouvelles occupations des places d'armes. Une adaptation qui dans le jargon militaire prend le terme de régionalisation.
L'exemple vaudois
Qui dit fusion et rationalisation dit en général suppression d'emplois. L'armée n'échappe pas à la règle. Entre 1500 et 2000 postes de travail devraient disparaître d'ici à 2009 dans l'ensemble de la Suisse, selon le Département fédéral de la défense.
Le canton de Vaud sera par exemple touché dans le domaine des arsenaux. La régionalisation prévoit trois zones, explique Olivier Durgnaz, chef du Service de la sécurité civile et militaire.
L'arsenal de Payerne sera placé sous la responsabilité de celui de Fribourg. Cette zone Fribourg-Broye englobera également l'arsenal de Bulle. Dans la région Valais-Chablais, l'arsenal d'Aigle passera sous le contrôle de celui de St-Maurice. Cette zone comprendra également les arsenaux de Brigue et de Sion.
Seul l'arsenal de Bière sera à la tête d'une région, celle de l'arc lémanique. Cette zone englobera également les arsenaux de Morges et de Genève.
«Cette régionalisation aura des conséquences sur l'emploi, explique Olivier Durgnaz. En effet, les postes administratifs ne pourront pas être maintenus dans chaque arsenal. Dans la région Fribourg-Broye, par exemple, toute l'administration sera centralisée à Fribourg».
Le canton de Vaud a déjà anticipé ces pertes d'emploi en ne remplaçant pas certains départs. Néanmoins, d'autres coupes restent nécessaires. Il devrait y avoir entre 8 et 10 emplois en moins dans chacune des trois régions, prédit Olivier Durgnaz.
Un recrutement centralisé
Armée XXI implique aussi une certaine perte de souveraineté en matière militaire. C'est ainsi que la plupart des troupes deviendront fédérales, alors que la plus grande partie de l'infanterie relève encore aujourd'hui des cantons, pour des raisons historiques.
Le canton de Vaud a actuellement la responsabilité de trois régiments d'infanterie. Avec Armée XXI, il ne contrôlera plus qu'un bataillon.
Autre perte pour les cantons: le recrutement qui passera en mains fédérales. Ce recrutement, qui durera trois jours, n'aura plus lieu dans chaque canton, mais sera lui aussi régionalisé dans sept centres. C'est ainsi que tous les conscrits romands devront se rendre à Lausanne.
Daniel Papaux, chef de service du Département des affaires militaires du canton de Fribourg, ne veut toutefois pas parler de perte pour les cantons.
«Les cantons vont assurer une journée d'information obligatoire pour les conscrits dans le cadre du recrutement, explique-t-il. Fribourg fournit environ 1250 conscrits par année, ce qui signifie que le canton devra encore organiser 25 journées d'information par an.»
Une page qui se tourne
Il y a néanmoins au moins un domaine dans lequel les compétences des cantons vont être accrues. Désormais les départements militaires des différents cantons auront le contrôle de tous les soldats présents sur leur sol, explique Daniel Papaux.
Actuellement, les soldats qui veulent par exemple demander une dispense de cours de répétition ne sont pas tous soumis au même régime. Ceux qui dépendent d'une troupe cantonale s'adressent à leur canton, tandis que ceux qui relèvent d'une troupe fédérale s'adressent à Berne.
A l'avenir, chaque militaire s'adressera à son canton. Pour Daniel Papaux, cette formule a des avantages. «Il y aura ainsi davantage d'unité de doctrine, explique-t-il. De plus, le canton est plus à même de prendre en compte les spécificités locales que Berne».
Quoi qu'il en soit, la réforme Armée XXI semble bel et bien placer définitivement l'armée sous le contrôle de la Confédération. Il semble bien loin le temps où les cantons défendaient jalousement leurs prérogatives en matière militaire.
Olivier Durgnaz admet qu'il s'agit d'une «page d'histoire qui se tourne». Cette évolution peut engendrer une certaine nostalgie, «mais il faut bien vivre avec son temps», conclut-il philosophe.
Olivier Pauchard, Palais fédéral

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