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L’armée suisse choque avec ses critères d’aptitude

Fumer un joint de temps en temps n'est pas un critère d'inaptitude de l'armée. Keystone

Les nouvelles directives médicales sur l'aptitude à servir sous les drapeaux ont provoqué la surprise en Suisse: selon elles, les végétaliens ou les amateurs réguliers d'ecstasy n'ont plus rien à faire dans les rangs de l'armée.

Selon les responsables de l’armée, il était nécessaire de revoir les directives médicales sur l’aptitude au service, car la dernière version datait de 1999. «Il fallait répondre aux nouveaux besoins de l’armée», déclare le ministère de la Défense (DDPS).

«La médecine a fait des progrès, explique Gianpiero Lupi, chirurgien général de l’armée suisse et responsable des nouvelles directives, interrogé par swissinfo. Depuis 1999, des traitements ont été trouvés pour de nombreuses maladies qui, de ce fait, ne sont plus un obstacle pour suivre un service militaire.»

Exemples: certaines arythmies (activité anormale du cœur) peuvent être soignées par l’ablation d’un tissu. C’est une intervention sûre et relativement simple, indique Gianpiero Lupi. Des personnes à faible risque cardiaque peuvent donc être déclarées aptes.

Pourtant, les maladies coronariennes restent un motif d’inaptitude, pour le service militaire comme pour la protection civile. Le fait que le ministre des Finances Hans-Rudolf Merz soit retourné très vite travailler après un quintuple pontage n’y change évidemment rien.

Plus grande acceptation aussi pour certains asthmatiques. Ceux-ci ont longtemps représenté 5% des déclarés inaptes. «On les accepte aujourd’hui s’ils ont les traitements idoines», explique le médecin.

Homesexualité: pas de problème

Les «Directives médicales pour l’appréciation de l’aptitude au service des conscrits et des militaires, ainsi que pour l’appréciation de membres de la protection civile» – ou «Nosologia Militaris» – contiennent toute une série d’informations sur les critères d’admission dans l’armée. Si l’homosexualité n’est pas un problème, le «guide» différencie entre plusieurs types d’obésité.

Le surpoids lié à un indice de masse corporelle (IMC) supérieur à 30 est acceptable chez les lutteurs et les culturistes, détaille le «guide». S’il est supérieur à 30 mais sans problèmes de condition physique et sans affection, le candidat sera aussi déclaré apte.

En revanche, un IMC de plus de 40 est une raison «impérative» d’inaptitude. Les personnes affichant un IMC inférieur à 18 (20 jusqu’ici), soit 50 kilos pour 1 mètre 70, sont aussi exclues.

«Dans de nombreux cas, il est du ressort du médecin de juger la situation sur la base de son expérience», précise Gianpiero Lupi.

Les diabétiques de type I sont de leur côté «impérativement inaptes» au service militaire. Les militaires atteints d’un diabète de type II doivent, et c’est nouveau, être aussi déclarés inaptes. L’appréciation doit «tenir compte du grade», précisent, laconiquement, les directives.

En vigueur depuis le 1er juin dernier mais mises en œuvre depuis 2007, les directives sont plus souples avec les hyperactifs. Ils sont admis s’ils n’ont pas pris de médicament spécifique depuis une année au moins.

Le somnambulisme n’exclut plus non plus automatiquement de l’armée, même si l’inaptitude reste de mise si une manifestation a eu lieu dans les deux années précédent.

Bientôt plus de végétaliens?

Mais c’est évidemment le point concernant les végétaliens «avérés» qui a provoqué une polémique. Ceux-ci doivent désormais être déclarés inaptes au service militaire et à la protection civile, et cela pour des raisons pratiques, explique l’armée. Etre végétarien n’est pas un critère de remise en question.

Pour Gianpiero Lupi, la réaction est disproportionnée. «Il y a 2 ou 3 cas par année», dit-il.

Les nouvelles directives ont par ailleurs procédé à une distinction entre substances psychotropes. Les drogues de synthèse ne sont plus assimilées au cannabis et sont désormais traitées comme les drogues dures que sont la cocaïne et l’héroïne.

Une consommation occasionnelle suffit pour que l’inaptitude soit prononcée, sauf exception étayée par certificat médical. «Avoir pris de l’ecstasy une fois ne suffit pas pour être réformé», précise le médecin. Quant au cannabis et à l’alcool, ils ne sont problématiques que s’ils ont causé une dépendance.

Les réactions à ces nouveaux critères sont allés de l’amusement à la critique. «Si ces règles avaient été mises en place dans les années 70, la moitié de la population masculine serait devenue végétarienne», note le député Josef Lang (gauche alternative).

«Il devient tellement facile de se faire réformer, fustige le député démocrate du centre (UDC / droite nationaliste) Bruno Zuppiger, président de la Commission de politique de sécurité de la Chambre basse. Ceux qui ont envie de faire l’armée vont perdre toute motivation.»

Cet avis n’est pas partagé par Gianpiero Lupi. «Avec ces nouvelles directives, nous avons vu une augmentation du nombre de jeunes déclarés aptes, pas massive, mais on ne peut en tout cas pas parler d’impact négatif», conclut le médecin.

swissinfo, Thomas Stephens
(Traduction de l’anglais: Ariane Gigon)

La mission de l’armée suisse est inscrite dans la Constitution fédérale. Elle est de prévenir les guerres et de contribuer au maintien de la paix. Elle soutient les autorités civiles en cas de menaces graves sur la sécurité intérieure et en cas de crise durable.

L’armée suisse participe à des missions humanitaires et des missions de paix depuis la fin de la guerre froide.

Pendant la guerre froide, l’armée suisse comptait 600’000 hommes mobilisables en peu de temps. En 1995, ce nombre a été réduit à 400’000. Aujourd’hui, il est de 220’000 personnes: 120’000 soldats actifs, 20’000 recrues et 80’000 réservistes.

Les hommes aptes à servir effectuent 260 jours d’armée entre 20 et 36 ans, à moins qu’ils n’optent pour un service civil et pour le versement d’une taxe militaire de 3% de leur revenu imposable. Le service militaire est facultatif pour les femmes et les Suisses de l’étranger.

En moyenne, 66% des jeunes sont admis au service (en 2007). Les cantons d’Obwald et de Nidwald ont les plus hautes proportions (85% e 82%), et Bâle-Ville et Zurich dépassent tout juste les 50%.

Le budget de l’armée est de 3,9 milliards de francs (2008).

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