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L’empire Erb s’écoule comme un château de cartes

L'empire Erb réalisait la moitié de son chiffre d'affaires dans le secteur automobile. Keystone

Choc à Winterthour: le groupe familial Erb, propriétaire de 85 entreprises, est en ruines. Le redresseur parle de «pillage» de sociétés saines.

Les 5000 emplois semblent sauvegardés. Mais le trou atteint plus de 2,5 milliards de francs suisses.

Ce fut la première, et vraisemblablement la dernière, conférence de presse du groupe Erb, un empire économique familial qui s’écroule comme un château de cartes après avoir pesé plus de quatre milliards de francs suisses.

Symbole de cet écroulement: l’annonce de la débâcle a été faite vendredi matin dans une salle du Casino de Winterthour, ville où le groupe a son siège.

Car il y a un certain flamboiement, mais surtout des sommes colossales envolées en fumée dans les agissements de la famille Erb. Au point que les journalistes présents, parmi lesquels de nombreux correspondants économiques étrangers, n’en croyaient pas leurs oreilles.

Un désastre unique en Suisse et ailleurs



Les explications furent données par Hans Ziegler, redresseur d’entreprises engagé par les fils Erb à fin octobre dernier. Le patriarche et fondateur, Hugo Erb, était décédé début juillet à l’âge de 85 ans.

Hans Ziegler a mis sur pied une task force le premier jour de son engagement, le 24 octobre. Le jour même également, il stoppait les paiements quotidiens de l’ordre de plusieurs millions de francs effectués vers la CBB, une société d’investissement allemande.

Hans Ziegler n’a pas hésité à décrire la situation comme un désastre: «Une telle structure, avec des filiales saines pillées par des holdings, est un cas unique en Suisse mais aussi au-delà des frontières», a-t-il déclaré.

Deuxième négociant de café au monde

Le groupe Erb était composé de quatre holdings, non chapeautées par une société mère. Trois d’entre elles étaient propriétaires de sociétés florissantes, comme Volcafé, deuxième négociant de café au monde, propriété d’Unifina (2300 employés, presque tous à l’étranger).

La holding Uniwood était propriétaire notamment du fabricant de fenêtres EgoKiefer et des cuisines Piatti, leader dans ce domaine en Suisse, racheté en 1984 à la mort du fondateur Bruno Piatti.

Des importations de voitures

Herfina, coeur du groupe, était dédiée à l’importation et à la vente de voitures, domaine dans lequel Hugo Erb avait débuté dans les années 50.

Cette holding, qui réalise la moitié du chiffre d’affaires du groupe (plus de deux milliards) est en outre le deuxième acteur de ce marché en Suisse. Elle compte près de 1000 employés, parmi lesquels entre 150 et 200 dans des garages situés dans les cantons de Vaud et de Genève.

Herfina, Unifina et Uniwood ont demandé le sursis concordataire. Les deux premières l’ont déjà obtenu à titre provisoire.

Une décision sera rendue prochainement par le Tribunal de district de Winterthour pour la troisième. Des commissaires au sursis ont été nommés, là aussi à titre provisoire.

«La situation était sans espoir. Si nous n’avions pas agi, la faillite totale des filiales était planifiée d’ici la fin de l’année», estime Hans Ziegler.

21 emplois supprimés

Les entreprises composant ces holdings cherchent de nouveaux acquéreurs. Des discussions sont déjà en cours.

Se prévalant toutes de finances saines et de bons carnets de commandes, elles pensent pouvoir sauvegarder les emplois (2500 en Suisse, dont 500 dans le canton de Zurich) et leurs activités.

Au total, 21 emplois sont supprimés, dont 15 étaient dévolus au service privé des frères Erb. Les autres relèvent du groupe.

Une seule holding du groupe, Uniinvest, n’était pas composée de sociétés productrices de valeur, mais était dédiée à l’acquisition de participations et à des tâches d’investissements. Pour elle, la faillite est inévitable. C’est d’ailleurs par elle que la déconfiture est arrivée.

Dès le début des années 90, Hugo Erb et ses fils s’étaient en effet intéressés à des investissements en Allemagne de l’Est, dont les «Länder» réunifiés passaient pour un nouvel eldorado.

La famille signait alors de nombreuses cautions et déclarations de garantie, culminant en 1996 avec la souscription d’une déclaration de garantie illimitée dans le temps en faveur d’un institut financier, CBB, en Allemagne.

Un trou de 2,5 milliards

Les finances des quatre holdings n’étant pas séparées, les recettes des sociétés saines ont été utilisées pour ces engagements financiers. Au total, 2,5 milliards de francs ont ainsi disparu et le groupe doit honorer des engagements pour 2 milliards de francs.

«Plus une entreprise filiale réalisait de bénéfices, plus il lui était soustrait par le groupe», a expliqué Hans Ziegler.

Fermé et discret par excellence, le groupe Erb n’était connu que de nom à Winterthour. «La famille ne se mêlait pas à la vie de Winterthour. La débâcle est une surprise totale pour tout le monde», déclare le maire socialiste Ernst Wohlwend.

Avec le taux de chômage le plus élevé du canton (6,1% en octobre), subissant de plein fouet les restructurations de l’assurance du même nom, Winterthour perd une nouvelle fois, après les décennies Sulzer, un de ses symboles économiques.

swissinfo, Ariane Gigon Bormann, Winterthour

Le groupe Erb emploie 4900 personnes dans le monde dont 2500 en Suisse (150-200 en Suisse romande).
En 2002 le chiffre d’affaires du groupe est estimé à 4,46 milliards de francs.
A l’heure actuelle, Erb avoue un endettement de 2 milliards de francs.
Trois de ses holdings ont demandé le sursis concordataire, la quatrième a été mise en faillite.
82 banques en Suisse et en Allemagne ont offert des crédits au Groupe Erb.

– Le groupe familial Erb sis à Winterthour a été fondé par Hugo Erb en 1920. Il est composé de 85 entreprises. Pionnier du secteur automobile suisse ce dernier a créé et diversifié son empire à partir d’un petit garage.

– Aujourd’hui, le groupe Erb est un conglomérat de quatre holdings (pas coté en bourse) actives dans différents secteurs de l’économie :

– Herfina Holding SA basé à Glaris est active dans le commerce automobile et l’importation de voiture principalement japonaises et coréennes (Mitsubishi, Hyundai, Suzuki).

– Unifina Holding est basée à Winterthour et est active dans le commerce du café (société Volcafé), dans le domaine immobilier, le leasing et les crédits à la consommation.

– Uniwood Holding basée à Dietikon est le pôle industriel du groupe et est active principalement dans le secteur du bâtiment (cuisines Piatti, fenêtres Ego Kiefer) et le commerce du bois.

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