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La climatisation, un confort aux effets pervers

Même si elle permet de prendre son mal en patience, la climatisation entraîne une importante surconsommation d’essence. Keystone

En Suisse, comme dans le reste de l’Europe, la canicule a provoqué une ruée sur les climatiseurs.

Problème: ces installations de refroidissement contiennent des gaz à effet de serre qui contribuent au réchauffement de la planète.

Confort immédiat ou bien-être à long terme. Ce dilemme taraude depuis des décennies notre société de consommation. Mais la canicule de cet été lui donne un relief tout particulier.

Dans une quête désespérée de fraîcheur, les Suisses, comme les autres Européens, se sont rués, entre autres, sur les climatiseurs.

Interrogés récemment par l’Agence télégraphique suisse (ats), les deux principales chaînes de supermarché helvétique – Coop et Migros – ont affirmé avoir atteint la rupture de stock.

Des ventes massives

«Nos ventes ont augmenté de 200% par rapport à l’année dernière», précise encore Peter Naef, porte-parole de Migros. La Coop, elle, constate un bond équivalent.

Même si aucune statistique n’en témoigne, on peut également supposer qu’au volant de leur voiture, les Helvètes ont également poussé à fond la climatisation.

Une chose est sûre en tous cas: une grande part du parc automobile helvétique est équipé d’un système de climatisation (91% chez Opel, 75% chez Renault).

Et ça n’est pas tout. La plupart des grandes surfaces ont largement recouru à l’air conditionné, tout comme nombre d’établissements publics (cinéma, hôtels, etc.).

Enfin, les entreprises comme les administrations publiques n’ont pas été en reste. En l’occurrence, il s’agissait en priorité de rafraîchir les machines. Et tout particulièrement les équipements informatiques qui ne tolèrent pas l’excès de chaleur.

Des gaz nocifs

Mais voilà, cette débauche d’air frais contribue au réchauffement de la planète. En cause: le fluide frigorigène (HFC) utilisé dans le mécanisme des climatiseurs, ainsi que les émissions de CO2 inhérentes à leur consommation d’énergie.

En théorie, ces gaz a effet de serre – dont le potentiel de réchauffement climatique est plus de mille fois plus élevé que celui du CO2 – restent confinés dans l’appareil.

En réalité, nombre de ces machines connaissent des fuites.

Selon un expert de l’ADEME, une agence gouvernementale française consacrée au développement durable, l’ensemble des climatiseurs, individuels ou collectifs, rejette régulièrement dans l’atmosphère ces gaz à effet de serre.

Haro sur les voitures

Jean-Louis Plazy pointe tout particulièrement la climatisation des véhicules. «En moyenne, chaque véhicule climatisé rejette l’équivalent de 10 à 25 grammes de CO2 tous les 100 kilomètres», affirme l’expert.

En outre, le fonctionnement de la climatisation entraîne une surconsommation d’essence de 25 à 35% en ville et 10 à 20% dans le reste du territoire. Ce qui entraîne donc un surcroît de gaz d’échappement qui contribue également à l’effet de serre.

Pour l’heure, le HFC ne représente que quelques pour cents des gaz à effet de serre émis dans l’atmosphère. Mais qu’adviendra-t-il si l’été caniculaire devient la norme en Europe?

«Aucune certitude n’existe en la matière», rappelle Markus Nauser spécialiste des changements climatiques à l’Office fédéral de l’environnement, des forêts et du paysage (OFEFP).

«Mais il est établi que les années 90 ont été les plus chaudes depuis 1000 ans», souligne l’expert.

«La plupart des scientifiques, poursuit Markus Nauser, admettent aujourd’hui que les gaz à effet de serre contribuent à ce réchauffement global».

Enfin, les conséquences météorologiques de ce phénomène sont, elles aussi, de plus en plus claires. «Nous nous attendons à une augmentation des événements extrêmes tels que sécheresse et forte précipitation», ajoute encore Markus Nauser.

Des mesures pragmatiques

Faut-il dès lors mettre à l’index les climatiseurs dont la demande pourrait exploser ses prochaines années?

«Dans la mesure où une alternative existe sur le marché, la vente de petits appareils de climatisation contenant des gaz synthétiques à effet de serre (HFC) sera interdite dès le 1er janvier 2005. Par ailleurs, la pose d’installations fixes contenant plus de trois kilos de HFC sera soumise à autorisation dès le 1er janvier 2004», précise Blaise Horisberger, de l’OFEFP.

«Mais nous tenons également compte, ajoute l’expert, des besoins en climatisation de certains secteurs. Actuellement, dans un certain nombre de domaines (automobile, immobilier etc.), le recours aux HFC dans les installations de climatisation est souvent inévitable».

Et de conclure: «Cela dit, la commercialisation future de technologie permettant de produire de l’air conditionné sans gaz à effet de serre rendra possible une réglementation plus stricte des systèmes de climatisation contenants de tels gaz».

swissinfo, Frédéric Burnand, Genève

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