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La crise du HC Lugano ébranle le Tessin

Le directeur sportif Beat Kaufmann (à gauche) et le président Fabio Gaggini. Deux dirigeants des «Bianconeri» sur la sellette. Keystone

Suite aux accusations de fraude fiscale contre des dirigeants du Hockey Club Lugano, les tifosi sont sous le choc. Les contribuables et les électeurs, eux, s'interrogent.

Une affaire de plus pour l’Office tessinois des impôts dirigé par Marina Masoni, au cœur de la controverse depuis plusieurs mois.

Une semaine après la publication des conclusions du Ministère public de Lugano concernant l”affaire’ de fraude fiscale qui secoue le club de hockey de la ville, le canton est encore en état de choc.

La fraude dont se seraient rendus coupables deux dirigeants des «Bianconeri», Beat Kaufmann et Fabio Gaggini, ainsi qu’un employé de banque de la place, se monterait à près de 4,5 millions de francs.

A l’heure actuelle, de nombreuses questions restent ouvertes: qu’en est-il des joueurs et des entraîneurs étrangers qui auraient profité de versements occultes? D’où provient l’argent? Les trois suspects ne seraient-ils pas que les boucs émissaires d’un système mis en place il y a dix ans au moins?

Mais aussi comment, durant une décennie au moins, les fonctionnaires de l’Office cantonal des impôts n’ont-ils pas vu que les salaires officiellement déclarés pour certaines stars étrangères ne correspondaient pas à la réalité du marché? Quelles vont être les conséquences politiques de cette énième affaire tessinoise?

Le hockey… après le football et le basket

Depuis la communication des conclusions de l’enquête, les dirigeants du club restent pourtant imperturbables. «Nous voulions simplement permettre au club de réaliser des économies», a notamment déclaré il y a quelques jours, Fabio Gaggini, ancien joueur et actuel président du club.

Pas question donc pour les puissants «Bianconeri» d’être comparés aux deux autres fleurons déchus du sport luganais.

Pour mémoire, le président du club de football de Lugano, Helios Jermini, s’était donné la mort début 2002 pour échapper à la justice. Suite à son suicide, des nombreuses malversations et escroqueries financières avaient été mises à jour pour un montant avoisinant les 60 millions de francs.

Une année plus tard, c’était au tour du ‘Basket Club Lugano’ de se retrouver dans l’œil du cyclone en raison de la folie des grandeurs de son ex-président. Giovanni Antonini n’avait pas hésité à se servir sur les comptes de ses clients pour offrir des joueurs de haut vol au club de son cœur.

Fiscalité «light»

Pour bon nombre de contribuables du sud des Alpes, dont les nerfs et les ressources ont été mis à rude épreuve ces derniers mois, l’évocation d’«économies» résonne comme une provocation.

Après une décennie de politique fiscale ultra libérale – qui avait conduit le Tessin au 5ème rang des cantons les plus attrayants au plan fiscal – et une explosion des coûts sociaux, la caisse publique tessinoise s’est retrouvée confrontée à un déficit avoisinant les 300 millions de francs.

Face à cette réalité, le Gouvernement – la directrice du Département des finances et de l’économie (DFE), Marina Masoni, en tête – avait demandé d’importants sacrifices aux citoyens tessinois. De nombreuses restrictions budgétaires touchaient les domaines de la santé et de l’éducation.

Une véritable série noire

De plus, en janvier dernier, l’affaire du Fiscogate mettait à jour des dysfonctionnements graves au sein de l’Office cantonal des impôts, dont Marina Masoni avait la responsabilité depuis dix ans.

Une série noire pour la ministre, qui avait débuté avec la révélation d’une donation qui avait fait perdre près de quatre millions de francs à la caisse publique cantonale.

S’en était suivi la révélation de l’existence d’une fondation de famille appartenant aux Masoni, une institution dotée de plusieurs dizaines de millions de francs et inscrite dans le paradis fiscal de Schwytz. Sans compter la polémique qui a frappé un autre volet de la gestion de Marina Masoni: l’Office cantonal du tourisme.

Contre l’avis général, la cheffe du DFE en avait confié la direction à Giuseppe Stinca. Ce dernier est aujourd’hui soupçonné d’avoir éludé le fisc en plaçant des centaines de milliers de francs de ses honoraires dans des sociétés étrangères.

Ce cumul de faux pas avait conduit les quatre collègues de Marina Masoni à lui retirer définitivement le contrôle du fisc tessinois.

Dans les colonnes des lettres de lecteurs des quotidiens tessinois, contribuables et électeurs témoignent depuis des mois de leur ras-le-bol face ce qu’ils appellent «une attitude arrogante» ou encore «la politique du deux poids, deux mesures».

Une ambiance plus que mitigée, qui se ressent aussi depuis le retour aux affaires de la directrice du DFE, il y a quelques semaines, après une convalescence de cinq mois.

swissinfo, Nicole della Pietra à Lugano

En pleine tourmente de l’affaire dite du Fiscogate, en octobre 2005, l’Office cantonal tessinois des impôts alerte le Ministère public de Lugano. Les fonctionnaires du fisc soupçonnent le Hockey Club Lugano (HCL) – sept fois champion de Suisse – de fraude fiscale.

Le procureur Maria Galliani rendait ses conclusions le 6 septembre dernier. Seuls deux dirigeants des «Bianconeri» et un employé de banque seront poursuivis pour fraude fiscale.

Entre temps, la direction du club communique sa volonté de s’acquitter de ses «arriérés» d’impôts, charges sociales et amendes diverses, pour près de 5 millions de francs.

Les joueurs et entraîneurs étrangers qui auraient bénéficié des enveloppes occultes du HCL ne seront pas poursuivis. Pour les impôts à la source, seule la responsabilité de l’employeur est mise en cause.

L’affaire n’a pas encore trouvé son épilogue. La justice tessinoise veut déterminer l’origine des fonds «au noir» qui affluaient vers le HCL.

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