La crise du lait
Les producteurs suisses de lait se réunissent mercredi pour prendre des mesures d'urgence.
Le problème des prix et celui du marché d’exportation illustrent bien la gravité de la situation. Tout comme la déconfiture de Swiss Dairy Food.
Il faut absolument empêcher «un chaos pire que celui de Swissair», plaide Raymond Monnier. Le président de la Fédération laitière neuchâteloise est très inquiet des menaces qui pèsent sur Swiss Dairy Food (SDF), en sursis concordataire depuis le 23 septembre dernier.
Mais il y a aussi les montagnes de beurre et de fromage en attente. «Des stocks trop importants qui nous mettent dans une situation très difficile», commente Jacques Bourgeois, le nouveau directeur de l’Union suisse des paysans (USP).
L’agriculture est-elle un puits sans fond, comme Swissair? Le vice-directeur de l’Office fédéral de l’agriculture conserve tout son calme: «Il n’est pas question d’une opération de repêchage comparable».
«Les subventions à l’agriculture ne dépassent pas le budget, rappelle Jacques Chavaz. Quant aux versements spéciaux d’août et septembre (70 millions de francs) pour sauver SDF, ils sont exceptionnels. Il n’y en aura pas d’autres.»
Rééquilibrer le marché
Cela dit, tout le monde est d’accord avec le fait qu’il faut diminuer la production de lait avant que les prix ne s’effondrent. Et qu’il faut aussi restructurer le secteur à moyen terme.
«L’objectif est de rééquilibrer au plus vite le marché, surtout à l’exportation, d’ici à mi-2003 au plus tard», confirme Jacques Bourgeois. C’est là le cœur des débats de l’assemblée ordinaire de la Fédération des producteurs de lait (PSL) de mercredi.
D’après Stephan Hagenbuch, de la direction de la PSL, «une majorité devrait se prononcer en faveur d’une diminution de 2% de la production pour l’année laitière en cours, jusqu’au 30 avril». C’est-à-dire 60 millions de kilos.
Fruit d’un consensus, le projet est soutenu par la majorité, et notamment par les producteurs de Suisse centrale. Fournisseurs d’Emmi pour la plupart, ils souhaitent empêcher la baisse de 9 centimes du prix du lait, prévue par le numéro un de la transformation du lait en Suisse.
Uniterre plus drastique
De leur côté, les quelque 2000 membres du syndicat romand Uniterre vont plus loin. Ils proposent à l’assemblée de la PSL une réduction du contingent laitier de 4,5%.
Motif: on rééquilibre ainsi la hausse de 4,5% de la production qui avait été décidée il y a dix-huit mois par le Conseil fédéral.
Pour Jacques Bourgeois, «une baisse de 2% sur six mois équivaut à 4% sur l’année. Il est difficile de faire plus». Adopter la proposition d’Uniterre équivaudrait à surcharger le marché de la viande, qui ne se porte pas bien non plus.
Le lait et la viande sont effectivement de véritables vases communicants. «Une baisse de 2% du volume de lait induit déjà une hausse de 4% de la production de viande, plaide Jacques Bourgeois. Nous devons viser l’équilibre.»
Autrement dit, pour diminuer la production de lait de 2%, ce sont 25 000 têtes de bétail qui devront être abattues. Et pas question de faire plus.
La faute au fromage
Jacques Chavaz estime qu’il n’y a pas de surproduction de lait puisque la production est stable depuis vingt-cinq ans. Pour lui, «le problème c’est l’industrie d’exportation. Ce n’est pas un problème de quantité, mais un problème de prix».
Le prix du lait – comme celui du franc – est relativement élevé. L’exportation est donc un vrai défi. D’autant que la moitié de la production annuelle de lait (3,2 millions de tonnes) est transformée en fromage.
Sur ce plan, Jacques Chavaz rappelle que les exportations de fromage ont baissé de 17% et les prix du marché ont reculé de 10 à 15% sur le marché européen.
Or, en concluant les accords bilatéraux avec l’Union européenne, l’industrie laitière, qui exporte 30% de sa production, a déjà entamé l’ouverture de son marché. Elle doit donc impérativement améliorer sa position.
swissinfo
Depuis 25 ans, la Suisse produit 3,2 millions de tonnes de lait par année
C’est 3% de la production européenne
50% de la production vont à la fabrication du fromage
30% des produits laitiers sont exportés
Une diminution de 2% de la production de lait équivaut à 60 millions de kilos
Le prix du kilo de lait se situe entre 77 et 79 centimes (90 ct pour le lait bio)
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