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La France dit non, que dira la Suisse ?

La France a dit non. En Suisse, la question posée est totalement différente. Keystone

Quelle influence le non des Français à la constitution européenne peut-il avoir sur le verdict du 5 juin ? En Suisse, les réactions se concentrent sur cette question.

Le pays vote en effet le week-end prochain sur son adhésion aux accords européens de Schengen/Dublin.

«Je salue le non de la France, parce qu’il conforte la Suisse dans sa politique basée sur la voie bilatérale», peut-on lire lundi matin dans une interview accordée au quotidien alémanique Blick par le ministre suisse des finances Hans-Rudolf Merz.

«Il est possible que certains partagent cette vision, se disant qu’au fond, il y a plusieurs manières de s’intégrer. Ce résultat pourrait renforcer en Suisse les tenants d’une intégration à la carte», estime René Schwok, de l’Institut européen de l’Université de Genève.

Mais comme l’explique le politologue à swissinfo, on peut voir aussi dans cette réaction «une tentative du camp du oui pour récupérer l’affaire.»

«Déplacé»

Une réaction qui en tous les cas n’est pas du goût de l’Union syndicale suisse, qui juge les déclarations du ministre «déplacées et mesquines». Ce n’est «pas de très bon goût» de penser que moins ça va pour l’Union européenne (UE), mieux c’est pour la Suisse, juge l’USS.

Le Nouveau mouvement européen suisse (Nomes) considère de son côté le non des Français comme, «regrettable», mais estime qu’il ne faut pas «surréagir» et déplore la réaction d’Hans-Rudolf Merz.

Micheline Calmy-Rey non plus n’a pas trop apprécié la réaction de son collègue. S’exprimant au téléjournal de la TV alémanique SF-DRS, la ministre suisse des affaires étrangères a tenu à s’inscrire en faux contre l’avis d’Hans-Rudolf Merz, estimant qu’un membre du gouvernement ne devrait pas se réjouir d’un vote-sanction contre un gouvernement étranger.

La Commission européenne, quant à elle, réplique avec diplomatie au ministre suisse. La Constitution européenne peut «faire beaucoup progresser» l’UE et «rendre notre travail plus efficace, ce qui est positif pour les pays tiers et la Suisse notamment», déclare à Bruxelles Emma Udwin, porte-parole aux relations extérieures.

Facteurs émotionnels


De son côté, le ministre suisse de l’économie Joseph Deiss ne voit pas d’influence possible du non français sur le scrutin de dimanche prochain, qui portera sur l’adhésion du pays aux accords de Schengen/Dublin.

Et le ministère des affaires étrangères souligne que le vote des Français n’aura aucune incidence sur les accords bilatéraux entre la Suisse et l’UE. Il rappelle à son tour les avantages de la voie bilatérale, précisant que les relations contractuelles entre la Suisse et l’UE sont solides.

Les autorités fédérales savent cependant que les facteurs émotionnels ne manqueront pas de jouer un rôle sur le scrutin et que les opposants tenteront de tirer argument du non des Français.

Pour le politologue Claude Longchamp, les anti-Schengen vont profiter de l’incertitude créée par le verdict français.

«Désinformation»

Une prévision qui n’a pas tardé à se réaliser. Opposante de toujours à l’intégration européenne, l’Union démocratique du centre (UDC) estime lundi que l’UE «amorce son déclin».

«Les citoyens suisses doivent désormais se demander s’il faut se lier à une Europe de ce genre», déclare Roman Jäggi, porte-parole du parti de la droite populiste. Pour lui, le non de la France «doit ouvrir les yeux aux Suisses».

Autre son de cloche au Parti radical (centre droite), où l’on critique vivement la tentative des opposants à Schengen d’utiliser le vote du voisin français «pour entretenir un climat d’inquiétude et poursuivre une campagne de plus en plus marquée du sceau de la désinformation.»

Les Radicaux se disent toutefois «persuadés que les citoyens ne se laisseront pas tromper par cette tentative de confusion.»

Porte-parole du Parti socialiste, Jean-Philippe Jeannerat rappelle pour sa part que nombre de citoyens ont déjà voté par correspondance. Par ailleurs les scrutins dans les deux pays ne sont pas vraiment comparables. Dans l’Hexagone, «c’est la crédibilité d’un régime politique qui était en jeu, alors qu’en Suisse le vote porte davantage sur une question matérielle.»

Quant à Doris Leuthard, présidente du Parti démocrate-chrétien elle estime, un peu comme Hans-Rudolf Merz, que «le non français élargit les perspectives pour la Suisse et la voie bilatérale. La dynamique de l’intégration, en effet, a subi un coup de frein.»

Les milieux économiques enfin jugent que le rejet des Français n’aura «pas d’impact» sur les relations Suisse-UE et «pas d’effet sur le bilatéralisme». Florent Roduit, représentant d’economiesuisse à Bruxelles relève cependant qu’il n’est «tout de même pas bon» pour la Suisse, «ni dans son intérêt» de voir un partenaire aussi important que l’UE affaibli.

swissinfo et les agences

Les Français ont refusé la Constitution européenne à 54,87%.
Les Néerlandais doivent se prononcer à leur tour mercredi et les sondages donnent le non gagnant.
Les Suisses votent le 5 juin sur l’adhésion du pays aux accords de Schengen/Dublin.
Le dernier sondage donne 55% de oui, 35% de non et 10% d’indécis.

– Les relations entre la Suisse et l’Union européenne (UE) sont réglées par des accords bilatéraux. Le 5 juin, le peuple suisse vote sur l’adhésion de son pays aux accords de Schengen et de Dublin.

– Schengen prévoit l’abolition des contrôles des personnes aux frontières intérieures de l’UE, une politique commune en matière de visas et une meilleure collaboration policière.

– Dublin prévoit qu’une demande d’asile ne peut être présentée qu’une seule fois dans un des pays adhérant à l’accord et que si elle y est refusée, elle le sera également dans les autres pays.

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