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La presse assigne à Obama le rôle du perdant

Un accord de dernière minute annoncé par le président américain, qui ne met pas tout le monde d'accord. AFP

Relèvement du plafond de la dette, programme d’épargne massif, le compromis obtenu pour éviter le défaut de paiement des Etats-Unis laisse sceptiques les commentateurs suisses. Qui voient Obama en grand perdant, à l'inverse du Tea Party.

Le Sénat doit encore se prononcer pour ce qui pourrait n’être qu’une formalité. Mais dans la nuit de mardi déjà, la Chambre des représentants a donné son aval au plan concocté dans la transpiration par l’équipe Obama et les principaux ténors du Congrès. Un plan de dernière minute qui, grâce au relèvement du plafond de la dette, doit permettre aux Etats-Unis d’éviter le défaut de paiement ce 2 août.

«S’il est vrai que le compromis obtenu laisse insatisfaits les différents partenaires, le deal imaginé par le vice-président démocrate Joe Biden et le sénateur républicain Mitch McConnell ressemble à un excellent résultat de négociations», juge l’Aargauer Zeitung.

La Neue Zürcher Zeitung a la dent plus dure et constate que cet accord de dernière minute règle le problème de liquidité, mais pas celui de fond: l’endettement structurel de la première puissance économique de la planète.

Car décidemment, «la volonté politique de réduction structurelle des dépenses ou de hausse des impôts manque clairement», selon le quotidien zurichois, qui y va de sa solution: le frein à l’endettement, «comme le connaît la Suisse. Les Etats-Unis ont urgemment besoin d’un instrument qui contraigne politiques et gouvernement à planifier et conduire le ménage [américain], au-delà de toute contingence conjoncturelle.»

Le relèvement du plafond de la dette américaine permet «d’éviter une catastrophe financière avec réactions en chaîne prévisibles sur l’ensemble du globe», confirme le Tages Anzeiger. «Mais nous est-il permis de respirer?» Probablement pas, estime le quotidien.

Car selon lui, le programme d’épargne drastique prévu par l’accord pour ces prochains dix ans réduit de manière massive la capacité du gouvernement à «réagir par l’investissement contre la faiblesse déjà manifeste du marché du travail et en faveur de la croissance économique».

Possibilités de relance mises à mal

Même avis dans le Blick. Si la faillite a été évitée, on ne peut pas parler de sauvetage. Plutôt que de permettre aux milliards de l’Etat de venir relancer la machine économique, «les Républicains – et les durs du Tea Party en premier lieu – ont contraint Obama à prendre la direction opposée», déplore le journal de boulevard.

L’accord, du reste, n’est «qu’un bout du chant que les marchés voulaient et veulent encore entendre, note le Corriere del Ticino. L’autre partie est liée à la croissance économique», elle-même liée à la relance. Cqfd.

C’est aussi la dimension politique qui intéresse la presse suisse mardi. «Le drame de la dette illustre combien les «Yes we can» pétris d’espoir se sont transformés en «Je ne peux pas» désillusionnés, constate par exemple le St. Galler Tagblatt.

«Privé de majorité propre au Congrès et face à une opposition qui ne recule devant rien, le président est (…) aujourd’hui le plus boiteux des canards boiteux. Obama se trouve au point le plus bas de sa présidence», poursuit le journal.

Le Tea Party sort grand vainqueur

Le Temps tire lui aussi les leçons de la «tragicomédie qui a entouré l’impasse budgétaire américaine». Désormais, on sait aux Etats-Unis qui dirige «la carriole». Les gens du Tea Party ont «imposé les termes du débat, choisi la route, décidé la vitesse, effrayé les occupants en jouant avec la proximité des précipices. Ils ont épuisé les plus valeureux.»

Toujours selon Le Temps, en usant du chantage, les tenants du Tea Party ont «dicté une nouvelle manière de gouverner» et pour Obama et les siens, qui ont reculé et «cédé sur la plupart des points importants (…), cet épisode est une défaite sans appel.» Un avis largement répandu dans la presse suisse.

24 heures et la Tribune de Genève se font plus nuancés. Pour eux, «en fin stratège», Obama a compris depuis longtemps que la présidentielle de 2012 se jouera au centre. Même au prix de renoncements difficiles sur des fondamentaux comme la hausse d’impôts pour les très riches et les programmes sociaux.

Confronté à l’implacable principe de réalité, Barack Obama a «sans doute perdu son charisme des débuts, jugent les deux quotidiens romands. Mais la crise de la dette lui a permis de peaufiner son nouveau rôle: celui d’arbitre qui pondère les intérêts de chacun. On saura dans un peu plus d’un an si ce pari était le bon et si Obama a gagné cette stature des présidents auxquels les Américains ont donné une seconde chance».

La Chambre des représentants américaine a adopté lundi par 269 voix contre 161 l’accord sur le relèvement du plafond de la dette américaine.

Ce compromis a ainsi franchi l’obstacle le plus difficile mais il doit encore être approuvé par le Sénat mardi.

L’accord prévoit un relèvement du plafond de la dette d’au moins 2100 milliards de dollars (14’300 milliards actuellement), moyennant des économies de plus de 2’400 milliards de dollars en dix ans.

L’économie américaine montre actuellement des signes de ralentissement de la croissance et le chômage se maintient à un taux historiquement élevé, aux alentours de 9%.

Après cet accord, l’inquiétude demeure sur une possible dégradation de la note souveraine des Etats-Unis, ce triple A qui leur permet de se financer à des taux avantageux.

Cette dégradation menacerait la fragile reprise économique, avec des conséquences sur l’économie mondiale.

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