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La recherche gagne une manche au Parlement

En 2000, la Suisse a dépensé 2,1 milliards de francs pour la recherche et le développement. Keystone

Les chercheurs rêvaient d'augmenter de 10% le budget de la formation et de la recherche, le gouvernement propose 4% et le Conseil national opte pour 6%.

Les scientifiques retiennent leur souffle en prévision du verdict du Conseil des Etats en juin.

Le National refuse que les crédits à la formation et à la recherche fassent les frais de la précarité des finances fédérales. Par 80 voix contre 76 et 2 abstentions, il s’est prononcé mardi pour le maintien de la hausse annuelle de ces dépenses à 6 %, le maximum initialement prévu par le gouvernement.

Dans son message de novembre, faisant de la formation, la recherche et la technologie (FRT) une «priorité nationale», le gouvernement avait proposé d’attribuer au total 17,3 milliards de francs au secteur pour les années 2004 à 2007, soit 6 % de plus qu’entre 2000 et 2003.

Mais en raison de la mauvaise situation financière de la Confédération, il a réduit ses ambitions mercredi dernier, abaissant la hausse prévue à 5 % dans un premier temps, puis à 4 %.

4%, ce serait insupportable

«Une augmentation du crédit formation et recherche de 4% seulement, ce serait insupportable car il s’agit d’un plafond des dépenses qui nous amènerait à 2% seulement à la fin de l’année.»

Jacques Neirynck, conseiller national démocrate-chrétien (centre) et professeur à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne ne cachait pas son désarroi lundi à l’ouverture des débats.

Seize milliards au lieu de 17,3 milliards pour quatre ans, la différence est considérable. D’autant que le nombre d’étudiants explose, notamment dans les hautes écoles spécialisées.

De son côté, la Conférence des recteurs des universités suisses (CRUS), comme tous les milieux concernés, avait demandé une augmentation de 10%. Elle reconnaît aujourd’hui que 6%, «c’est mieux que 5 ou 4».

C’est une «condition minimale pour que la Suisse reste compétitive», selon la présidente du Fonds national de la recherche scientifique (FNS), Heidi Diggelmann.

Une réputation à tenir

Par rapport au nombre d’habitants, la Suisse reste le pays qui enregistre le plus de prix Nobel, de brevets ou de citations scientifiques.

En 2000, elle a dépensé 2,1 milliards de francs pour la recherche et le développement, plus 725 millions des cantons.

Cela équivaut à 2,7% du produit intérieur brut (PIB) et place la Suisse dans le «top ten» des pays de l’OCDE, derrière la Suède, la Finlande, le Japon et les Etats-Unis.

Le secteur privé assure près de 70% de la recherche, et l’Etat 23,2%, ce qui constitue une particularité qui devrait réjouir les milieux économiques.

La Suisse perd du terrain

economiesuisse, la fédération du patronat suisse, préconise en effet de limiter l’augmentation des dépenses en matière de recherche à 2,6% et réclame «moins d’Etat».

Et pourtant, la France se montre par exemple beaucoup plus étatiste que la Confédération puisqu’elle assume 54% des charges, selon les données de l’OCDE.

En outre, la Suisse perd du terrain, face à la concurrence croissante dans ce domaine d’avenir s’il en est, notamment en Suède et en Finlande, sans parler des Etats-Unis.

Paul Herrling, patron de la recherche du groupe Novartis, déplore que «la Suisse ait négligé la recherche ces dernières années alors que ses concurrents ont investi massivement. Elle risque de perdre son attractivité pour les cerveaux étrangers».

En réalité, en tenant compte de l’inflation, les contributions de Berne à la recherche ont baissé de 0,7% durant les années 90, et n’atteignent que 7% des dépenses totale de la Confédération.

Une issue incertaine

Le Conseil national a donc reconnu l’importance des enjeux en donnant suite à une motion de la minorité de sa commission emmenée par Anita Fetz (socialiste).

Elle a obtenu l’appui des socialistes, des Verts, des libéraux et de quelques membres des partis bourgeois. A l’extrême droite, l’Union démocratique du centre (droite dure) s’en tient à la proposition gouvernementale d’une augmentation de 4%.

Mais la messe n’est pas dite. Vu la dégradation de la situation financière, le Conseil national a prévu parallèlement un blocage partiel des subsides de 1,5% en 2005 et 1% les autres années.

Au centre, les positions des radicaux et du parti démocrate-chrétien ne sont pas homogènes, et c’est pourquoi il est impossible de prévoir l’issue des débats en juin au Conseil des Etats.

Jacques Neyrinck n’ose pas imaginer les conséquences d’une décision défavorable: «S’il veut couper le budget, le gouvernement devra alors dire ce à quoi il renonce. Il ne peut pas, avec un budget décroissant, s’imaginer faire tout ce qu’il promet dans son message.»

Le principe une fois acquis, il sera alors effectivement temps de procéder à la réorganisation de la recherche et des universités. Et, qui sait, peut-être verra-t-on émerger une vision forte de la FRT en Suisse.

swissinfo, Isabelle Eichenberger

– La Suisse a dépensé en 2000 2,1 milliards de francs pour la recherche et le développement, plus 725 millions des cantons.

– C’est 2,4% du PIB, ce qui place la Suisse dans le «top ten» des pays de l’OCDE, derrière la Suède, la Finlande, le Japon et les Etats-Unis.

– Le secteur privé assure près de 70% de la recherche, contre seulement 46% en France.

– La progression annuelle du budget a été de 1% en moyenne depuis dix ans.

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