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La transhumance politique des Italiens de Suisse

«Cela fait trente ans que je suis en Suisse, et nous avons toujours pris le train pour aller voter en Italie» Pour les élections législatives de dimanche, l'anthropologue Fabrizio Sabelli a pris une nouvelle fois le chemin de sa commune d'origine. Comme beaucoup d'autres Italiens de l'étranger.

Les émigrés italiens, qu’ils habitent en Suisse ou ailleurs, ne peuvent en effet toujours pas voter par correspondance, depuis leur pays de domicile. Et doivent donc retourner dans leur commune d’origine pour remplir leur devoir civique.

En contrepartie, l’Etat italien prend en charge le voyage en train ou en voiture sur le territoire national. Certaines communes ou régions peuvent ensuite se montrer plus généreuses.

Ce système peut décourager plus d’un Italien de l’étranger. Prenez le cas d’un Sicilien qui habiterait en Suisse. Pour participer au scrutin, il doit affronter 24 heures de train! A moins qu’il n’en profite pour partir en vacances, son billet étant gratuit deux mois…

Au-delà des craintes de fraude, certains spécialistes avancent une explication politique à cette pratique désormais archaïque. «La démocratie-chrétienne (DC) a dominé l’Italie durant des années, rappelle Fabrizio Sabelli. De droite, ce pouvoir n’avait aucun intérêt à organiser une démocratie correcte pour une population d’émigrés qui, à l’époque, était réputée pour être à gauche».

C’est que l’Italie est un pays d’émigration. Et grâce au vote par correspondance, un large bassin de population aurait droit au chapitre. «Du coup, la droite, mais aussi la gauche, craignent de grands changements politiques», confirme Marina Marengo, chercheuse à l’Institut de géographie de l’Université de Lausanne et spécialiste des migrations.

L’ambassade d’Italie à Berne affiche un certain optimiste: ce week-end, cette transhumance politique pourrait être la dernière. A Rome, en effet, le sénat a décidé début mars de renvoyer à la prochaine législature la ratification d’un projet de loi prévoyant le vote par correspondance.

En fait, ce débat législatif est en suspens depuis plus de trente ans. Et les diplomates sont presque les seuls à croire à une issue prochaine. Ce week-end donc, quelque 30 000 à 50 000 Italiens, sur les 330 000 émigrés que compte la Suisse, ont pris à nouveau le train vers le sud. Sans vraiment espérer que ce soit la dernière fois.

Caroline Zuercher

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