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Le cannabis, une drogue comme les autres?

Fumer un joint: un plaisir ou un vice auquel beaucoup de Suisses ont déjà succombé. Keystone

En Suisse, la consommation de cannabis est interdite, mais largement tolérée. Une initiative propose de mettre fin à cette contradiction par le biais d'une dépénalisation. Pour ses adversaires, c'est un mauvais message envoyé aux jeunes.

Les choses sont claires: celui qui s’adonne à la consommation de drogue – cannabis compris – ou en fait la production est punissable aux yeux de la loi. Mais dans les faits, celle-ci n’est, de loin, pas appliquée dans toute sa rigueur.

En se promenant dans les rues de Suisse, il n’est pas rare d’apercevoir un fumeur de joint ou encore un plant de cannabis sur un balcon ou dans le coin d’un jardin.

Selon les cantons, la police intervient avec plus ou moins de zèle. Mais une chose est sûre: les tribunaux seraient vite débordés s’il fallait sanctionner chaque consommateur.

Les chiffres indiquent en effet que cette consommation est répandue: en 2006, une étude de l’Office fédéral de la santé publique montrait qu’à 16 ans, la moitié des jeunes avaient déjà touché à un premier joint. On estime aussi qu’environ 500’000 Suisses consomment régulièrement du cannabis.

Réalité sociale

Le comité «Protéger la jeunesse contre la narco-criminalité» veut mettre fin à cette situation contradictoire et adapter la loi à la réalité sociale. Pour y parvenir, il propose au peuple une initiative populaire intitulée «Pour une politique raisonnable en matière de chanvre protégeant efficacement la jeunesse».

Le texte demande en premier lieu une dépénalisation de l’usage, de l’achat, de la consommation et de la possession de cannabis. Par ailleurs, la production de cette plante pour un usage personnel ne serait plus punissable.

L’initiative demande aussi que la Confédération prenne des mesures concernant l’importation, l’exportation, la production et le commerce de cannabis. Enfin, les initiants souhaitent que les autorités prennent des mesures pour protéger les jeunes et qu’elles interdisent toute publicité en faveur du cannabis.

Un vœu pieux

Pour ses partisans, l’initiative présente plusieurs avantages. Outre le fait d’adapter la législation à la réalité, elle permettrait aussi d’exercer un meilleur contrôle sur les produits mis en vente.

Mais surtout, une légalisation du commerce, de la production et de la consommation porterait un coup aux réseaux de trafiquants qui seraient ainsi privés des sommes considérables générés par ce trafic.

Pour les opposants à l’initiative, ce sont là des vœux pieux. Selon eux, le trafic continuerait, étant donné que les dealers proposeraient du cannabis contenant une teneur en THC (la substance active de la plante) bien plus forte.

Comme le tabac et l’alcool?

Le véritable enjeu de la votation du 30 novembre, c’est de savoir si la consommation de cannabis peut réellement être décriminalisée et assimilée à la consommation de «drogues légales» telles que le tabac ou l’alcool.

Pour les adversaires de l’initiative, la réponse est clairement négative. Selon le député libéral Claude Ruey, une telle idée est «dangereuse», car elle banaliserait la drogue, ce qui risquerait d’amplifier la consommation de substances telles que la cocaïne ou l’héroïne. «Ce serait un très mauvais message donné à la jeunesse», résume-t-il.

La députée socialiste Maria Roth-Bernasconi souligne en revanche que les partisans de l’initiative ne militent pas pour une libéralisation pure et simple du cannabis. En effet, le texte prévoit des mesures de protection de la jeunesse.

Et la députée de tirer un parallèle avec la consommation de tabac et d’alcool. «La consommation de ces produits est légale, mais cela ne signifie pas pour autant que les risques qui leurs sont liés sont sous-estimés», explique-t-elle.

Une comparaison qui n’a aucun sens aux yeux de Claude Ruey, car la nature des produits n’est pas la même. «La consommation d’alcool peut être gastronomique et dangereuse uniquement en cas d’excès, tandis que la consommation de cannabis, qui vise à modifier la perception de la réalité, est toujours dangereuse», explique-t-il.

Alors le cannabis, une substance finalement pas plus dangereuse que le tabac et l’alcool? Ce sera au peuple de répondre à cette délicate question le 30 novembre.

swissinfo, Olivier Pauchard

En Suisse, la consommation de cannabis a toujours été punissable. Mais on a assisté à une grande tolérance dans les années 1990.

Des magasins de chanvres sont même apparus dans plusieurs villes. Ceux-ci ne vendaient pas directement de la drogue, mais d’autres produits comme des coussins thérapeutiques remplis de chanvre, afin de mieux dormir. Inutile de dire que ces coussins étaient bien souvent fumés… A cette époque, on semblait s’acheminer vers une libéralisation du cannabis.

Mais la situation s’est durcie dans les années 2000. En 2004, le Parlement a refusé une modification de la Loi fédérale sur les stupéfiants qui prévoyait la dépénalisation de la consommation de cannabis. Il a aussi refusé l’initiative «Pour une politique raisonnable en matière de chanvre». Quant à la nouvelle mouture de la Loi sur les stupéfiants – également soumise au vote le 30 novembre – ne fait plus mention d’une quelconque libéralisation.

Ce durcissement s’est concrétisé sur le terrain. Les magasins de chanvre ont disparu et les champs de chanvre ont été détruits. Par contre, la police fait encore preuve d’une assez grande tolérance par rapport aux petits consommateurs.

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