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Le grand retour des voitures au coeur du Mont-Blanc

Trois ans après la catastrophe du Mont-Blanc qui avait fait 39 morts, le tunnel a rouvert officiellement samedi. Aux voitures, pour l'instant. Keystone

La réouverture du Mont-Blanc samedi allégera l'axe du Gothard. Du moins quand les camions seront à nouveau autorisés à emprunter le tunnel.

«Nous ne pouvons faire aucun pronostic, confesse Ugo Schittenhelm, porte-parole de l’Office fédéral des transports. Depuis la fermeture du Mont-Blanc, nous avons certes enregistré une légère hausse de fréquentation du Gothard, mais rien de significatif».

Avis partagé par Jean-Daniel Faucherre, vice-président de l’Association suisse des transports routiers (ASTAG). Selon lui, le transfert de trafic ne sera «pas énorme». Par expérience, le transporteur sait que le trafic venant des Pays-Bas ou d’Allemagne passe les Alpes par le Gothard.

Il en va autrement des camions partant du Nord de la France, qui, eux, reviendront au Mont-Blanc. Et l’augmentation annoncée du prix du péage ne devrait rien y changer. Selon Jean-Daniel Faucherre, un transporteur préférera payer plus cher au Mont-Blanc que de perdre des heures dans les files d’attente au Gothard.

A Bruxelles, on estime également que la réouverture du tunnel franco-italien soulagera quelque peu l’axe du Gothard. Mais en faisant cette déclaration jeudi soir, le porte-parole de la Commissaire européenne aux transports Loyola de Palacio n’a pas davantage donné de chiffres.

Flou artistique et pré-électoral

Reste à savoir quand les camions pourront revenir dans les vallées de Chamonix et de Courmayeur. Car la réouverture du Mont-Blanc ne concerne dans un premier temps que les voitures.

«Nous n’en savons toujours rien», clame Jean-Daniel Faucherre, qui attendra le jour de l’ouverture pour y croire tout à fait. A Paris, le ministre communiste des transports Jean-Claude Gayssot avance la date de la mi-mars. Mais dans le même temps son collègue de l’environnement, le vert Yves Cochet, parle d’un délai de «plusieurs mois».

A ce flou dans les dates, s’ajoute celui sur les modalités de passage des camions. S’agira-t-il d’autoriser uniquement la descente par le Mont-Blanc et d’imposer la montée par le Fréjus, ou va-t-on instaurer une circulation alternée, comme elle est désormais de règle au Gothard ? Personne n’en sait rien.

En réalité, les responsables politiques français pourraient bien laisser passer les élections présidentielles avant de prendre une décision qui fera forcément son lot de mécontents.

Les camions de la discorde

Car le dossier reste explosif. Samedi, les premiers automobilistes à emprunter le tunnel ont été salués par les calicots de l’Association pour le respect du site du Mont-Blanc (ARSMB), qui organise une manifestation côté français.

«Je ne donne pas un an avant qu’il y ait un nouvel accident», prédit Alain Durand, membre de l’ASMB. Et d’ajouter carrément qu’en autorisant le retour des camions, Jean-Claude Gayssot «s’engage dans un crime avec préméditation».

En trois ans de travaux depuis la catastrophe, on a pourtant doté le tunnel d’une galerie d’évacuation, on a doublé le nombre d’abris publics (ils sont désormais 37) et on a entièrement refait le système de ventilation – un mandat confié, soit dit en passant, au bureau d’ingénieurs lausannois Bonnard & Gardel.

Mais pour l’ARSMB, tout ceci n’est que «du pipeau». «Notre combat ne se limite pas à la sécurité du tunnel, martèle Georges Unia, président de l’Association. Nous voulons surtout protéger l’environnement en mettant les camions sur les trains».

Une idée qui fait son chemin, mais lentement. Selon les prévisions des experts, le volume du fret transporté entre la France et l’Italie devrait doubler, de 40 à 80 millions de tonnes, d’ici à 2030, la part du rail passant de 10 à 40 millions de tonnes.

Et au niveau européen, la route ne participe déjà plus que pour moins de la moitié (44%) au total des marchandises transportées.

swissinfo/Marc-André Miserez

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