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Le président autrichien en visite en Suisse

Le président autrichien Heinz Fischer et son homologue suisse Moritz Leuenberger, lors de leur rencontre à Vienne, en janvier 2006 . Keystone

Heinz Fischer, président de la République d'Autriche, est en visite d'Etat en Suisse, un pays qu'il connaît bien et apprécie.

Dans un entretien avec swissinfo, il évoque la multiculturalité helvétique, l’Union européenne, la notion de neutralité, mais aussi l’Euro 2008, organisé conjointement par les deux pays.

swissinfo: La Suisse est-elle pour vous un pays familier et quelle image avez-vous de votre petit voisin?

Heinz Fischer: Je connais très bien la Suisse. Je l’ai fréquentée à de nombreuses reprises comme touriste, skieur et alpiniste. Ces années de proximité me laissent l’image très positive d’un pays caractérisé par une diversité unique.

swissinfo: A l’inverse de la Suisse, l’Autriche est membre de l’Union européenne. Quel bilan en terme d’avantages et d’inconvénients?

H.F.: Sur cette question, les opinions de la population autrichienne divergent. Pour ma part, j’estime que cette adhésion a clairement apporté des avantages à l’Autriche. Je considère que l’on ne peut réduire le bilan de cette adhésion à la question de savoir ‘qu’est-ce que ça nous apporte et combien ça nous coûte’, question somme toute très égoïste. Le projet européen a selon moi une toute autre dimension; c’est un projet de paix.

Le désastre des deux dernières guerres mondiales a clairement montré que les conflits ne résolvaient rien et que la coopération était la seule voie possible pour l’Europe. L’Union européenne apporte une réponse à ce désir de paix, car l’UE rend tout conflit impossible.

swissinfo: La Suisse n’est pas membre de l’UE. Selon vous, comment notre pays est-il perçu? Comme une île? Un profiteur? Ou comme une nation qui veut faire bande à part?

H.F.: Compte tenu des intenses et profondes relations que la Suisse entretient avec l’UE, dont tous ses grands voisins sont membres, on ne peut parler d’un pays qui veut faire bande à part.

Je me garderai bien de donner un quelconque conseil, mais je crois que la Suisse ne peut que développer et intensifier sa collaboration avec l’UE. En ce qui concerne une décision d’adhésion, démocratie directe oblige, le dernier mot revient à vos concitoyennes et concitoyens.

swissinfo: Pour vous, la Suisse est donc partie intégrante de l’Europe?

H.F.: La Suisse est au centre de l’Europe. Il y a peu d’Etats qui résume sur son territoire tout le pluralisme européen. Cette coexistence étroite entre différentes langues et cultures en un Etat, qui se caractérise aussi par une remarquable stabilité, fait tout le charme de ce pays.

swissinfo: En Suisse, le débat sur la neutralité agite à nouveau l’opinion publique. Il y a cinq ans, l’Autriche a substitué à sa «neutralité perpétuelle» une «liberté d’alliance». Ce changement a-t-il fait ses preuves?

H.F.: Notre loi fondamentale sur la neutralité du 26 octobre 1955 est toujours en vigueur. L’Autriche reste fidèle au principe de neutralité qu’elle s’est donnée. Les tentatives visant une adhésion de l’Autriche à l’OTAN n’ont aujourd’hui plus de raison d’être.

L’ensemble des partis politiques les plus importants de notre pays se reconnaissent dans la neutralité. L’adhésion à l’UE a néanmoins placé notre pays face à des responsabilités nouvelles comme le devoir de solidarité.

Pour moi, le point le plus essentiel est que personne ne peut contraindre l’Autriche à participer à des actions militaires dans le cadre de l’Union européenne.

Notre décision découle de notre constitution mais elle est aussi dictée par notre volonté politique de participer à des campagnes de paix de l’ONU, cela dans une dimension qui reste maîtrisable et avec une certaine prudence.

swissinfo: La coupe d’Europe de football 20O8 sera organisée conjointement par l’Autriche et la Suisse. Une union heureuse?

H.F.: Le fait que la Suisse et l’Autriche organisent conjointement ce grand rendez-vous est en lui-même un événement heureux. Nous doublons nos capacités, notre savoir-faire et notre potentiel d’organisation. Voir ainsi les Suisses et les Autrichiens unir leurs talents est un événement très positif. Cette expérience de collaboration pourrait selon moi en appeler d’autres à l’avenir.

swissinfo: En dehors des paysages de montagne et de la musique populaire, la Suisse et l’Autriche ont-elles d’autres points communs?

H.F.: On pourrait dresser de nombreux autres parallèles et trouver aussi des évolutions très différentes. Dans leur histoire de ces derniers siècles, la Suisse et l’Autriche ont été marquées par des évolutions culturelles analogues et partagent – en partie – la même langue.

Mais il y a aussi des différences et c’est ce qui fait le charme de nos deux pays. La confrontation qui en résulte est toujours fructueuse… et j’insiste sur le qualificatif de fructueux.

swissinfo: Les Autrichiens ont chez nous la réputation d’être plus aimables que les Suisses. Partagez-vous cette opinion?

H.F.: Je me méfie un peu des jugements tout faits. Certains de nos concitoyens sont rudes et peu amènes, comme il y a des Suisses charmants et d’un abord très agréable. Un bon observateur dira peut-être que les Autrichiens sont plus particulièrement charmants et les Suisses plus particulièrement sérieux et appliqués!

Je suis personnellement très satisfait de la manière dont les talents se répartissent entre Suisses et Autrichiens. Il y a comme un équilibre naturel entre nos deux peuples.

swissinfo: Les Autrichiens ont-ils aussi des histoires drôles sur les Suisses comme les Suisses en ont sur les Autrichiens?

H.F.: Je pourrai vous raconter une bonne vingtaine d’histoires drôles sur les Autrichiens; je n’en ai aucune sur les Suisses qui me viennent rapidement à l’esprit. Mais il doit sûrement y en avoir, car pas un seul pays n’échappe à des histoires drôles sur son compte.

Interview swissinfo, Gaby Ochsenbein
(Traduction de l’allemand: Bertrand Baumann)

L’Autriche compte 8,2 millions d’habitants et a une superficie deux fois plus étendue que la Suisse.
Depuis 1995, l’Autriche est membre de l’Union européenne.
Les deux Etats sont neutres.
Ils pratiquent également tous les deux le secret bancaire.
En 2005, le volume des échanges commerciaux a atteint près de 2 milliards de francs.

Heinz Fischer est né le 9 octobre 1938 à Graz.

Il a étudié à Vienne les sciences politiques et le droit.

Entré en politique dans les années 1960, il a assumé diverses fonctions au sein du parti socialiste autrichien (SPÖ): député au Parlement, chef de groupe parlementaire, vice-secrétaire du part, ministre des sciences, président du Conseil national.

Depuis le 8 juillet 2004, il assume la charge de président de la République autrichienne.

En règle générale, la Suisse invite une fois par année un chef d’Etat étranger pour une visite d’Etat. En 2006, il s’agit du président de la République d’Autriche, Heinz Fischer.

Il est arrivé jeudi à Berne avec son épouse Margrit. Le couple a été reçu avec les honneurs militaires. Heinz Fischer rentrera en Autriche vendredi, après avoir rencontré le gouvernement suisse in corpore.

Les entretiens porteront sur un approfondissement des relations réciproques, sur la question européenne, la coupe d’Europe de football 08, mais aussi sur la coopération scientifique et culturelle. Une excursion au Tessin est également prévue.

La dernière visite d’un chef d’Etat autrichien remonte à 1992.

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