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Le sanctuaire fiscal suisse sous pression

Une part importante des fonds étrangers déposés en Suisse n’ont pas été déclarés dans leur pays d’origine. Keystone Archive

La loi suisse qui distingue évasion et fraude fiscale permet aux riches étrangers d'évader en toute impunité leur fisc et de remplir les coffres helvétiques.

Une situation fortement décriée et que la Confédération aura du mal à maintenir à long terme.

S’il est relativement simple de démontrer que l’association secret bancaire-terrorisme est totalement infondée et malhonnête, les critiques concernant la soustraction fiscale posent un problème moral que la Suisse devra tôt ou tard résoudre.

Le secret bancaire permet d’éviter le fisc

Contrairement à la plupart des pays, Berne considère que l’évasion fiscale n’est pas un crime. Les banques peuvent donc se retrancher derrière le secret bancaire pour ne pas répondre aux demandes d’informations sur la fortune de leurs clients.

Une législation critiquée par de nombreux gouvernements étrangers irrités de voir fuir en Suisse leurs riches contribuables. En Suisse même, de nombreuses voix s’élèvent pour que l’évasion fiscale soit sévèrement punie.

Le problème c’est que la criminalisation de la soustraction fiscale coûterait cher aux banques helvétiques car une part importante des fonds étrangers déposés en Suisse n’ont pas été déclarés dans leur pays d’origine.

Selon les estimations, 38 milliards d’euros échapperaient chaque année aux impôts français. De l’argent que le fisc voudrait bien pouvoir imposer.

«C’est à chaque Etat d’assumer les conséquences de son système fiscal», estime la Fondation Genève Place Financière dans une récente brochure.

L’institut lausannois Créa est plus direct: «la planète a besoin du sanctuaire fiscal Suisse pour éviter que l’on se dirige vers un monde à la Orwell. La possibilité de l’évasion fiscale remplit une importante fonction systémique au plan international».

L’évasion fiscale bénéficie à la Suisse

Si l’économie helvétique bénéficie aujourd’hui d’une situation exceptionnelle avec notamment des taux d’intérêts réels les plus bas au monde, elle le doit à son secret bancaire et, surtout, à «une certaine réserve en matière de coopération internationale au plan de l’information fiscale», précise le Créa.

En clair, la prospérité du pays et de son système financier repose sur le fait que la Suisse tolère l’évasion fiscale, et si les fiscs étrangers étaient moins avides, leurs citoyens ne viendraient pas déposer discrètement leur argent dans les coffres suisses.

«Aujourd’hui le fonds de commerce des banques provient de personnes qui optimisent leurs impôts», admet Ivan Pictet associé à la banque éponyme.

«Si je vais acheter une montre, le bijoutier ne me demande pas si j’ai payé mes impôts, il n’y a donc pas de raison pour que le banquier agisse différemment», ajoute Michael Wyler, membre de la direction générale de l’Union Bancaire Privée.

Moralement inacceptable

Reste que la distinction entre fraude et évasion fiscale pose un gros problème aux juges d’instruction car l’argent gris issu de l’évasion fiscale emprunte souvent les mêmes filières que les fonds noirs provenant d’activités criminelles.

Difficile dès lors de trier entre les cas pénaux et ceux qui résultent d’une simple soustraction fiscale.

Par ailleurs, nombreux sont ceux qui considèrent que ne pas payer ses impôts est un comportement préjudiciable pour l’ensemble de la communauté.

«Il n’est pas normal que la Suisse prospère grâce à l’évasion fiscale, une activité moralement condamnable. Je ne veux pas être riche en volant l’argent qui devrait être versé au fisc», lance l’ancien procureur genevois Bernard Bertossa.

swissinfo/Luigino Canal

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