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Le syndrome du Gothard

Les files d’attente s’allongent au Gothard, la colère gronde chez les routiers et aucune solution miracle ne se profile. Keystone Archive

Les transporteurs et les camionneurs perdent patience. Les politiques proposent une table ronde. Qui ne suffira pas à faire sauter les bouchons du Gothard.

Mercredi et jeudi, les Chambres fédérales ont longuement débattu du tunnel du Gothard. Au milieu des interpellations urgentes et des débats sans fin, Moritz Leuenberger, chef du Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication, a accédé à la demande du sénateur Carlo Schmid, président de l’Association suisse des transports routiers (ASTAG). Une table ronde sera organisée sur la question.

Le 24 octobre 2001, la collision de deux camions et l’incendie qui s’en suivit faisaient 11 morts dans un tunnel réputé parmi les plus sûrs d’Europe. Depuis sa réouverture le 21 décembre, le Gothard ne laisse plus passer les camions que dans un sens à la fois, et à une distance de 150 mètres l’un de l’autre.

Résultat: les files d’attente s’allongent, la colère gronde chez les routiers et aucune solution miracle ne semble à portée.

Le point sur cet épineux dossier en cinq questions.

Peut-on vraiment parler de «chaos» sur l’axe du Gothard?

Moritz Leuenberger, en tous cas, refuse le terme. Avant l’accident, entre 5000 et 5500 camions pouvaient passer le Gothard chaque jour. Aujourd’hui, après des débuts difficiles, on arrive à 3500 passages quotidiens.

Selon le DETEC, la situation est même meilleure qu’au début de l’été dernier, où les files d’attente encombraient la chaussée. Désormais en effet, les camions sont rangés sur des aires d’attente et n’y passeraient que «quelques heures».

Du côté des transporteurs, on voit les choses d’un tout autre œil. Pour Jean-Daniel Faucherre, vice-président de l’ASTAG, les chauffeurs arrêtés au bord de l’autoroute «sont moins bien soignés que des bêtes», allusion au fait que ces aires d’attente n’offrent ni sanitaires ni possibilité de se ravitailler.

Berne a chargé les cantons d’y pourvoir, mais rien n’est fait pour l’heure et le gouvernement tessinois a déjà annoncé qu’il refusait de créer de nouvelles aires d’attente. Certaines nuits, celles-ci ont en effet été le théâtre de concerts de klaxons qui irritent fortement la population locale.

A quand le retour du trafic bidirectionnel pour les camions dans le tunnel ?

Moritz Leuenberger s’est bien gardé de le dire. Michael Gehrken, porte-parole de l’Office fédéral des routes, se contente de déclarer: «je pense que le système va être maintenu, pour des raisons de sécurité, et ceci même lorsque la nouvelle ventilation sera en place.»

Une incertitude qui irrite fortement les transporteurs. Au nom de l’ASTAG, Jean-Daniel Faucherre est nettement plus direct: «nous exigeons l’ouverture immédiate dans les deux sens, au plus tard le premier mai.»

Les routiers vont-il finir par se fâcher ?

A l’ASTAG, on envisage déjà une action de blocage au cas où Moritz Leuenberger ne céderait pas. «On en parle, on n’en a jamais parlé jusqu’à maintenant, mais cette fois, je crois qu’il y a assez», martèle Jean-Daniel Faucherre.

Avant d’en arriver là, il reste tout de même une chance que la table ronde permette de faire baisser la pression, Mais pour l’heure, on ne sait ni quand elle se tiendra ni quels seront les participants. Aux côtés de DETEC et de l’ASTAG, on s’attend à y voir au moins les cantons concernés et les organisations écologistes.

Que peut-on attendre de cette table ronde ?

Il semble clair que Moritz Leuenberger ne cédera pas sur la question du trafic alterné. Il n’acceptera pas davantage d’accorder une sorte de droit de passage prioritaire aux camions suisses. Les accords bilatéraux avec l’Union européenne l’interdisent formellement.

Le ministre des transports a malgré tout deux jokers dans sa manche. Le premier est d’accorder une dérogation à l’interdiction de rouler la nuit et le dimanche pour les camions transportant des produits frais (fruits, légumes, animaux). Et le second est d’ouvrir, en été, la route du col aux 28 tonnes.

Dans les deux cas, les camionneurs suisses seraient effectivement favorisés, puisque ce sont eux qui effectuent en majorité ce genre de transports et utilisent ce type de véhicules.

Jean-Daniel Faucherre n’est pas opposé à la première solution, que les camionneurs réclament d’ailleurs depuis quelques temps. Il est toutefois conscient que les riverains ne sont pas très chauds.

Quand au passage par le col, le vice-président de l’ASTAG n’y voit pas une panacée, «surtout quand on connaît l’état de la route».

Percera-t-on un jour un deuxième tunnel sous le Gothard ?

Depuis 1994, la chose est constitutionnellement impossible, puisque l’initiative des Alpes l’interdit. Mais en l’an 2000, le TCS a fait aboutir son initiative «pour des autoroutes sûres et performantes», dite initiative «Avanti».

Son acceptation viderait presque complètement de sa substance l’initiative des Alpes et signifierait notamment le percement d’un second tube sous le Gothard.

Lors des débats de ces derniers jours au Parlement, les partisans de l’idée ont passablement donné de la voix. Au Tessin, mis à part une partie de la gauche et les écologistes, tout le monde est acquis à l’idée, à commencer par le ministre du territoire Marco Borradori, élu de la Lega.

La campagne qui s’annonce (le texte devrait en principe être voté en 2004) devrait donner lieu à un vrai débat sur la politique des transports. Mais avec la mise en chantier des transversales ferroviaires, les partisans du rail – tendance incarnée par Moritz Leuenberger – ont déjà une longueur d’avance sur ceux de la route.

swissinfo/Marc-André Miserez avec Gemma d’Urso

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