Des perspectives suisses en 10 langues

Les enfants ne sont pas des objets pour touristes

La prévention permet de sauver des enfants, comme cette fillette rescapée d'un bordel cambodgien. Keystone Archive

Un spot de prévention du tourisme sexuel impliquant des enfants passe dans un tiers des cinémas suisses.

Le même spot passe sur tous les vols longs courrier d’Air France. Sauf sur ceux de Swiss.

«Il y a encore des gens qui croient que l’exploitation sexuelle des enfants à l’étranger n’est pas punissable», s’exclame Katrin Hartmann de l’Association suisse pour la protection des enfants (ASPE).

Il est bon, dit-elle, «de leur rappeler qu’ils sont condamnables autant en Suisse que dans ces pays».

L’ASPE, qui gère le Service ECPAT suisse, l’organisation faîtière européenne qui lutte contre l’exploitation sexuelle des enfants, a lancé une campagne de prévention dans un tiers des cinémas suisses.

Le spot diffusé de janvier à début février est simplement une adaptation de la vidéo qui passe dans tous les long-courriers d’Air France depuis 1999.

Dix ans de sensibilisation

L’ASPE remet donc la compresse en Suisse. Elle n’a pas lancé de campagne nationale depuis environ cinq ans, même si le public semble avoir été largement sensibilisé à ce problème.

Les premières prises de conscience au sujet de la prostitution enfantine ont commencé au début des années 90.

Il a fallu quelques années aux milieux du tourisme ainsi qu’aux autorités pour mettre en place des garde-fous. Une série d’actions ont alors suivi.

Les voyagistes suisses ont assez rapidement pris les choses en main. On ne peut pas en dire autant de Swiss, ni des aéroports.

Les compagnies aériennes

Il y a un peu plus de trois ans, l’ECPAT avait en effet contacté Swissair pour lui proposer son spot de prévention.

Jean-Claude Donzel, alors porte-parole de la défunte compagnie, se souvient qu’un accord de principe avait été donné. Il était prévu de passer le spot dans les avions à destination des Philippines, de la Thaïlande et du Brésil, trois destinations sensibles.

Il n’a toutefois pu nous en dire plus. Les dirigeants d’alors ne sont évidemment plus en poste depuis la faillite de Swissair l’an dernier.

Cela dit, une chose est sûre, Swiss, la nouvelle compagnie, n’a pas repris cette campagne de sensibilisation.

«C’est que, nous n’avons pas été contactés. Ce n’est pas à nous, en tant que compagnie commerciale, de prendre l’initiative de telles actions», précise encore Jean-Claude Donzel, reconduit dans ses fonctions chez Swiss.

Les directions des aéroports internationaux de Zurich et de Genève, adoptent le même raisonnement que Swiss.

Elles ne se sentent pas investies d’une mission de prévention. Le directeur de Cointrin, à Genève, n’a d’ailleurs jamais été sollicité pour accueillir de telles actions.

Air France exemplaire

D’autres compagnies européennes pourtant ne partagent pas cette politique. Air France, Lufthansa ou Sabena ont toutes, pendant des périodes plus ou moins longues, passé la vidéo de l’ECPAT.

Air France n’a, par exemple, jamais interrompu sa campagne de prévention. Celle-ci ne se limite pas aux seules destinations sensibles. La compagnie française annonce d’ailleurs un nouveau spot pour le mois de mars.

Fin 2000, Air France avait reconduit son engagement contre la prostitution enfantine. Elle a signé un protocole de dix ans avec ECPAT Luxembourg. Il prévoit, entre autres, une aide financière d’environ 500 000 francs suisses par an à des projets concrets, au service des enfants victimes du tourisme sexuel.

Mais comme le faisait remarquer une attachée de presse de Lufthansa, il est important de sensibiliser les clients quand ils choisissent leur destination. Une fois qu’ils sont dans l’avion, c’est déjà presque trop tard.

Les voyagistes en première ligne

En Suisse, tout semble donc reposer sur les épaules des voyagistes. Au cours des cinq dernières années, plusieurs actions de prévention ponctuelle ont eu lieu.

On se souvient notamment des étiquettes à coller sur les bagages qui étaient distribuées aux voyageurs. Elles rappelaient que les enfants ne sont pas des curiosités locales que l’on peut acheter.

Mais ce n’est pas tout. Depuis quelques années, les guides suisses et autochtones sont sensibilisés à ce problème au cours de leur formation.

Les voyagistes suisses s’alignent ainsi sur les codes d’éthiques prévalant dans ce domaine en Europe. Ils travaillent avec l’ECPAT depuis quatre ans et ont adhéré à la charte de l’ECTAA, le groupement des agences de voyage de l’Union européenne.

«Des mises en garde sont en outre incluses dans les catalogues disponibles dans les agences ainsi que dans les documents distribués aux touristes sur place», complète Roland Schmid, porte-parole de Tui Suisse (Imholz).

Les tours opérateurs se sont aussi engagés à ne plus collaborer avec les hôtels qui soutiennent ce type de commerce. Ils procèdent à des tests sur place ou se fient aux éventuelles réclamations de clients.

«Mais ce n’est pas arrivé souvent, poursuit-il. Nous avons eu quelques cas il y a dix ans, quand le monde du tourisme a pris conscience du problème.»

Dénonciations

Depuis un an, la Fédération suisse des agences de voyage (FSAV) va encore plus loin. Les guides des tours opérateurs doivent désormais dénoncer les clients qui formuleraient des demandes douteuses concernant des enfants.

La dénonciation se fait au retour en Suisse. La FSAV a adopté un protocole interne allant dans ce sens.

«Mais il n’y a pas encore eu un seul cas en un an», nuance Walter Kunz, de la FSAV

Sa remarque reflète les difficultés qui entourent la prostitution enfantine. Même s’ils voyagent en groupe, il est très difficile de savoir ce que les clients font individuellement.

Les pédophiles, même occasionnels sont en général très bien renseignés avant leur départ.

C’est pourquoi, comme l’espère Katrin Hartmann, les spots de prévention peuvent encore en dissuader quelques-uns. D’où l’utilité d’en diffuser dans les avions.

swissinfo, Anne Rubin

En conformité avec les normes du JTI

Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative

Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !

Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision