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Les Genevois voteront pour asseoir leur démocratie communale

La Ville de Genève sera le fer de lance de la campagne pour le droit de vote des étrangers. swissinfo.ch

Dès samedi, les Genevois mèneront campagne à travers les communes du canton. Objectif: amener les citoyens à accorder les droits communaux aux étrangers. Cette question sera tranchée, le 4 mars prochain, parallèlement au vote des Suisses sur l'initiative pour une adhésion rapide à l'Union européenne.

Il y a sept ans, les Genevois avaient repoussé, à une très large majorité, une proposition qui voulait accorder le droit de vote et d’éligibilité aux étrangers établis de longue date sur leur territoire.

Le 4 mars, parallèlement au vote des Suisses sur l’initiative pour une adhésion immédiate à l’Union européenne, Genève devra une nouvelle fois trancher la question de l’ouverture politique de ses 45 communes aux résidents étrangers.

Entre le «J’y vis, j’y vote pour Genève» et le «Oui à l’Europe», il y a plus que la conjonction un peu hasardeuse de deux postulats complémentaires sur l’ouverture au monde, à l’intérieur et à l’extérieur de ses propres frontières. Ces sujets de votation résultent tous deux d’initiatives prises par des jeunes.

«Combien de fois n’entend-on pas dire, commente Jérôme Savary, membre du Comité unitaire pour la votation genevoise, que les jeunes ne s’intéressent plus à la vie civique et se désengagent de la politique? C’est sans doute vrai quand on leur parle de politique politicienne. Mais quand il s’agit de thèmes porteurs et profonds, ils savent se mobiliser.»

Au printemps 1996, le Parlement des Jeunes de Meyrin, l’une des grandes communes de la «banlieue» genevoise, avait ainsi organisé une soirée de discussions sur les droits politiques des étrangers. La majorité des représentants des partis présents s’y étaient déclarés favorables à l’octroi des droits communaux.

Il n’en fallait pas plus pour élargir le débat à l’ensemble du canton et provoquer une véritable vague de fond. D’autres parlements de jeunes s’engagent alors dans le même sens, suivis par plusieurs conseils municipaux.

Une association se forme, le gouvernement cantonal est interpellé et le législatif cantonal se voit saisi d’un projet de loi donnant la faculté aux communes d’octroyer le droit de vote aux étrangers. Il l’approuve par 47 voix contre 32 et une abstention. Ne manque plus que l’aval définitif des citoyens.

L’histoire va-t-elle se répéter? Les Genevois accepteront-ils ce qu’ils avaient refusé en 1993 alors que deux ans plus tôt ils s’étaient pourtant déjà résolument affichés pro-européens lors du vote sur l’EEE? Difficile à dire.

A l’époque, la récession freinait les audaces et rendait les esprits sceptiques. Certains disaient qu’il était préférable de ne pas trop en faire d’un coup, de ne pas brûler les étapes, de commencer sur le plan communal et sans le droit d’éligibilité.

Mais l’argument qui avait déjà pesé dans les urnes et dont les opposants pourraient encore se servir cette fois-ci, c’est celui du passeport. Pour beaucoup de Suisses, y compris les Genevois, le meilleur moyen de s’intégrer complètement à la vie locale, c’est de prendre la nationalité suisse.

«Le principe d’une citoyenneté liée à la possession d’un passeport est toujours bien ancré dans les mentalités», reconnaît Jérôme Savary. De ce point de vue, le vote genevois servira sans doute de baromètre au gouvernement fédéral qui vient de lancer le projet d’une attribution automatique du passeport suisse aux étrangers de la troisième génération.

Le Comité unitaire «J’y vis, j’y vote pour Genève» défend quant à lui l’idée d’un état actif de la citoyenneté des étrangers, c’est-à-dire de leur participation effective à la construction de leur société d’accueil:

«Les résidents étrangers qui, aux côté des Suisses, s’engagent dans les domaines associatifs, sportifs, culturels ou religieux constituent une belle démonstration de citoyenneté active communale».

D’autres, en Suisse, l’ont compris bien avant les Genevois. Neuchâtel offre le droit de vote communal aux étrangers depuis plus d’un siècle et demi! L’an passé, il a élargi ce droit au niveau cantonal.

Les Jurassiens, eux, ont fait un pas de plus en accordant le droit d’éligibilité communal. En novembre dernier, ils ont élu quatre ressortissants étrangers dans leurs conseils municipaux.

Quant au canton d’Appenzell, qui pendant longtemps avait verrouillé l’accès des femmes au monde politique, il n’a pas attendu les autres cantons pour reconnaître le principe du droit de vote des étrangers sur le plan communal, tout en laissant aux municipalités la décision de l’appliquer ou non. Ce que l’une d’entre elles – Wald – a déjà décidé de faire.

A Genève, une dizaine de communes se lancent aussi dans la bataille en faveur du oui. La Ville de Genève, par exemple, ne lésinera pas sur les moyens quand bien même elle se doit de faire preuve d’un peu de retenue pour ne pas se voir accusée de verser tout simplement dans la propagande unilatérale.

Dès le 7 février, elle lancera en tout cas une campagne d’affiches autour de trois questions qui résument bien la situation locale: «183 nationalités dans sa commune, est-ce une pauvreté ou une richesse? 43% d’habitants n’ont pas le droit de vote, est-ce démocratique? Après avoir payé des impôts pendant 8 ans, peut-on voter dans sa commune?» Réponses le 4 mars.

Bernard Weissbrodt

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