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Les jeunes travailleurs sont-ils trop protégés?

Les jeunes travailleurs doivent disposer de suffisamment de temps libre. Keystone

La révision de la loi sur le travail prévoit d’abaisser à 18 ans l’âge à partir duquel les jeunes travailleurs ne bénéficient plus de protections particulières.

La proposition soulève un tollé à gauche, chez les syndicats et dans les associations de jeunesse.

Depuis quatre ans, la loi fédérale sur le travail fixe l’âge de protection à 19 ans pour les jeunes travailleurs et à 20 ans révolus pour les apprentis.

Or, à la demande des milieux patronaux et des partis bourgeois, le Conseil fédéral (gouvernement) a proposé l’abaissement uniforme de cette limite à 18 ans.

A deux jours de la fin de la procédure de consultation, les syndicats, les mouvements de jeunesse, les Eglises, Pro Juventute, les directeurs cantonaux de l’instruction publique et la gauche montent au créneau.

Si l’on supprime dès cet âge les interdictions de travailler de nuit, le week-end ou selon des horaires irréguliers, les jeunes concernés risquent d’en pâtir fortement.

Cela pourrait signifier moins de temps de repos garanti, des horaires de travail plus longs et des heures supplémentaires multipliées. Tels sont du moins les arguments mis en avant vendredi par Regula Rytz, secrétaire centrale de l’Union syndicale suisse (USS).

L’argument européen

Côté gouvernemental, le ministre de l’Economie Joseph Deiss prône une harmonisation avec l’Union européenne (UE) où l’âge limite de protection est fixé à 18 ans.

Un argument que réfutent les syndicats. Les deux tiers des jeunes Helvètes choisissent l’apprentissage et accomplissent de ce fait une part de leur formation en entreprise. Ce modèle est par contre peu répandu au sein de l’UE.

De plus, la loi suisse sur le travail est à des lieues du droit européen, s’agissant de la protection des travailleurs. Abaisser l’âge de protection pénaliserait encore plus les jeunes Suisses. L’apprentissage perdrait tout attrait face aux formations générales en école, prédit Regula Rytz.

Tiré par les cheveux

A la Société suisse des employés de commerce, le secrétaire pour la jeunesse Mario Antonelli s’insurge lui aussi.

«Ce que l’on entend chez les partisans de l’abaissement est vraiment tiré par les cheveux, déclare-t-il à swissinfo. Dire que les jeunes sont dehors tous les soirs, cela montre simplement que l’on n’a pas beaucoup d’arguments pour défendre cette idée».

«A suivre cette logique, on finirait par interdire aux adultes d’aller boire une bière après le travail ou de faire partie d’un club de gym», poursuit Mario Antonelli.

Risques pour la santé

A Pro Juventute, on rappelle que les apprentis et les jeunes travailleurs sans diplôme sont plus souvent victimes d’accidents de travail et de problèmes de santé.

En abaissant l’âge de protection, on désavantage les apprentis et les moins de 20 ans dès leurs premiers pas sur le marché du travail, à un âge où d’autres sont encore aux études.

Jean-Christophe Schwaab, du Conseil suisse des activités de jeunesse, n’hésite pas à qualifier de «dramatiques» les conséquences qu’aurait une telle mesure.

L’extension des horaires la nuit et le dimanche réduirait les possibilités de formation continue. Elle mettrait en cause jusqu’au système même de formation en entreprise.

La compétitivité à quel prix?

Le porte-parole de la jeunesse suisse s’étonne que l’hôtellerie, qui peine à recruter des apprentis dont le tiers abandonnent leur formation avant terme, appelle au démantèlement de leurs conditions de travail.

«Pauvre Suisse, contrainte de rogner sur la protection de sa jeunesse pour augmenter sa compétitivité», s’exclame de son côté Paul Rechsteiner, président de l’USS.

Il attend que le Conseil fédéral retire sa proposition. Mais si le débat devait avoir lieu au Parlement, le député socialiste bâlois espère bien convaincre ses collègues de ne pas entrer en matière.

swissinfo et les agences

La loi actuelle prévoit une protection pour les jeunes jusqu’à 19 ans pour les étudiants et 20 pour les apprentis.
La révision veut abaisser ce seuil à 18 ans pour tous.

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