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Les retombées de l’envolée du prix du pétrole

D'ici 10 à 15 ans, la moitié des réserves mondiales de pétrole devrait être épuisée. Keystone

Le prix du brut est à son plus haut depuis treize ans. Il frise les 40 dollars le baril.

En Suisse, comme ailleurs, les effets de cette flambée se font sentir à la pompe, pour les particuliers et pour les entreprises. Pire, ils risquent d’entraver la reprise économique.

Jeudi, le cours du pétrole frise les 40 dollars le baril. En Suisse, le prix de l’essence vient de subir trois hausses en dix jours. Le sans-plomb se vend désormais à la pompe 1 fr. 41 le litre en moyenne nationale.

Cette tendance à la hausse a plusieurs explications, estiment les experts. Parmi elles, l’insuffisance de l’offre, la hausse de la demande chinoise, le niveau plancher des stocks aux Etats-Unis et les inquiétudes liées à la situation au Moyen-Orient.

L’attaque du week-end dernier contre une usine pétrochimique saoudienne, qui a tué plusieurs employés de la division pétrolière du géant helvético-suédois ABB n’a évidemment pas contribué à calmer le jeu.

Pas plus que la tentative d’attentat à la bombe contre le terminal pétrolier irakien de Bassorah.

Tout le monde sera touché



Si les Américains, qui consomment un quart du pétrole mondial, ont des sources d’approvisionnement bien diversifiées, l’Europe achète 45% de son or noir au Moyen-Orient.

Plus précisément, les Etats-Unis achètent 25% de leur pétrole aux pays arabes, l’Europe 45% et l’Asie 72%.

«En cas de hausse liée à des facteurs géopolitiques, c’est donc l’Asie qui est touchée la première, puis l’Europe, puis les Etats-Unis», explique François Savary, stratégiste financier indépendant à Genève

Mais à terme, l’énorme consommation du marché américain finira par l’affecter également. Autrement dit, la hausse frappe tout le monde.

Certes, le franc suisse et l’euro sont actuellement très forts par rapport au dollar, ce qui favorise la Suisse et ses voisins.

«Mais attention, avertit François Savary, le pétrole se paye partout en dollars. Et lorsque le billet vert est faible, on a tendance à augmenter les stocks et à réduire la production, ce qui fait monter les prix».

Une bombe à retardement pour Swiss



La hausse du brut se répercute sur les prix de l’essence et des huiles de chauffage. Mais les particuliers ne sont pas les seuls touchés. L’économie en souffre également, surtout les secteurs qui consomment beaucoup de produits pétroliers.

Exemple typique: le transport aérien. Jeudi, la compagnie Swiss annonce une forte réduction de ses pertes par rapport au premier trimestre de l’an dernier. Mais l’évolution du prix du baril pourrait à terme s’avérer désastreux pour elle.

Il y a deux mois, Swiss a empoché 20 millions de francs en vendant ses contrats à terme (options) sur le pétrole. Les compagnies aériennes ont en effet l’habitude d’acheter leur carburant à terme, à un prix fixé d’avance, contre le paiement d’une prime.

Cette sorte d’assurance contre les variations de cours permet aux transporteurs bien dotés en options d’éviter de plonger dans les chiffres rouges à mesure que le prix du pétrole grimpe.

Au moment de cette vente, le responsable des finances de Swiss, Ulrik Svensson, déclarait que la compagnie prenait là «un risque calculé». A l’époque, Swiss pariait que les cours du brut avaient atteint leur pic et allait amorcer leur descente.

La reprise menacée



Erreur: aujourd’hui, certains experts estiment que le cours du baril pourrait monter à 43, voire 45 dollars d’ici l’été.

«L’année dernière, avant la guerre d’Irak, nous avons atteint 39,99 dollars, niveau en grande partie psychologique. Aujourd’hui, il nous faut regarder les fondamentaux et ils vont dans le sens d’un niveau très élevé», avertit Tetsu Emori, analyste japonais.

En Suisse comme ailleurs, on a donc des raisons de craindre que la reprise annoncée et attendue de la croissance ne soit enrayée par ces hausses.

«Si les cours se maintiennent au niveau actuel, voire augmentent encore, il faut s’attendre à ce qu’ils aient peu à peu une influence sur le cycle économique», indique Alois Bischofberger, chef économiste au Credit Suisse Group.

Pour sa part, le patron de l’institut de recherches conjoncturelles KOF a récemment averti de l’imminence d’un impact négatif des cours du brut sur l’économie. «Si le prix du pétrole subsiste à un niveau élevé, j’estime son impact à 0,5% de croissance en moins», analyse Bernd Schips.

Sortir du pétrole



Une nouvelle crise qui rappelle la dépendance de l’économie mondiale par rapport à l’or noir, dépendance dont certains aimeraient sortir rapidement.

«Les prix finiront par baisser à nouveau, estime Bernhard Piller, expert pour la Fondation suisse de l’énergie. Mais ils ne retrouveront jamais leur niveau d’antan».

Et d’avertir que les réserves de pétrole ne sont pas inépuisables. Selon lui, le monde en aura consommé la moitié d’ici 10 à 15 ans. D’où la nécessité de miser dès maintenant sur les énergies «vertes» et renouvelables, à l’image des éoliennes, qui connaissent un véritable boom en Allemagne.

swissinfo et les agences

– Les cours du pétrole ont atteint leur plus haut niveau depuis 13 ans. Cette semaine, le prix du baril frise les 40 dollars.

– Les prix se situent actuellement aux niveaux de 1990, juste avant la première guerre du Golfe.

– Les économistes tendent à penser que ces prix élevés pourraient ralentir la reprise économique en Suisse.

– Les entreprises du secteur des transports, et notamment la compagnie aérienne Swiss, seront les plus durement touchées.

– Pariant sur la baisse des cours, Swiss s’est délesté en mars dernier de contrats à terme lui garantissant un fuel à meilleur coût.

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