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Les syndicats gagnent une bataille, pas la guerre

Malgré les victoires des derniers mois, les syndicats peinent à s'imposer. Keystone

Les syndicats viennent de remporter deux victoires de taille dans les secteurs de la construction et de la poste.

Mais ces succès n’entament pas l’érosion du monde syndical et sa difficulté à s’imposer dans le secteur tertiaire.

Les titres de la presse helvétique sonnent comme des clairons. «La Poste plie devant les syndicats», affirme ainsi la Tribune de Genève, suite à l’abandon du plan de concentration des centres de tri par Ulrich Gygi, patron de La Poste.

Une victoire précédée il y a une dizaine de jours par l’«accord historique», selon Le Temps, entre le Syndicat industrie et bâtiment (SIB) et la Société suisse des entrepreneurs (SSE), à propos des retraites anticipées pour les ouvriers du bâtiment.

«Ces deux succès montrent que les syndicats gagnent du poids», affirme Ewald Ackermann, porte-parole de l’Union syndicale suisse (USS).

«Cette tendance, poursuit le syndicaliste, s’observe depuis quelques années».

Des cas particuliers

Ce n’est pas l’avis de Beat Kappeler qui nuance le propos. «En Suisse, les syndicats ne sont forts que dans certains secteurs, comme la construction ou les services publiques», précise l’ancien syndicaliste

Beat Kappeler, qui travaille actuellement au sein de la NZZ am Sonntag, affirme que ces deux victoires récentes des syndicats sont des cas particuliers.

«Elles s’expliquent aussi par la maladresse des patrons, dans le cas de la construction et, pour La Poste, par le poids des responsables politiques», souligne-t-il.

Peter Hasler, directeur de l’Union patronale suisse, estime également que ces deux événements sont inhabituels: «Le cas de La Poste ne correspond pas aux règles habituelles du marché».

«Quant à l’accord dans le secteur de la construction, poursuit Peter Hasler, il fait suite à une situation exceptionnelle de rupture».

«Ces cas ne sont pas particuliers. Ils montrent bien au contraire que le syndicalisme reprend du poil de la bête», rétorque Jean-Claude Rennwald, membre du comité directeur de la FTMH (Syndicat de l’industrie, de la construction et des services).

Multiplication des licenciements

Reste que l’actualité récente est également marquée par l’acceptation par les citoyens suisses de la loi sur l’assurance chômage. Un objet pourtant combattu par les syndicats.

Le Jura bernois, lui, est encore secoué par l’annonce de nouveaux licenciements massifs chez Tornos, le fabricant de tours automatiques.

Ce même mois de novembre, la compagnie aérienne Swiss annonce la suppression de 300 postes de travail.

Et cela, sans compter les licenciements moins visibles dans le secteur bancaire ou celui des nouvelles technologies.

Pour Beat Kappeler, c’est bien là que réside le problème: «Les syndicats sont très peu présents dans les secteurs où se créent les nouveaux emplois et ceux où les salaires sont élevés.»

Même son de cloche du coté de Peter Hasler: «D’une manière générale, les syndicats perdent des membres et n’ont plus assez d’argent pour lancer des actions, ce que nous regrettons. Car nous avons besoins de partenaires sociaux forts.»

Un verdict qu’accepte en partie Ewald Ackermann: «Les syndicats peinent à s’introduire dans le secteur des services. Dans le secteur des banques par exemple, ils ne cessent de perdre des membres.»

Le porte-parole de l’USS reconnaît que, d’une manière générale, le nombre de personnes syndiquées diminue chaque année.

«Les personnes exerçant une activité lucrative, elles, augmentent», ajoute Ewald Ackerman.

Mutation de l’économie

Beat Kappeler souligne de son coté que les mutations à l’œuvre dans l’économie compliquent la tâche des syndicats. «Les entrepreneurs, en Suisse comme ailleurs, réorganisent rapidement leurs chaînes de valeur ajoutée. Toute les productions simples se déplacent hors d’Europe».

«Il n’y a littéralement plus matière à négocier, poursuit l’ancien syndicaliste, puisque, dans une économie post-industrielle, cette matière s’évapore.»

Pour expliquer les difficultés des syndicats, Paul Rechsteiner, directeur de l’USS, invoque, lui, les effets démobilisateurs de la crise économique actuelle et le climat de peur qu’elle engendre.

Les syndicats réagisssent

Pour autant, les syndicats n’entendent pas se laisser abattre. Jean-Claude Rennwald rappelle ainsi que le SIB et la FTMH ont lancé en septembre un projet de syndicat interprofessionnel qui permet de mieux toucher le secteur tertiaire.

Ewald Ackermann cite, de son coté, la création récente d’un syndicat actif dans les nouvelles technologies de l’information. «//syndikat» a en effet été lancé en janvier à Zurich avec le soutien du SIB, de la FTMH et du Syndicat de la communication.

Peter Hasler salue, de son coté, ces projets et l’ensemble des restructurations opérées par les syndicats: «Mais il est trop tôt pour savoir si cette stratégie est payante.»

swissinfo/Frédéric Burnand à Genève

– L’USS: 15 syndicats (380’000 membres)
– La FSE: 6 associations (45’000 membres)
– La CSC: 8 syndicats (l00’000 membres)
– L’UF: 9 syndicats (150’000 membres)dont 6 (135’000 membres) font aussi partie de l’USS.

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