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Lourdes peines pour deux jeunes violeurs à Zurich

Le procureur Daniel Kloiber devant la presse après l'annonce du verdict du Tribunal de district de Zurich. Keystone

Le Tribunal des mineurs de Zurich a condamné deux des participants aux viols collectifs de Seebach. Il a jugé les faits «très graves». Une spécialiste de prise en charge des victimes dit sa satisfaction de voir les délits sexuels condamnés avec la sévérité qui s'impose.

Les mots qu’un des deux accusés, casquette posée sur le crâne dès la fin de l’audience, a prononcés en sortant de la salle du tribunal de Zurich, sont de ceux qu’on interdit aux enfants. «Verdict de m…», a marmonné le jeune homme de 17 ans en réfrénant des gestes de colère.

Plus sobre, vêtu d’un complet à fines rayures dans lequel il n’avait pas l’air à l’aise, son co-accusé, déjà majeur au moment des faits, n’a en revanche pas dit un mot. Pendant l’énoncé du verdict, il regardait fixement la juge, déglutissant parfois péniblement.

Il y de quoi: le tribunal l’a reconnu coupable de viols multiples, d’actes d’ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance, d’actes d’ordre sexuel avec des enfants, d’abus de la détresse et de pornographie.

Les mêmes accusations ont été retenues contre le plus jeune accusé, à l’exception des actes d’ordre sexuel avec des enfants, un délit qui requiert une différence d’âge de trois ans. Le fait que les deux accusés aient agi ensemble alourdit la gravité des faits. En théorie, l’adulte risquait jusqu’à 20 ans de prison.

Cinq soirées en novembre 2006

Les deux hommes ont abusé d’une adolescente de 13 ans et demi lors de cinq soirées (quatre pour le plus jeune) en novembre 2006, au domicile des parents de l’accusé majeur, dans le quartier de Seebach, au nord de Zurich.

Treize garçons avaient été arrêtés le 16 novembre, déclenchant une tempête médiatique et politique. Un quatorzième homme, majeur, avait aussi été mis en cause. Excepté deux classements d’enquête, aujourd’hui exécutoires, des recours visant dix jeunes sont pendants.

«Non, c’est non!»

Pour les juges, «il est prouvé que les deux accusés ont, les deux premières soirées, exploité la détresse émotionnelle et sociale de la jeune fille, respectivement son lien de dépendance, pour obtenir un consentement à des actes sexuels.»

Lors de la troisième soirée, «il est pour la cour établi qu’ils l’ont violée à plusieurs reprises.» Les deux accusés avaient affirmé que l’adolescente de 13 ans et demi était consentante.

Ne quittant pas les deux hommes du regard, la présidente de la Cour Kathrin Bretschger Bitterli a alors mis les points sur les i: «Un non est un non, qu’il soit exprimé avec des mots ou par une résistance physique ou les deux en même temps, et il doit être respecté sans conditions, quel que soit l’âge de la victime ou sa vie jusqu’à ce moment-là.»

La Cour a donc suivi l’accusation, qui avait demandé 4 ans et demi de prison ferme, sur presque tous les points. Elle n’a en revanche pas retenu l’accusation d’incitation à la contrainte sexuelle, formulée contre l’accusé adulte.

«La sévérité qui s’imposait»

Selon Regula Schwager, psychologue et psychothérapeute à l’association Castagna à Zurich, qui accompagne et conseille quotidiennement de jeunes victimes de viols, «les peines prononcées sont très justes et contiennent la sévérité que les actes commis réclamaient. Ce jugement permettra de ne plus traiter les agressions sexuelles comme des bagatelles».

La peine a été réduite à 3 ans et demi contre l’adulte notamment parce que «les accusés ont été condamnés de manière anticipée par les médias et la police», a relevé la juge.

«Médiatiquement, les choses ne se sont sûrement pas déroulées comme elles l’auraient dû, admet Regula Schwager. Mais la condamnation anticipée de la victime par les médias et l’opinion publique est à mes yeux bien plus destructrice que celle des agresseurs. La manière dont elle a été jugée coupable de ce qui lui était arrivé est gravissime.»

Quant à l’accusé mineur, il restera en institution «aussi longtemps qu’il le faudra, mais au plus jusqu’à ses 22 ans». Des traitements psychothérapeutiques ambulatoires ont également été prescrits aux les deux hommes.

Les avocats recourent

Les avocats des deux accusés, qui avaient demandé l’acquittement, ont annoncé vouloir faire recours. «Le principe d’intentionnalité, nécessaire dans les affaires pénales, n’est pas prouvé», ont déclaré Severine Zimmermann et Albert Müller.

swissinfo, Ariane Gigon, Zurich

Le 16 novembre 2006, la police zurichoise arrêtait 12 garçons mineurs et un adulte de 18 ans soupçonnés d’être impliqués dans le viol, plusieurs soirs de suite, d’une écolière de 13 ans et demi dans la quartier de Seebach, à Zurich.

L’information donnée lors de la conférence de presse qui a suivi sera critiquée: les enquêteurs parlent d’agresseurs et non d’agresseurs présumés.

Le 4 décembre dernier, les juges d’instruction inculpent deux hommes, un majeur et un mineur. Ils classent l’enquête dans sept cas et ordonnent des mesures éducationnelles et thérapeutiques pour les autres mineurs visés par l’enquête.

Les avocats de la victime recourent contre le classement des enquêtes, ceux des accusés contre certaines mesures éducationnelles.

Fin mars, le Tribunal de district de Zurich tient le procès durant deux jours, à huis clos.

Le verdict est publié le 4 avril: l’accusé majeur écope de 3 ans et demi de prison ferme, le mineur d’une prolongation de son placement en institution, illimitée mais au plus jusqu’à ses 22 ans.

Tous deux doivent suivre un traitement thérapeutique et s’acquitter de 35’000 francs de dédommagement chacun envers la victime.

Les avocats ont annoncé qu’ils recourraient contre le verdict.

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