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Monika Stocker s’en va, la problématique des villes reste

De guerre lasse Monika Stocker, ici lors d'une conférence de presse fin janvier à Zurich, démissionne Keystone

La démission de Monika Stocker, responsable des affaires sociales de Zurich, met en lumière les difficultés des villes suisses au début du 21e siècle.

Face à de nombreux problèmes sociaux, les grandes cités ne veulent cependant plus être des «nobodies» dans le paysage institutionnel suisse.

Les attaques, la Zurichoise Monika Stocker en avait pourtant l’habitude. Depuis des années, la droite nationaliste (Union démocratique du centre – UDC) réclame sa démission.

Responsable du Département des affaires sociales de la plus grande ville de Suisse depuis 1994, l’écologiste personnifie à l’extrême tout ce que l’UDC déteste: un engagement déterminé pour les femmes, les requérants d’asile et les marginaux, dont elle pense qu’ils «méritent le soutien quasi illimité de l’Etat, lorsqu’on songe à tous ceux qui gagnent beaucoup d’argent»

Mais, mardi, Monika Stocker a fini par envoyer sa lettre de démission pour fin juillet. En congé-maladie, elle s’est dite lasse que les abus dans l’aide sociale ait monopolisé le débat politique. Des abus qu’elle a longtemps sous-estimés, reconnaissent même ses partisans.

«Troisième pouvoir»

Cette démission, si elle une défaite personnelle pour celle qui en est l’auteur, est peut-être aussi la défaite – ou tout au moins le signe d’un problème – d’un certain équilibre des forces institutionnelles en Suisse. Traditionnellement, villes et communes sont le troisième pouvoir, derrière la Confédération et les cantons.

Les villes ont les mêmes droits et devoirs que cantons et Confédération. Dans leurs zones de compétences, elles ont des parlements, des exécutifs, un pouvoir judiciaire. Leurs habitants peuvent lancer des initiatives et s’opposer à des lois par référendums.

Tout cela ne donnerait lieu à aucun accroc si les problèmes ne débordaient pas les frontières communales. Or ce n’est bien sûr pas le cas.

La scène de la drogue au Letten

Monika Stocker a dû y faire face très vite après son élection: Les problèmes des grandes villes concernent souvent tout le pays. Au Letten, la scène de la drogue de Zurich, que l’écologiste a contribué à faire fermer, les toxicomanes venaient de tout le pays.

L’aide sociale, qui a dû faire face dans les années 90 à un doublement du nombre de demandes à Zurich, est accordée aux habitants quelle que soit leur origine. Et les questions de transports et de mobilité – pour ne citer que ces exemples – ne concernent pas uniquement Zurich ou uniquement Genève: elles devraient pouvoir être régler en collaboration entre agglomérations.

Pour une politique sociale plus innovante, Monika Stocker a co-initié la Plateforme des villes. Les villes ont aussi lancé un Manifeste pour l’asile, pour unir leurs efforts et doper les idées.

Mais ces instances ne sont pas des institutions. En cas de décision à prendre, la ville se retrouve seule pour convaincre ses habitants. Cela prend du temps. Une lenteur qui devait irriter l’écologiste zurichoise, dont une députée socialiste dit qu’elle «allait trop vite, au risque de brusquer les gens, y-compris ses collaborateurs».

De fait, la Zurichoise a innové sur de nombreux terrains. Elle a réformé le financement des places de crèches, dont elle a plus que doublé le nombre.

Jobs à 1000 francs

Elle a donné plus de marges de manœuvre aux organisations d’aide aux requérants d’asile, crispant son camp politique. En collaboration avec l’économie, elle a créé des emplois pour les ces mêmes requérants et des «jobs à 1000 francs» pour les bénéficiaires de l’aide sociale.

La plupart de ces programmes ont passé le cap de votations populaires, nécessaires pour ancrer une politique en Suisse. Mais la dénonciation des abus a eu raison de Monika Stocker.

Pour l’écologiste, les propositions de la mairie de Zurich ne changeront rien: celle-ci a en effet émis le souhait que les villes soient capables de lancer et de faire aboutir des référendums (bloquages d’une loi votée par le Parlement fédéral si 50’000 personnes au moins s’y opposent).

Les grandes villes veulent aussi davantage de moyens pour faire passer leurs revendications auprès de la Confédération. C’est encore de la musique d’avenir.

swissinfo, Ariane Gigon, Zurich

Les villes sont le «3e pouvoir» institutionnel en Suisse.

Elles ont les mêmes compétences que les cantons et la Confédération, mais ces compétences ne concernent que leurs périmètres. Or les problèmes sont souvent importés des régions avoisinantes ou des campagnes.

Les villes financent en outre de nombreuses prestations dont profitent les périphéries. Elles réclament une répartition des charges plus équitable.

Près des trois quarts de la population suisse vite dans des villes (au-delà de 10’000 habitants).

La Suisse compte 133 villes (plus de 10’000 habitants) et 50 agglomérations (plus de 20’000 habitants), dont la plus importante –Zurich– dépasse le million d’habitants.

Au début des années nonante, la croissance de la population en régions rurales dépassait largement celle des villes. En 1998, la situation s’est inversée. Mais depuis 2000, la population des deux zones augmente en parallèle.

La population d’un canton comme Bâle-Ville est entièrement urbaine. Genève (99%), Zurich (95%), le Tessin (86%), Vaud (75%) ou Neuchâtel (75%) sont très urbains également là où Uri, Obwald ou Glaris sont entièrement campagnards.

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