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Nouvel échec à l’OMC

Pascal Lamy a assuré qu'il allait continuer à s'engager pour «un meilleur système commercial mondial». Keystone

Après neuf jours de pourparlers, la réunion de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) a débouché sur une impasse à Genève. Les Etats-Unis, la Chine et l'Inde n'ont pas réussi à s'entendre sur la question des importations agricoles.

«On avait 20 sujets à régler sur la liste, on en a fait 18, on est tombé sur le 19e», a déclaré le directeur général de l’OMC Pascal Lamy mardi soir.

Déplorant l’échec de l’ultime réunion des sept principaux négociateurs (Etats-Unis, UE, Brésil, Inde, Japon et Australie), présentée comme celle de la dernière chance, le Français a indiqué vouloir malgré tout continuer à s’investir «pour un meilleur système commercial mondial».

Au final, c’est le différend entre l’Inde et la Chine d’un côté et les Etats-Unis de l’autre qui a fait capoter les négociations.

Affirmant parler au nom de cent pays en développement, l’Inde a cherché jusqu’au bout à arracher des concessions aux pays industrialisés pour protéger des millions d’agriculteurs des pays du Sud d’une forte hausse des importations.

Or les Etats-Unis, ainsi que d’autres pays exportateurs, notamment latino-américains, sont eux hostiles à des mécanismes de sauvegarde limitant l’accès aux marchés agricoles des pays en développement en cas de risques sur leur sécurité alimentaire.

Les questions du coton, des bananes ou des produits industriels n’ont également pas pu être réglées.

Déception de tous les côtés

A l’issue de la réuion, la ministre américaine Susan Schwab a souligné qu’elle avait été «très décevante», tout en ajoutant que «des progrès très importants» avaient été accomplis. Elle a précisé que les Etats-Unis maintenaient les offres qu’ils avaient mis sur la table à Genève.

De son côté, le ministre indien du commerce Kamal Nath a souligné que la confiance placée par l’Inde dans l’OMC restait «intacte» et qu’il était certain que les différends pourront être surmontés.

«C’est un échec collectif dont les conséquences frapperont de manière disproportionnée les plus vulnérables», a quant à lui déploré le commissaire européen Peter Mandelson.

Du côté suisse, la ministre de l’Economie Doris Leuthard s’est aussi déclarée «très déçue», parlant d’un «mauvais signal». Elle s’est par ailleurs dite «très pessimiste» quant à une reprise des négociations en septembre et a souligné qu’après chaque échec, «le cycle de Doha est plus coûteux pour la Suisse».

La presse enterre Doha

Quant à la presse suisse, elle est unanime à constater la mort clinique du cycle de Doha. Car les efforts consentis depuis sept ans pour mettre en place un échange mondial de services et de biens ont subi un dommage «irréparable», comme le souligne le journal zurichois Tages Anzeiger.

Plus grave, et les quotidiens helvétiques sont nombreux à le souligner, cet échec fait planer une ombre sur d’autres projets à vocation multilatérale. Dans ces circonstances, un accord global sur la protection du climat par exemple est difficilement envisageable.

Ainsi, pour Le Temps, l’enterrement de Doha «interrompt la marche du multilatéralisme, qui organise des règles du jeu équitable pour tous les acteurs […]». De plus, «il laisse les pays les plus faibles à leur propre sort».

Pour la Neue Zürcher Zeitung, il s’agit ni plus ni moins d’un «fiasco» dû à une «inconscience collective». Mais le quotidien zurichois souligne aussi que la disposition de chacun des pays membres de l’OMC à faire des compromis était plutôt faible.

Quant au soulagement des milieux agricoles, la Berner Zeitung le juge déplacé car «les pressions des pays en développement et des pays émergents vont aller en s’accentuant».

Pas question pourtant de chercher des coupables. D’ailleurs, le Temps relève que Pascal Lamy était en fait confronté à une «mission impossible».

D’où, selon le journal, la nécessité d’adopter un autre système de gouvernance: «La leçon à retenir après sept ans de marchandage est que l’OMC ne peut plus continuer de cette manière.»

swissinfo et les agences

Les 153 Etats-membres de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) négocient depuis six ans et demi une plus grande libéralisation des échanges commerciaux dans le cadre du «Cycle de Doha».

Agriculture et produits industriels sont les deux dossiers qui ont occupé les négociateurs à Genève.

Dans le domaine agricole, les Etats devaient s’entendre sur des points-clés comme les réductions tarifaires, la diminution des soutiens internes ou le traitement des produits sensibles (produits qui bénéficieront d’exemptions par rapport à la formule générale de baisse des droits de douanes).

Mieux intégrer les pays en développement dans le commerce mondial et susciter l’essor du commerce sud-sud sont aussi des objectifs avoués de ce cycle, assimilé à un «round» du développement.

L’Union suisse des paysans (USP) s’est déclarée soulagée de l’interruption des négociations à l’OMC.

«Mieux vaut pas d’accord qu’un mauvais accord», a déclaré son président Hansjörg Walter.

Selon lui, «la situation qui prévalait au début des négociations en 2001 a complètement changé». Et de pointer du doigt la crise alimentaire et de la hausse des prix de l’énergie.

«Les agriculteurs suisses doivent faire preuve d’innovation. Il faut inventer des produits de qualité et ne pas compter uniquement sur le soutien financier de la Confédération», a pour sa part averti la ministre suisse de l’Economie Doris Leuthard.

Enfin les milieux économiques regrettent cet échec. Pour economiesuisse, une chance a été manquée à Genève.

Président de la Fédération des entreprises suisses, Gerold Bührer a déclaré qu’il s’agissait d’une «journée noire» pour l’économie suisse d’exportation.

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