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Un plan contre les menaces de chaos dans l’énergie nucléaire

Rédaction Swissinfo

Les centrales nucléaires suisses figurent parmi les plus vieilles du monde. Un accident pourrait avoir des conséquences catastrophiques. Les progrès des énergies renouvelables permettent à la Suisse de sortir du nucléaire sans menacer notre approvisionnement, écrit Nils Epprecht, de la Fondation suisse de l'énergie (SES).

Les catastrophes de Tchernobyl et de Fukushima ont montré que les accidents nucléaires sont une réalité. Dans un pays aussi densément peuplé que la Suisse, les conséquences seraient catastrophiques. Près d’un million de personnes pourraient être affectées et une grande partie du Plateau deviendrait inhabitable. La Suisse telle que nous la connaissons aujourd’hui n’existerait plus. 

Nils Epprecht a étudié les sciences de l’environnement à l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ). Il dirige le projet Courant & Atome de la Fondation suisse de l’énergie, une organisation indépendante qui, selon ses propres indications, s’engage depuis plus de quarante ans pour une politique énergétique respectant l’homme et l’environnement. Point de vue swissinfo.ch ouvre ses colonnes à des contributions extérieures choisies. Régulièrement, nous publions des textes d’experts, de décideurs, d’observateurs privilégiés, afin de présenter des points de vue originaux sur la Suisse ou sur une problématique intéressant la Suisse. Avec, au final, le souci d’enrichir le débat d’idées. energiestiftung.ch

Et pourtant, nous vivons environnés par le plus vieux parc de centrales nucléaires de la planète. Et la menace qu’elles représentent ne fait qu’augmenter avec le temps: des éléments essentiels à leur fonctionnement ne peuvent plus être remplacés et continuent simplement de vieillir. Même l’ISFN, l’autorité suisse de surveillance des centrales nucléaires, invite à ne pas sous-estimer ce phénomène. Aucune assurance au monde ne veut assumer les risques d’un accident nucléaire. En cas de contamination, les propriétaires d’immeubles et de terrains perdront à jamais leur capital. 

Les centrales nucléaires coûtent cher et, depuis longtemps déjà, elles sont déficitaires en raison de la surproduction d’électricité en Europe. Leurs exploitants sont au bord de la ruine. Pourtant, ils ne les arrêtent pas, plaçant leurs espoirs dans des prix irréalistes et dans l’intervention de l’Etat salvateur à coup de subventions payées par les contribuables. Pendant ce temps, les centrales continuent de produire des déchets nucléaires extrêmement dangereux. Le financement de leur élimination future n’est certainement pas réglé si l’on considère les contributions bien trop faibles que les exploitants paient pour cela. Dans le monde entier, la construction de nouvelles centrales a été stoppée ou reportée parce qu’elles sont trop chères. Seules les puissances nucléaires sont encore prêtes à les financer dans le cadre de leur production d’armes nucléaires. 

Un plan est indispensable 

Les sondages menés au cours des dernières années montrent que la population, à gauche comme à droite, est en majorité prête à soutenir une sortie du nucléaire. Mais le Parlement ne veut pas de plan contraignant. C’est ce que fait l’initiative. Elle fixe l’arrêt échelonné des cinq centrales qui se trouvent en Suisse. En 2017 pour Beznau 1 et 2 et pour Mühleberg, qui sont déjà trop vieilles. En 2024 pour Gösgen et en 2029 pour celle de Leibstadt. Beznau 1 est déjà arrêtée provisoirement pour des raisons de sécurité depuis mars 2015. 

Ce plan clarifie la situation politique, désengorge le réseau et offre une certaine sécurité aux milieux économiques pour leurs investissements dans les centrales de substitution qui seront nécessaires. La désaffection planifiée des centrales nucléaires accélère le développement des énergies renouvelables et stimule l’efficacité énergétique. 

Les centrales nucléaires vieillissantes sont toujours moins fiables et représentent un risque accru pour la sécurité de l’approvisionnement énergétique. Au cours des dernières années, la part du courant d’origine nucléaire dans le mix de production d’électricité n’a cessé de baisser. Elle s’élève aujourd’hui encore à 33%. Si nous la remplaçons par les énergies renouvelables venant du soleil, du vent et de la biomasse (bois et déchets), notre alimentation énergétique sera plus indépendante. Elle sera aussi plus fiable en raison d’une production décentralisée. 

Il y a déjà des alternatives 

Au cours des dernières années, les énergies renouvelables se sont suffisamment développées pour nous permettre de débrancher les trois plus vieilles centrales nucléaires. Il est tout à fait possible de franchir une nouvelle étape d’ici 2029, comme l’ont montré des pays tels que le Danemark, le Portugal et l’Allemagne. 

L’industrie hydraulique suisse profitera aussi de cette évolution: elle gagnera en valeur parce qu’elle peut stocker les surplus d’énergie renouvelable. La société nationale pour l’exploitation du réseau Swissgrid confirme pour sa part que la Suisse est extrêmement bien positionnée pour la transition énergétique. Aucun pays n’est mieux intégré que la Suisse dans le réseau électrique européen. Et les prix bas montrent qu’il y a bien trop de courant sur le marché. Il est parfaitement faux de prétendre, comme le font les opposants, qu’une pénurie d’électricité nous menace. 

De nombreuses entreprises investissent déjà dans l’avenir énergétique. Les communes et les particuliers sont prêts à apporter leur contribution. Ensemble, ils créent des emplois et des places d’apprentissage et ils génèrent des revenus dans toutes les régions du pays. Des études indépendantes estiment que la transition énergétique pourrait créer jusqu’à 85’000 nouvelles places de travail. Mais, aussi longtemps que l’industrie nucléaire profitera de subventions croisées pour submerger le marché, personne ne sera prêt à développer les centrales de substitution. 

Si vous voulez assurer la sécurité et la fiabilité de l’approvisionnement en électricité à l’avenir, il faut aller de l’avant et dire Oui le 27 novembre. La sortie du nucléaire doit être inscrite dans notre Constitution.

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Traduction de l’allemand: Olivier Hüther

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