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Votation du 13 juin: la journée des extrêmes

Avec le non à la loi sur le CO2, il n'y aura pas de taxe sur le pétrole, l'essence et les autres carburants dans un avenir proche. Keystone

Que s'est-il passé en Suisse dimanche dernier? Ce qui est remarquable, c'est la forte mobilisation et le profond fossé entre les villes et les campagnes. Pour l'analyste politique Claude Longchamp, il est également clair qu'à la suite de la pandémie de Covid-19, la Suisse vote un peu plus à droite.

59,7 %! C’est le taux de participation aux votations du 13 juin. Quiconque comprend le fonctionnement de la démocratie directe en Suisse sait que ce chiffre est considérable.

C’est le cinquième taux de participation le plus élevé jamais enregistré. Par ordre décroissant, les votations qui recensent les participations les plus élevées sont: l’adhésion à l’EEE en 1992, la «surpopulation étrangère» en 1974, l’abolition de l’armée et les limitations de vitesse sur les routes suisses en 1989 et enfin celle «pour le renvoi effectif des étrangers criminels (initiative de mise en œuvre)» en 2016.

“Le taux de participation n’a guère surpris les experts, qui sont conscients du fait que la crise sanitaire a fortement politisé la Suisse.”

Mais le taux de participation n’a guère surpris les experts, qui sont conscients du fait que la crise sanitaire a fortement politisé la Suisse. Il y a moins d’un an, le Baromètre des préoccupations du Credit Suisse le constatait également. De plus, cinq projets fédéraux le même jour de votation mobilisent plus de personnes qu’un seul, car chaque proposition attire une clientèle spécifique dans les bureaux de vote.

Ce qui est surprenant, en revanche, c’est le profil des participantes et participants. Il y a environ 9 mois, le super dimanche de votations a attiré 59,5% de personnes aux urnes. Des analyses ultérieures ont montré que c’est principalement la population urbaine qui a voté. Les femmes, les jeunes et les classes les plus éduquées se sont joints à eux. Cela a favorisé le centre et la gauche.

Il n’y a pas encore d’étude comparable pour le 13 juin. Mais les résultats cantonaux suggèrent que cette fois-ci, c’est l’inverse. La Suisse rurale s’est fortement mobilisée et avec elle le camp bourgeois.

Cette théorie est soutenue par une analyse du taux de participation par commune réalisée par l’institut de recherche gfs.bern. Il a étudié l’impact de la participation accrue de dimanche. Résultat: là où la mobilisation a été la plus forte, les gens ont voté plus que la moyenne contre la loi sur le CO2 et contre les deux initiatives agricoles. La Suisse rurale est désormais fortement mobilisée et avec elle le camp bourgeois.

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L’extrême fossé villes-campagnes

Tard dimanche soir, l’Office fédéral de la statistique a publié les résultats par type d’habitat. Plus l’indice est élevé, plus le fossé entre la Suisse rurale et urbaine est profond. Et c’est là que cela devient surprenant.

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Le schéma a été similaire – et extrême – pour chacune des trois propositions environnementales. La loi sur le CO2 a révélé l’écart le plus important, suivi par l’initiative sur l’eau potable et celle sur les pesticides.

Les antagonismes villes-campagnes sont généralement attribués à la mondialisation. Les pans internationalistes et nationalistes de la société s’opposent les uns aux autres. En 2016, le sujet a fait l’objet d’une couverture médiatique particulièrement importante.

Le fossé a commencé à se creuser au Royaume-Uni. Lors du Brexit, les zones rurales, les générations plus âgées et les classes sociales inférieures ont voté pour la rupture avec l’UE. Les villes, les jeunes et les classes sociales supérieures voulaient rester.

Cette problématique a également été soulevée lors de l’élection de Donald Trump aux États-Unis. Les républicains conservateurs ont mobilisé les zones périphériques, les démocrates libéraux les centres urbains. Donald Trump a remporté l’élection de 2016 parce que les démocrates se sont affaiblis dans les anciens bastions qui avaient subi un déclin économique. En 2020, cette tendance s’est partiellement inversée.

Il est frappant de constater que les communautés rurales ont clairement rejeté les trois propositions, alors que la majorité des grandes villes a dit oui à trois reprises. Les agglomérations et les zones avec de petites villes ont joué un rôle décisif. Cette fois, elles ont penché du côté de la campagne. Ou, pour le dire autrement, les grands centres urbains ont été politiquement isolés lors de ce week-end de votations.

“Les grands centres urbains ont été politiquement isolés lors de ce week-end de votations.”

Une comparaison avec tous les votes qui ont été évalués selon cette grille depuis 2018 montre à quel point ce clivage était important: un écart de 29 points de pourcentage (à attribuer à la loi CO2) n’avait encore jamais été atteint. On devait les records précédents à des initiatives sur le logement notamment.

Les raisons du fossé villes-campagnes

J’ai demandé à Markus Freitag, professeur de sociologie politique à l’Université de Berne, quelles en étaient les causes. Selon lui, les antagonismes entre ville et campagne sont généralement moins prononcés en Suisse que dans d’autres pays, notamment les États-Unis. Mais ils frappent toujours fort «lorsque le mode de vie des différentes parties de la campagne est en jeu».

À la campagne, les propriétaires de maisons sont plus nombreux, de même que les propriétaires de voitures individuelles. Et les trois projets de loi sur l’environnement touchaient ces aspects.

“Pour ceux qui ont voté non, la loi sur le CO2 était une attaque contre la classe moyenne.”

Un sondage publié lundi montre comment la loi sur le CO2, par exemple, a été perçue. Pour ceux qui ont voté non, il s’agissait d’une attaque contre la classe moyenne, sans effets positifs sur le problème climatique, mais à l’avantage de la politique de la gauche et des verts.

Le «non» retentissant des campagnes à la loi sur le CO2 n’a donc pas nécessairement reflété des convictions politiques. Car les partis bourgeois du centre, Le Centre et le Parti libéral-radical (PLR), étaient favorables à ce projet. Mais c’est précisément dans les campagnes qu’ils ont eu du mal à convaincre leur électorat.

Premier bilan

On peut certainement voir ce dimanche comme un possible point de basculement dans la période législative actuelle. Le résultat des élections de 2019 a été au moins partiellement corrigé hier. Dans la période post-corona, le centre gauche et la gauche continuent d’être déterminés par le vote climatique, tandis que le centre droit et la droite sont plus préoccupés par l’avenir de l’économie et des finances de l’État.

Le gagnant du jour est sans nul doute l’UDC. Dans l’actuelle législature, le parti faiseur de tendance n’est plus le parti Vert’libéral, c’est maintenant Le Centre. Cela signifie que la Suisse s’est décalée vers la droite hier, comme elle l’a fait globalement depuis les dernières élections.

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