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Chaude lutte électorale, mais sans grand contenu

Patriotisme recyclé: les socialistes présentent leur dernière affiche électorale. Keystone

Chaud, l’été ne l’est pas seulement côté météo, mais aussi sur le plan politique. Entre attaques personnelles et slogans choc, le ton de la campagne se fait inhabituellement virulent.

Sur les questions de fond en revanche, le contenu reste bien maigre.

Les citoyens suisses sont préoccupés. Selon le dernier sondage réalisé par l’Institut GfS, leur inquiétude provient avant tout de l’avenir incertain des assurances sociales et du système des retraites.

Sans oublier les soucis liés à la conjoncture économique morose et à l’accroissement du chômage qui en résulte. Autant dire que ce ne sont pas les thèmes de campagne électorale qui manquent… ou plutôt qui manqueraient.

Attaques et provocations

Car pour le moment, ce ne sont ni la politique économique ni le subtil fonctionnement des institutions qui dominent la scène. Bien au contraire: l’agenda estival est plutôt rempli d’accusations, de contre-accusations, d’attaques personnelles et de provocations.

Il y a quelques semaines, le Parti socialiste attaquait le ministre démocrate-chrétien de l’Economie avec une affiche proclamant «200’000 personnes cherchent du travail, et le PDC Deiss va se baigner.»

La semaine dernière, le PDC s’est «vengé» en critiquant ouvertement Moritz Leuenberger, ministre socialiste des Transports, au sujet des graves lacunes relevées dans le secteur de la sécurité aérienne.

Et de son côté, la section saint-galloise de l’Union démocratique du centre (UDC, droite nationaliste) fait parler d’elle en proposant une affiche qui proclame «nous les Suisses devenons de plus en plus des nègres» et montre le visage d’un homme avec un anneau dans le nez.

L’Europe «oubliée»

A l’image de ce qui se passe déjà depuis longtemps dans les autres pays d’Europe, le débat politique helvétique serait donc en train de se durcir et de se personnaliser. Jacques Pilet, éditorialiste au magazine romand L’Hebdo, y voit «quasiment un signe de normalisation de la Suisse.»

Peut-on pour autant parler d’une nouvelle tendance? «Les élections sont encore loin, il est donc un peu tôt pour le dire», rappelle la politologue Sibylle Hardmeier.

Pour elle, cette campagne qui démarre plus vigoureusement que d’habitude, ne devrait pas tarder à reprendre un tour plus conforme à la tradition.

A voir… avec l’approche de la date des élections, les tensions pourraient aussi augmenter. Même la sacro-sainte «formule magique» qui préside à la composition du gouvernement pourrait ne pas y survivre.

Toute cette agitation n’impressionne pas vraiment Jacques Pilet, qui y voit d’abord «un reflet de l’inquiétude des Suisses.»

«Dans ce climat de mal-être diffus, les partis sentent le besoin de durcir leurs attaques et d’alimenter la polémique, estime l’éditorialiste. Mais il s’agit surtout d’un moyen pour éviter les vrais débats.»

Ainsi, Jacques Pilet se dit «sidéré» de voir qu’aucun parti aujourd’hui n’aborde ce qu’il considère comme «la question essentielle», à savoir les rapports futurs entre la Suisse et l’Union européenne.

Le consensus mis à mal

«La culture politique suisse est marquée par la recherche du compromis, du consensus», relève Sybille Hardmeier. Pour la politologue, la plupart des gens continuent à croire à ces valeurs et il est possible que les électeurs sanctionnent au final ceux qui abuseront d’un style trop agressif.

Un point de vue que partage Jacques Pilet. «Il s’agit de méthodes dictées par les conseillers en communication des partis, mais je crois que la population n’aime pas cette façon de faire de la politique», juge l’éditorialiste.

Malgré cela, l’UDC et les socialistes, soit les deux partis qui se sont fait remarquer ces derniers temps en haussant le ton, continuent à caracoler en tête des sondages électoraux. Et à occuper les premières pages des journaux.

A propos, quelle est leur responsabilité dans tout ce tapage? «Les médias thématisent la campagne elle-même au lieu de s’intéresser à ses thèmes», accuse Sibylle Hardmeier.

Jacques Pilet admet de son côté que la couverture médiatique de la campagne est un peu superficielle, mais il en rejette la responsabilité principale sur les partis. Pour l’éditorialiste, ce sont eux qui en ce moment «choisissent de ne pas affronter les problèmes concrets.»

Le débat reste ouvert. Ce qui est sûr par contre, c’est que la bagarre pour le renouvellement des Chambres fédérales du 19 octobre a bel et bien commencé.

swissinfo, Marzio Pescia
(traduction, Marc-André Miserez)

– Selon le dernier sondage de l’hebdomadaire dominical SonntagsBlick, l’UDC (droite dure) reste le premier parti de Suisse, avec 25,3% d’intentions de vote

– Suivent le Parti socialiste (23%), le Parti radical (centre-droit, 19%) et le Parti démocrate-chrétien (14,3%)

– Le renouvellement des deux chambres du parlement est prévu pour le 19 octobre. Il sera suivi en décembre de la réélection du gouvernement, par les chambres.

– Pour la première fois depuis 1959, la «formule magique» qui préside à la formation de l’exécutif est sérieusement remise en cause

– Depuis 44 ans, le gouvernement fédéral est composé des deux radicaux, deux socialistes, deux démocrates-chrétiens et un UDC

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