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«Ici, nous sommes aussi des étrangers»

Le ministre allemand des Affaires étrangères Guido Westerwelle arbore un badge qui célèbre l’amité entre la Suisse et l’Allemagne. Keystone

Qu’est-ce qui différencie un électeur suisse en Allemagne d’un électeur resté au pays? Pour le savoir, swissinfo.ch s’est rendu auprès de l’Association suisse de Munich. Première constatation, ces expatriés s’irritent de l’atmosphère germanophobe que la droite dure instille en Suisse.

«S’il y a une atmosphère hostile aux étrangers en Suisse, cela me fait mal, déclare Karoline Frauenlob, une Suissesse qui vit à Munich et s’est engagée dans l’Association suisse locale. Ici, nous sommes aussi des étrangers». Lors des élections fédérales d’octobre, celle-ci ne votera donc pas pour l’Union démocratique du centre (UDC / droite dure), à qui elle reproche de polémiquer contre les étrangers.

Ses connaissances allemandes lui parlent souvent de l’ambiance hostile qui règne en Suisse vis-à-vis des Allemands. «Ils ne veulent vraiment pas de nous», lui dit-on. Les Allemands ne comprennent pas qu’on les fasse venir, par exemple comme médecins ou infirmières dans les hôpitaux, pour les traiter ensuite de manière hostile.

«Je suis pour que l’on peaufine les accords bilatéraux. Et surtout pour qu’on ne les dénonce pas. Ce serait le pire que ce que l’on pourrait faire», déclare Karoline Frauenlob.

Affiches agressives

Secrétaire de l’association, Verena Typelt est elle aussi dérangée par la polémique contre les étrangers en Suisse. «Je suis souvent en Suisse, où j’ai beaucoup de parenté. Lorsque je vois les affiches agressives de l’UDC, à Zurich, je suis surprise», témoigne-t-elle.

Ses amis allemands lui racontent qu’ils ont de la peine à s’intégrer en Suisse. «Mais les Allemands de Suisse devraient davantage se mettre à l’heure suisse. Ils ne peuvent pas tout simplement transposer en Suisse la mentalité qu’ils ont en Allemagne», estime-t-elle cependant.

Elle-même a d’ailleurs dû s’adapter lorsqu’elle est venue en Allemagne. «Les Allemands de Suisse ne peuvent pas s’attendre à ce que l’on parle le bon allemand. Pas plus qu’ils ne pourraient s’attendre à ça en France».

Quoi qu’il en soit, tout comme sa collègue Karoline Frauenlob, Verena Typelt estime que prendre le risque que les accords bilatéraux soient résiliés n’est pas du tout une bonne idée. «La Suisse s’isolerait encore plus. Tout deviendrait beaucoup plus cher. Les exportations en souffriraient; il ne s’agit pas seulement de chocolat et de vin», craint-elle.

Trop xénophobe

Suissesse résidente à Ulm, Gabriela Marti est également d’avis que cette polémique sur les étrangers nuit à la Suisse. «Pour moi, l’UDC est trop xénophobe et trop unilatérale, dit-elle. Je crois que les autres partis ont remarqué trop tard qu’il y a vraiment un problème». Elle espère donc que l’UDC ne gagnera pas encore de nouvelles parts de l’électorat lors des prochaines élections.

Dans beaucoup de journaux allemands, la Suisse a tendance à être représentée comme un pays resquilleur. «Personnellement, je ne le pense pas, déclare Gabriela Marti. La Suisse donne aussi des choses en retour. L’Union européenne piétine un peu la Suisse. Le litige fiscal, par exemple, a été exagéré», juge-t-elle.

Gabriela Marti apprécie tout particulièrement les instruments de la démocratie directe en Suisse. «En Allemagne, on a parfois le sentiment que les gens n’ont rien à dire. En tant que suisse, cela me frappe». Elle prend l’exemple d’un grand projet de construction de routes et d’immeubles à Stuttgart (Stuttgart 21), qui a provoqué beaucoup de résistance parmi la population. «On a vu là qu’un peu plus de participation, ça ne serait pas mauvais».

Glissement vers les Verts

Vice-président de l’Association des Suisses de Munich, Albert James Küng ne veut pas dévoiler qui il soutiendra lors des élections fédérales. Mais il s’attend, comme dans le Bade-Wurtemberg, à un glissement des électeurs en direction des Verts. Pour lui, la politique énergétique sera en effet un thème dominant de la campagne.

«La question est de savoir si les partis qui s’occupent de ces thèmes sont capables de gérer le tout à long terme, dit-il. Cette opinion est naturellement aussi marquée par mes expériences en Allemagne. Mais il faut donner une chance aux nouveaux responsables.»

Quant aux accords bilatéraux, Albert James Küng ne les sent pas très menacés. «La Suisse a toujours eu un paysage politique très varié, ce qui a développé son sens du consensus. Et si quelque chose devait aller dans la mauvaise direction, les Suisses seraient en position de le corriger. La Suisse a à chaque fois su s’aider elle-même», conclut-il.

Le manifeste englobe les principales revendications politiques de la Cinquième Suisse:

Créer une loi pour les Suisses de l’étranger.

 

Faciliter l’exercice des droits politiques depuis l’étranger (vote électronique, participation à l’élection de la Chambre haute)

 

Favoriser la mobilité internationale des expatriés (accords sur la libre circulation des personnes, élimination des obstacles).

 

Encadrement consulaire adéquat (réseau consulaire suffisant, développement de la cyber administration).

 

Développer la communication avec la 5e Suisse (Revue Suisse, swissinfo.ch, SwissCommunity).

 

Consolider le Conseil des Suisses de l’étranger en tant qu’organe représentatif de la 5e Suisse.

Renforcer et développer la présence et la participation internationales de la Suisse.

(Traduction de l’allemand: Olivier Pauchard)

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