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La 5e Suisse défend la libre circulation becs et ongles

Sur 78 délégués, 65 ont voté en faveur de la motion défendant la libre circulation des personnes. Philipp Zinniker

«La libre circulation n’est pas à sens unique.» C'est le résumé de la motion plébiscitée avec 65 de voix contre 3 par le parlement des Suisses de l'étranger, vendredi à Lugano. Et d'appeler le monde politique à se montrer «responsable» face à cet enjeu important des élections fédérales d’octobre.

Les membres du Conseil des Suisses de l’étranger (CSE) étaient réunis au Palais des Congrès de Lugano pour une session d’été importante puisqu’elle se tient à quelques semaines des élections fédérales d’octobre.

La campagne électorale bat son plein et la question des relations avec l’Union européenne (UE), et surtout celle de la libre circulation des personnes (LPC) sont au premier plan des thèmes de campagne. Surtout depuis que l’Union démocratique du centre (UDC, droite conservatrice), a lancé un référendum pour demander la résiliation, puis la renégociation de l’accord de LPC conclu avec l’UE.

Expatriés «courtisés»

Plus de 60% des expatriés vivant dans les pays de l’UE, ce thème les touche de très près et les débats l’ont démontré, comme on pouvait s’y attendre. Du reste les partis politiques ne s’y sont pas trompés, puisque leurs représentants ont fait le voyage de Lugano en nombre pour débattre avec les électeurs du «27e canton» qui, après tout, représentent 10% de la population suisse.

Non sans malice, Jacques-Simon Eggly, président de l’Organisation des Suisses de l’étranger (OSE), a relevé à quel point l’OSE est «courtisée» cette année: «On n’a jamais vu autant de candidats aux élections fédérales, notamment l’UDC qui a fait un effort considérable vis-à-vis des Suisses de l’étranger cette année». Et de se réjouir d’avance…«si les élus n’oublient pas un seul jour la 5e Suisse pendant les quatre ans qu’ils passeront au parlement pour la prochaine législature».

En ouvrant le débat, Jacques-Simon Eggly a indiqué que les Suisses sont les champions de la mobilité: «Nos chiffres indiquent 7 millions de voyages hors de Suisse, le même qu’à partir de la France, qui a dix fois plus d’habitants. Le nombre de Suisses de l’étranger continue d’augmenter et les gens sont de plus en plus mobiles. Et cela demanderait une stratégie adéquate du Département fédéral des affaires étrangères.»

Allusion aux fermetures de consulats décidées ces dernières années et dont l’OSE se plaint haut et fort.

«Des affiches aux relents peu agréables»

Certains des représentants de l’OSE à Lugano, à l’instar de Jean-Paul Aeschlimann (France), ont exprimé leur surprise en arrivant en Suisse face «aux couleurs des affiches électorales aux relents peu agréables». Allusions aux affiches de l’UDC montrant des bottes noires foulant un tapis rouge à croix blanche en forme de Suisse.

L’Union démocratique du centre, 1er parti politique du pays, présente du reste un nombre record, une cinquantaine, de candidats suisses de l’étranger aux élections fédérales 2011. Plusieurs d’entre eux étaient présents à Lugano.

Pour sa part, John McGough (Hongrie), a exprimé ses craintes face à la montée de la criminalité: «Nous n’exportons pas la criminalité mais nous, Suisses, nous respectons au contraire les lois de nos pays d’accueil.» Et de se dire «contre la LCE et pour la réinstauration des frontières pour protéger notre pays qui souffre d’un déséquilibre puisqu’il compte 1,7 million d’étrangers en Suisse et  nous ne sommes que 700’000 expatriés suisses».

Karl Frei (Mexique) a rappelé que certains fleurons industriels (pharmaceutique, horlogères, machines) ont été créés par des réfugiés allemands, anglais ou français, «alors que nous, Suisses n’étions encore que de pauvres paysans». Sans oublier tous ceux qui, plus récemment, ont participé à la construction des grands ouvrages, routes, tunnels ou barrages».

«J’ai un problème avec ceux qui veulent profiter des avantages sans rien donner en retour. Du reste l’immense majorité des expatriés ne sont pas des ‘richards’ mais des gens qui sont bien contents d’avoir la possibilité de travailler dans leur pays d’accueil», a ajouté M. Frei.

«Scier la branche sur laquelle on est assis»

De son côté, Ulrich Schwendimann (Pologne) évoque l’époque d’avant la LCE, les queues interminables pour obtenir des documents, tout ce qui fait que «la bureaucratie n’est qu’un gaspillage de temps». «J’ai subi l’absence de liberté de circulation et je sais qu’il faut la défendre.»

Ulrich Schwendimann a reconnu que «personne n’adhère à 100% à la LCE» mais la Suisse se porte bien, malgré des problèmes tels que la raréfaction des logements, mais j’ai tendance à faire confiance pour qu’elle trouve des solutions».

Hostile à la LCE, Roman Rauper (Japon) ne voit au contraire aucun problème de «devoir remplir quelques formulaires pour obtenir quelques documents d’identité. La circulation est bidirectionnelle et, si les étrangers qui viennent chez nous doivent respecter nos règles, nous respectons aussi les lois des pays étrangers.»

Autre avis, celui de Elisabeth Michel (Allemagne): «ceux qui essaient de supprimer la LCE scient la branche sur laquelle ils sont assis. La Suisse connait les mêmes problèmes que les pays de l’UE et aurait plus de peine à les résoudre en supprimant la loi».

Mme Michel a surtout averti que «l’UE ne sera jamais disposée à rediscuter l’accord sur la libre circulation et que, si cet accord est rejeté, cela ferait tomber tous les autres accords bilatéraux, même si l’UDC affirme qu’elle ne croit pas à ce qu’on appelle ‘l’effet guillotine’».

E-voting et lois sur les expatriés

Les débats ont aussi porté sur l’état des lieux du projet de vote électronique, projet qui progresse lentement, mais devrait être opérationnel pour les prochaines élections fédérales en 2015, selon le président de l’OSE.

Thème très spécifiquement lié aux préoccupations des Suisses de l’étranger, il a aussi été question de la création d’une loi sur les Suisses de l’étranger, à l’initiative de Filippo Lombardi, conseiller aux Etats (sénateur) démocrate-chrétien et membre du CSE. Loi qui «assurerait une stratégie générale de la Confédération sur toutes les questions relatives aux expatriés».

En fin de débats, ces thèmes ont également nourri une table ronde politique en vue des élections avec des représentants des partis gouvernementaux venus défendre leur vision. Mais aussi la question nucléaire, le franc fort ou le plan d’urgence de 2 milliards promis par le Conseil fédéral.

Le Congrès 2011 des Suisses de l’étranger, se déroule du 26 au 28 août à Lugano.

Le 26 août, le Conseil des Suisses de l’étranger a adopté une motion en faveur de la libre circulation des personnes (texte ci-dessous) avec 65 voix, 3 non et 5 abstentions.

Il s’est penché sur d’autres thèmes des élections fédérales, avec la participation de  représentants des principaux partis.

Le 27 août, la session plénière – ouverte à tous les intéressés – sera consacrée à «La démocratie directe dans le contexte international». En présence de la conseillère fédérale Doris Leuthard.

Le Congrès 2012, le 90e ! se tiendra du 17 au 19 août à Lausanne, au Palais de Beaulieu. Thème: «La libre circulation des savoirs – La Suisse à l’heure des défis internationaux», en évoquant notamment les questions d’innovation et de mobilité.

«420’000 Suisses vivent dans l’Union européenne. Grace à la libre circulation des personnes, ils y bénéficient des mêmes droits que les ressortissants des pays de l’UE.  Le Conseil des Suisses de l’étranger souhaite rappeler que la libre circulation ne se fait pas à sens unique mais que les Suisses aussi en profitent en s’expatriant dans l’UE. De plus en plus de jeunes font d’ailleurs usage de cette liberté pour acquérir une expérience à l’étranger. Dans un monde d’interdépendance globale, dans lequel les échanges internationaux sont une évidence, la libre circulation des personnes et de la main d’œuvre  est une nécessité pour permettre la prospérité. Ceci vaut pour l’économie mais aussi pour la science, la recherche et la culture. Dès lors, le CSE demande aux partis politiques de tenir compte de cette réalité et d’agir de manière responsable en faveur du maintien et du développement de cet indispensable acquis qu’est la libre circulation des personnes.»

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