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La guerre ne devrait pas s’éterniser

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L'attaque menée par les Etats-Unis contre l'Irak devrait logiquement durer entre deux et trois semaines. C'est l'avis d'Albert Stahel, expert suisse en stratégie militaire.

Mais, pour le professeur zurichois, en cas d’attaque terrestre, les pertes civiles seront lourdes.

Pour Albert Stahel, professeur à l’Académie militaire de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ), l’invasion anglo-américaine prendra la forme d’une offensive terrestre de grande envergure.

Mais, ajoute le professeur interrogé par swissinfo à la veille du déclenchement des opérations, avant de lancer leurs troupes sur l’Irak, les Américains et leurs alliés doivent procéder à une série de bombardements contre des objectifs stratégiques.

«La destruction des palais présidentiels ne sera certainement pas un problème, explique Albert Stahel. Le Pentagone sait exactement où ils se trouvent… Mais, bien sûr, il est évident que le président Saddam Hussein n’y sera pas.»

Ainsi, le premier problème des Américains et des Britanniques sera de «trouver Saddam dans l’un de ses bunkers et comment le détruire.»

200 000 hommes pour prendre Bagdad

Selon la plupart des experts militaires, les premiers bombardements devraient être suivis d’une série d’offensives contre certaines concentrations de troupes irakiennes.

«Les marines et l’armée de terre se déploieront à partir du Koweit au sud et de la Turquie au nord. Et, prévoit Albert Stahel, ils s’en prendront d’abord à la Garde républicaine, le corps d’élite de l’armée de Saddam Hussein.»

L’expert suisse estime que cette offensive au sol pourrait mobiliser quelque 200 000 soldats américains et britanniques, avec pour mission ultime d’atteindre et de prendre Bagdad.

Toujours d’après Albert Stahel, les troupes terrestres devraient entrer en action un ou deux jours après les premiers bombardements.

Dans cette première étape de la campagne, une des priorités du Pentagone sera de détruire ou de paralyser les infrastructures vitales de l’Irak.

«Ils commenceront par l’approvisionnement en énergie de l’armée irakienne, et de tout le pays, estime Albert Stahel. En visant les centrales énergétiques, ils détruiront également les systèmes d’approvisionnement en eau. Ceci amènera les gens à fuir les villes, ce qui créera le chaos.»

L’expert suisse ne le cache pas: cette stratégie a son prix en vies humaines. «Avec les coupures d’eau et d’électricité et les combats de rue, il y aura des victimes civiles. Combien? Cela dépend de la durée de la guerre, mais ce pourrait être 2000 personnes, ou 4000, ou même plus.»

Ce ne sera pas une seconde «Tempête du désert»

Albert Stahel souligne également que les priorités du président George Bush junior sont bien différentes de celles de son père lorsqu’il lança, en 1991, l’opération «Tempête du désert», en représailles à l’invasion du Koweit par l’Irak.

«Lors de la première Guerre du Golfe, nous avons vu des bombardements massifs contre les troupes irakiennes au Koweit, rappelle l’expert suisse. Cette fois, les bombardements seront plus stratégiques. Et ils seront suivis par une vaste offensive terrestre contre Bagdad.»

Et d’ajouter que les opérations ne se limiteront pas aux abords du Koweit. Mais qu’il s’agira d’un mouvement bien plus vaste, avec pour but ultime le contrôle de tout le pays.

Pour faire face à cette offensive, les experts militaires estiment que l’Irak dispose d’une armée plus faible et moins efficace qu’elle ne pouvait l’être il y a douze ans.

«L’armée de Saddam n’a plus la même puissance. Elle est mal équipée et le moral des troupes est plutôt bas», constate Albert Stahel.

Entre deux et trois semaines, peut-être plus.

Peu d’experts se risquent à prédire combien de temps va durer cette guerre. Pour sa part, Albert Stahel estime qu’il serait bien optimiste de tabler sur une campagne de moins de deux semaines.

«Il faut tenir compte de nombreux facteurs, explique l’expert suisse. Si les Américains n’arrivent pas à localiser rapidement Saddam, si les champs pétrolifères brûlent ou si l’on fait usage d’armes chimiques, la campagne pourrait durer quatre à six semaines.»

«Mais, confie-t-il, pour moi, cette guerre ne devrait pas durer plus de deux à trois mois au maximum.»

Albert Stahel avertit également qu’Américains et Britanniques ne pourront pas éviter les pertes dans leurs rangs. «Sans recours à l’arme chimique, on peut s’attendre à 300 voire 400 soldats tués.»

«Mais, conclut l’expert, si l’arme chimique est engagée, le bilan pourrait être bien plus lourd.»

swissinfo, Ramsey Zarifeh
(traduction: Marc-André Miserez)

– Albert Stahel, expert suisse en stratégie, estime que la guerre en Irak pourrait durer entre deux et trois semaines.

– Après une série de bombardements stratégiques, les troupes américaines devraient lancer une vaste offensive terrestre pour prendre Bagdad.

– Selon les experts, il y aura obligatoirement des victimes civiles, surtout si les Américains détruisent les installations irakiennes d’approvisionnement en eau et en électricité.

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