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La Suisse ne veut pas de naturalisations par les urnes

Keystone

A presque 64%, les Suisses ont refusé de réintroduire la possibilité de soumettre les demandes de naturalisation au vote populaire. Les deux autres objets, soit l'initiative dite «muselière» et l'article sur la santé ont été encore plus nettement rejetés.

Balayée par 1,4 million de votants contre un peu plus de 800’000, l’initiative de l’UDC (droite nationaliste) récolte l’opposition la plus virulente dans les cantons romands, avec plus de 80% de non à Genève, Neuchâtel, Vaud et Jura et près de 75% à Fribourg et en Valais.

Plus généralement, la Suisse des villes est la plus opposée aux naturalisations par les urnes, idée qui n’a trouvé grâce qu’auprès de citoyens de Schwytz. Dans ce canton, il est vrai, la pratique était en vigueur dans 25 communes sur 30 avant que le Tribunal fédéral (Cour suprême) ne la déclare anticonstitutionnelle.

Non à l’arbitraire

Le président de la Confédération Pascal Couchepin se réjouit de ce verdict. Pour lui, «la démocratie directe implique le respect de l’Etat de droit, qui n’est pas compatible avec la discrimination et l’arbitraire».

Satisfaction également de sa collègue ministre de Justice et Police. Pourtant issue des rangs de l’UDC, Eveline Widmer-Schlumpf constate que «par sa décision, le peuple a estimé que les autorités de naturalisation, démocratiquement élues, font du bon travail».

Au Parti radical (droite), on estime que ce net rejet de l’initiative «souligne l’attachement du peuple suisse à l’Etat de droit» et marque également «la première défaite flagrante» de l’UDC depuis qu’elle veut se positionner clairement comme parti d’opposition.

Les Socialistes annoncent de leur côté le prochain dépôt d’une initiative parlementaire visant à accorder automatiquement la naturalisation aux étrangers de troisième génération.

Pour les Verts, il est nécessaire de simplifier la procédure de naturalisation. Aujourd’hui, les candidats au passeport rouge doivent attendre beaucoup trop longtemps, juge Ueli Leuenberger, président des écologistes.

«Incontestable défaite»

Dans le camp des vaincus, Guy Parmelin, député UDC vaudois au parlement fédéral, voit dans ce non une «incontestable défaite», qui tiendrait à une mauvaise présentation des arguments du parti.

Un avis qu’on ne partage pas à Zurich. S’il fallait recommencer la campagne, on utiliserait les mêmes arguments, insiste Hans Fehr. Et de promettre une motion exigeant que seules les personnes détenant un permis C (permis d’établissement) puissent demander la nationalisation.

«En matière de naturalisations, il faut placer la barre plus haut», estime le député.

Pas des «imbéciles»

Balayée encore plus nettement, l’initiative dite «muselière» recueille 1,63 million de non et moins de 539’000 oui. Là encore, les Romands sont les champions du non, avec des scores frisant ou dépassant largement les 80%.

Le Conseil fédéral (gouvernement) pourra donc continuer de pratiquer une politique d’information offensive lors des campagnes de votations. Le comité opposé au texte – qui regroupait tous les partis gouvernementaux à l’exception de l’UDC – est «très satisfait» du résultat.

Dans le camp des perdants, on clame carrément que «La Suisse a abandonné la voie de la démocratie directe». L’avocat zurichois Markus Erb, du comité «Citoyens pour les citoyens», qui a lancé l’initiative, explique l’échec dans les urnes par la toute-puissance du Conseil fédéral et critique le fait que dès la départ, les médias aient baptisé son texte «initiative muselière».

«Les gens ont eu peur que le gouvernement soit muselé, ce qui n’était pas le but de cette initiative», renchérit le député UDC Oskar Freysinger.

«Il ne faut pas prendre les citoyens pour des imbéciles. Ils savent exactement ce pour quoi ils ont voté», rétorque, au nom des vainqueurs du jour, la députée libérale Martine Brunschwig-Graf.

Regret «institutionnel»

Dernier objet, dernier refus: l’article constitutionnel sur la santé n’a trouvé grâce qu’auprès de 661’000 citoyens, alors qu’ils ont été 1,505 million à glisser un non dans l’urne, ici encore, plus nombreux en Suisse romande que dans le reste du pays.

Pascal Couchepin, ministre de l’Intérieur également en charge de la santé, jugeait ce texte inutile et ne le soutenait que du bout des lèvres. A l’heure du verdict, il n’affiche donc qu’un regret «institutionnel, le plus faible sur l’échelle de Richter des émotions politiques».

Pour le président de la Confédération, les citoyens rejettent aussi bien le dirigisme que le laissez-faire dans le domaine de la santé. Ce résultat ne change rien, car les principes de l’assurance maladie figurent dans la loi.

Dans le camp des vainqueurs, les cantons, les médecins, la gauche et les démocrates-chrétiens se sont montrés très satisfaits du verdict. Pour les Socialistes et les Verts, il s’agit d’une «gifle à la majorité bourgeoise du Parlement, en décalage total avec les volontés de la population».

Parmi les battus, l’UDC souligne le rôle déterminant qu’ont joué les cantons dans la campagne. Pour santésuisse, on a laissé passer une chance. L’organe faîtier des assureurs maladie attend maintenant du Parlement qu’il poursuive la réforme législative engagée depuis belle lurette.

swissinfo et les agences

Naturalisations «démocratiques»
Non 63,8% – Oui 36,2%

Initiative «muselière»
Non 75,2% – Oui 24,8%

Article sur la santé
Non 69,5% – Oui 30,5%

Participation: 44,1%

L’initiative populaire permet à des citoyens de proposer une modification de la Constitution. Pour être valable, elle doit être signée par 100’000 citoyens dans un délai de 18 mois.

Le Parlement peut directement accepter l’initiative. Il peut aussi la refuser ou lui opposer un contre-projet. Dans tous les cas, un vote populaire a lieu.

L’adoption d’une initiative nécessite la majorité du peuple et des cantons.

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