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La Syrie dans la spirale manifestations – répression

La ville de Banias, au nord de la Syrie, est encerclée par les forces de l'ordre depuis les affrontements meurtriers de dimanche. Un char photographié le 10 avril. Reuters

Près d’un mois après les premières manifestations à Daraa, le mouvement de protestation contre le régime du président Bachar el-Assad s’étend. La répression sanglante et les risques d’affrontements communautaires ne suffisent plus à calmer la colère de la population.

 

Selon la Déclaration de Damas – un comité prodémocratique de personnalités allant de la gauche aux islamistes en passant par les Kurdes – le bilan de la répression s’élève à au moins 200 morts depuis le début du mouvement de contestation contre le pouvoir incarné par le président Bachar el-Assad, successeur en 2000 de son père Hafez, l’artisan du régime qu’un nombre croissant de Syriens rejette aujourd’hui.

Dans une lettre adressée lundi au Secrétaire général de la Ligue arabe, la Déclaration de Damas appelle à l’imposition «de sanctions politiques, diplomatiques et économiques au régime syrien.»

Multiples condamnations

Sans aller jusque là, plusieurs capitales dénoncent les exactions continuelles des forces de sécurité. «L’escalade de la répression par le gouvernement syrien est révoltante, et les Etats-Unis condamnent fermement les tentatives de réprimer des manifestants pacifiques», a fait savoir mardi le président Obama, par la bouche de son porte-parole. Une condamnation également proférée par Londres et Rome.

De son coté, le Haut Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme a dénoncé mardi la poursuite de la répression. «Nous sommes très inquiets des informations sur l’augmentation du nombre de manifestants tués par les forces de sécurité en Syrie ainsi que par les arrestations massives de défenseurs des droits de l’Homme et le harcèlement des journalistes», précise Ravina Shamdasani, porte-parole du Haut Commissariat.

Quant à la Haut Commissaire Navi Pillay, elle a fait remarquer aux autorités syriennes que l’utilisation de la force contre des manifestants pacifiques n’a pas réussi à réprimer le mécontentement populaire. Une franche colère en fait, vu l’absence de perspectives économiques et sociales. 

Le rôle moteur de la répression

Un avis que partage un Syrien de Suisse qui demande l’anonymat pour protéger sa famille du puissant appareil sécuritaire du régime: «La contestation est en train de toucher l’ensemble du pays, y compris les campagnes.»

Notre interlocuteur souligne même le rôle moteur de la répression: «Les premières manifestations à Daraa protestaient contre l’arrestation et la torture d’une quinzaine d’enfants pour des graffitis jugés séditieux. Après la répression sanglante qui s’est abattue sur cette ville au sud du pays, les Syriens pouvaient de moins en moins se contenir et au fil des actions de répression, le devoir de réagir et de manifester s’est imposé à un nombre croissant de Syriens, d’autant que plus grand monde n’est à l’abri des coups du régime. Comme ailleurs dans le monde arabe, les Syriens en ont ras-le-bol de voir ainsi leur dignité bafouée.»

Terroriser et diviser

Alors que de nombreux Syriens espéraient encore une ouverture du régime à l’occasion du premier discours de Bachar el-Assad depuis le début des manifestations, le président a brandi devant l’Assemblée du peuple le 30 mars dernier le risque de guerre civile et confessionnelle provoqué par les manifestants, invoquant même un complot de l’étranger. Et ce sans faire allusion à la levée de l’état d’urgence (en vigueur depuis 1963). Une mesure annoncée pourtant quelques jours plus tôt.

A l’appui de cette rhétorique martiale, le régime fait régulièrement état de mystérieux groupes armés tirant à la fois sur les manifestants et les forces de sécurité.

Selon notre interlocuteur syrien, il s’agit en fait de gangs de voyous à la solde du régime. Une évaluation corroborée par plusieurs connaisseurs du pays et des journalistes. Dans les colonnes du quotidien Le Monde du 6 avril dernier, le chercheur arabisant Ignace Leverrier affirme que nombre de ces gangs mafieux constitués dans les années 70 sont dirigés par des membres du clan el-Assad.

Ce recours à des délinquants et des gangs mafieux – une méthode également utilisée par d’autres régimes autoritaires du monde arabe – vise à terroriser la population et pousser les manifestants à se radicaliser, selon notre interlocuteur vivant en Suisse: «Le but de ces bandes armées est de pousser les gens à utiliser les armes. Le régime pourrait invoquer cette justification pour réprimer encore plus durement et justifier le risque de guerre civile.»

L’arme du communautarisme

Pour tenter de diviser les Syriens, le régime fait également des concessions ciblées envers certaines communautés confessionnelles ou ethniques très nombreuses en Syrie comme dans les autres pays de la région (voir ci-contre)

«C’est le sens du récent octroi de la nationalité syrienne aux Kurdes de Syrie, privés jusque là de ce titre, explique notre interlocuteur. Il pousse les nombreuses communautés et minorités du pays à s’occuper de leurs propres intérêts.»

«Mais ça ne marche plus, estime-t-il. Les Kurdes, par exemple, ont répondu à l’octroi de la nationalité syrienne en descendant dans les rues pour exiger la liberté et la démocratie et rendre hommage aux morts de Daraa.»

Reste que l’affrontement intercommunautaire constitue bien la principale menace qui plane sur l’avenir du pays, selon le chercheur suisse Yves Besson, membre de l’ASDEAM, l’Association suisse pour le dialogue euro-arabo-musulman.

«Vu l’étendue du territoire, le risque d’affrontement entre communautés est même plus important qu’en Irak. La modernité vécue dans les villes par les jeunes, le nationalisme syrien – s’il existe – ne font pas disparaitre les appartenances plus anciennes. Ces différentes composantes de l’identité des Syriens se superposent et ressurgissent au grè des circonstances et des besoins. Ces appartenances multiples caractérisent la plupart des pays de la région et n’obéissent pas à leurs frontières. Une réalité que les régimes en place savent très bien instrumentaliser, chez eux ou chez les voisins», explique cet ancien ambassadeur suisse, qui fut en poste à Beyrouth de 1971 à 1975.

Une superficie de 185.180 km2 (Suisse: 41 290 km2  ) pour 21 millions d’habitants dont 50% de citadins et 52% de moins de 25 ans (taux d’alphabétisation: 75%).

Une population composée d’Arabes (89 %), de Kurdes( 6 %),d’ Arméniens (2 %), de Tcherkesses et d’Assyriens ( 3 %).

Une diversité confessionnelle répartie en Musulmans sunnites (72 %), alaouites (secte d’origine islamique, mais considérés comme hérétique tant par les sunnites que par les chiites, 12 %), catholiques et protestants (6 %), chrétiens orthodoxes (4 %), druzes (secte d’origine islamique, mais considérés comme hérétique tant par les sunnites que par les chiites, 3 %), musulmans chiites 3 %).

Sources: Courrier International et Le Temps

Hausse. Auparavant modestes, les échanges commerciaux entre la Suisse et la Syrie ont connu une légère croissance au début du XXIe siècle. 

Chiffres. En 2009, les exportations suisses s’élevaient à 209,4 millions de francs (produits agricoles, pharmaceutiques, chimiques et horlogers), les importations à 5,2 millions (pièces pour l’horlogerie, bijoux et produits textiles).


Coopération. Le Bureau de la coopération suisse (DDC) à Damas coordonne la coopération suisse au développement en Jordanie, en Syrie et au Liban. Actuellement La DDC finance des programmes régionaux de développement dans les domaines de la justice sociale, la protection de l’environnement, la bonne gouvernance et les droits de l’homme.


Projets. La DDC apporte un soutien aux projets de petites ONG qui ont un impact social direct, qui font la promotion de la culture locale ou qui facilitent l’échange d’expériences régionales.

Paix. En 2011, la Suisse a annoncé le lancement d’un processus de paix régionale basé sur la gestion de l’eau. Un projet qui inclut la Syrie.

Expatriés. Les Suisses résidant en Syrie était 10 en 1947, 60 en 1981 et 196 en 2009 (dont 148 doubles nationaux).

En Suisse. Les Syriens vivant dans la Confédération étaient 1023 en 2009.

Source: DFAE, Dictionnaire historique de la Suisse

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