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Le lobby du cannabis renaît de ses cendres

En Suisse, sur de nombreuses terrasses privées, le cannabis se porte bien. Keystone

A travers une initiative populaire déposée vendredi à Berne, c'est une nouvelle tentative de décriminalisation du cannabis qui est lancée en Suisse.

18 mois après l’échec d’un projet similaire devant le Parlement, un comité de politiciens et d’experts en matière de drogues est parvenu à réunir plus de 105’000 signatures.

L’initiative populaire «Pour une politique raisonnable en matière de chanvre protégeant efficacement la jeunesse», qui a rassemblé plus de 105’000 signatures, a donc été déposée vendredi à Berne, auprès de la Chancellerie fédérale.

«Notre but est de décriminaliser la consommation de cannabis selon des réglementations très strictes, et d’encourager le Parlement à rédiger sa propre solution de compromis», déclare la députée Ursula Wyss à swissinfo.

Selon la socialiste bernoise, il n’y a aucune raison de traiter les consommateurs, réguliers ou occasionnels, comme des criminels. Soit environ 500’000 personnes, selon les estimations.

L’initiative prévoit d’imposer des limites d’âge pour les consommateurs de cannabis et de développer un système de licences pour les magasins vendant du chanvre contenant des psychotropes.

Selon Ursula Wyss, les partisans de l’initiative ne réclament pas la légalisation totale du commerce de cannabis, interdit au niveau international. Le contrôle strict du commerce est un élément essentiel pour contrecarrer l’action des dealers.

Jeunes consommateurs

Pour la députée, il est impossible de dire si une éventuelle libéralisation aura un impact sur le nombre de consommateurs. Mais elle se dit préoccupée par des statistiques publiées récemment, selon lesquelles la Suisse connaîtrait l’un des plus hauts taux de consommation chez les jeunes en Europe, et que la popularité du cannabis aurait largement augmenté au cours des années 1990.

«Je pense que des règles très restrictives doivent être édictées pour protéger les enfants et la jeunesse. Des mesures doivent être imposées, pour le cannabis et même pour l’alcool».

La parlementaire socialiste est confiante dans l’idée qu’une alliance avec les radicaux (PRD / droite) et le démocrates-chrétiens (PDC / centre-droit) permettra de dégager un compromis politique viable.

Rappelons qu’en juin 2004, le Conseil national (Chambre basse) avait refusé de suivre le Conseil des Etats (Chambre haute) sur le projet de révision de la Loi sur les stupéfiants.

Concernant la nouvelle initiative, déposée vendredi, l’Institut suisse de prévention de l’alcoolisme et autres toxicomanies a refusé de commenter le détail du texte, mais il se déclare en faveur du principe de la décriminalisation du cannabis.

«Il sera plus facile de traiter les consommateurs dépendants. Et ceux-ci rencontreront moins d’obstacles lorsqu’ils rechercheront de l’aide», commente Janine Messerli, porte-parole de l’Institut.

Ligne dure

Guère sensible à ces arguments, l’Union démocratique du centre (UDC / droite dure) maintient une position ferme sur la question des drogues.

«Nous sommes contre la libéralisation du cannabis. Il y a de nombreuses preuves scientifiques, recueillies au cours des 40 dernières années, qui montrent que la consommation de cannabis est nocive», commente le porte-parole du parti, Roman Jäggi.

Selon lui, l’attitude de la société à l’égard des drogues a changé ces derniers temps, et les gens souhaitent plus de fermeté en la matière.

«La Suisse a été trop libérale dans sa politique sur les stupéfiants. Nous saluons les efforts de la police pour fermer les lieux de vente illégaux. Mais clairement, il s’agit d’aller plus loin pour éviter que des enfants de 12 ans ne fument du cannabis».

Démarche pionnière

Si ce projet devait l’emporter devant le peuple, la Suisse deviendrait le premier pays au monde au décriminaliser l’achat, la possession et la consommation de cannabis. Les partisans espèrent que la Suisse deviendrait alors un modèle pour d’autres pays.

La Suisse s’était déjà illustrée dans les années 80 et 90 pour sa politique libérale en matière de drogue – on se souvient des «scènes ouvertes de la drogue» dans les grandes villes du pays.

Face à l’ampleur du phénomène de la drogue, le gouvernement avait lancé en 1991 sa politique dite des quatre piliers: prévention, thérapie, réduction des risques et répression.

swissinfo, Urs Geiser
(Traduction de l’anglais: Bernard Léchot)

Les citoyens peuvent demander par une initiative populaire qu’une modification de la Constitution fédérale qu’ils proposent, fasse l’objet d’une votation populaire.
Pour qu’une initiative aboutisse, elle doit recueillir les signatures de 100’000 citoyens dans un délai de 18 mois.
Suite à la validation de ces signatures, il peut s’écouler jusqu’à quatre ans avant que l’initiative passe en scrutin devant le peuple.
Au cours des années 1990, la population a rejeté deux propositions contradictoires en matière de drogue, l’une visant à une politique plus restrictive, l’autre plus ouverte.

En juin 2004, le parlement avait rejeté un projet gouvernemental de décriminalisation du cannabis.

Une enquête de l’Office fédéral de la santé publique montre que 46% des 13 à 29 ans a fumé au moins du cannabis. 1% d’entre eux sont des consommateurs réguliers. Des chiffres qui place la Suisse parmi les pays européens les plus touchés par l phénomène.

Depuis 1991, le gouvernement suisse applique la politique dite des quatre piliers: prévention, thérapie, réduction des risques et répression.

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