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Les armes au placard

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«Carte postale» de la Cinquième Suisse... Fabrice Rochat nous écrit de Brisbane, en Australie. Et revient sur la votation du 13 février dernier, qui a vu les Suisses rejeter l’initiative «pour la protection face à la violence des armes».

Tout commença dans le petit village de Port Arthur à 60 kilomètres à l’est d’Hobart en Tasmanie. Cet ancien pénitencier a été ouvert en 1833 par les Anglais pour y incarcérer les prisonniers de la Couronne britannique, du garçon de 9 ans ayant volé un simple jouet au repris de justice condamné pour meurtre.

Cette prison accueillit son dernier forçat en 1877 et tomba en ruine durant les 50 années suivantes, avant que le site ne soit relancé pour devenir une attraction historique.

C’était un jour comme les autres du mois d’avril 1996 à Port Arthur. Les nombreux touristes profitaient d’un soleil généreux pour se bronzer à la terrasse du café Broad Arrow, lorsqu’un jeune Tasmanien de 28 ans sortit un fusil semi-automatique de son sac de sport et tira sur la foule.

Le détraqué poursuivit sa mortelle randonnée sur le parking du site touristique, avant de prendre une voiture pour se réfugier dans un hôtel des environs. Le lendemain matin, il mit le feu au bâtiment et fut finalement arrêté. Quelques mois plus tard et après un jugement sans équivoque, il fut condamné à perpétuité pour avoir tué 35 personnes de sang-froid et blessé une vingtaine d’autres.

L’émotion en Australie fut telle que le nouvellement élu premier ministre, John Howard, fit passer une loi interdisant la possession d’armes semi-automatiques et durcissant les conditions d’obtention du permis d’acquisition d’armes à feu.

Plus de 643’000 fusils et revolvers furent rachetés par le gouvernement à leurs propriétaires pour être détruits. A l’occasion d’un discours devant des partisans de groupes de chasseurs, de tireurs sportifs et de représentants de mouvements militaristes, le premier ministre avait même revêtu un gilet pare-balles

A noter que des pays ayant aussi vécu ce genre d’événements tragiques n’ont pas encore durci leur politique face aux armes personnelles.

Armée professionnelle contre armée de milice

 

Si la Suisse est une petite île au milieu de grands Etats européens, l’Australie est une grande île au centre des nombreux petits Etats du Pacifique.

L’armée suisse n’a plus été engagée activement depuis la bataille de 1515 contre le roi de France François 1er et ses allies vénitiens à Marignan (maintenant ville de Melegnano, près de Milan, en Italie). Après trois siècles d’histoire tumultueuse, la neutralité perpétuelle de la Suisse fut reconnue le 20 mars 1815 à l’occasion du Traité de Vienne.

Par contre, les forces militaires australiennes ont combattu dans tous les grands conflits mondiaux depuis la guerre des Boers en Afrique du Sud à la fin du 19e siècle. Les liens unissant l’Australie au Royaume-Uni ont entraîné les jeunes recrues australiennes dans les pires atrocités de la Grande Guerre de 1914-18. Et le pays fut l’un des plus touchés en pertes humaines avec plus de 61’500 victimes pour une population d’à peine 5 millions d’âmes.

En 1942, cet attachement à la mère-patrie faillit coûter au pays son indépendance. Effectivement, la majorité des soldats étaient en route sur les navires de la flotte australienne pour aider les Alliés en Europe lorsque l’armée impériale japonaise bombarda la ville de Darwin, au nord du continent. Ce sont les Américains qui empêchèrent l’avancée japonaise et libérèrent toute la région du sud-est asiatique.

Depuis cette époque, la politique étrangère de l’Australie s’alignera sur celle des Etats-Unis d’Amérique. Les troupes australiennes ont participé aux conflits sur la péninsule coréenne et au Vietnam. Ce dernier conflit marqua l’abolition de la conscription en 1972.

Actuellement, la force de frappe australienne se compose de 51’000 soldats professionnels, recrutés parmi les hommes et femmes du pays. Cette armée professionnelle est aussi appuyée par 19’400 civils appelé réservistes.

Alors que le déploiement des forces australiennes a amené une paix durable dans le nouveau pays du Timor de l’Est, les résultats sont plus mitigés en Irak et en Afghanistan. D’ailleurs, ce conflit armé fait encore des victimes parmi les jeunes soldats australiens.

Une neutralité armée jusqu’aux dents

Le fort rejet de l’initiative sur les armes du 13 février confirme la direction de l’électorat vers la droite d’une Suisse plus traditionnelle et rurale. On est loin de la votation populaire du 26 novembre 1989, lorsque 36 pour cent des Helvètes votaient en faveur de la dissolution pure et simple de l’armée. Cet électrochoc poussa l’état major à des réformes au sein de l’armée suisse en diminuant ses effectifs de moitié, passant de 400’000 à 200’000 hommes aujourd’hui.

Seule une petite poignée d’Etats souverains ne possèdent pas d’armée nationale. Avec une taille comparable à la Suisse, le Costa Rica est l’unique pays d’envergure à s’être débarrassé de sa force militaire en 1948. Sans compter le Vatican qui est sous la protection des gardes suisses. Cette élite est, comme ses compatriotes, armée jusqu’aux dents.

La Suisse détient le triste record d’un des taux les plus élevés du nombre d’armes par habitant. Plus tragique encore, un taux de suicide par arme à feu trois fois plus élevé que ses voisins européens. La possession d’armes à la maison impliquera toujours le danger de vouloir s’en servir lors d’une crise familiale ou d’une tentative de suicide.

Quelle ironie, pour un état neutre entouré de pays amis, de réaliser que davantage de jeunes soldats suisses ont péri dans des accidents de montagne ou sont morts noyés dans des exercices lié à l’école de recrue que lors de guerres.

Pourrait-on rêver qu’un jour la Confédération Helvétique montre l’exemple en éliminant tout son armement et sa force militaire pour un monde plus pacifique ?

Vaudois. Fabrice Rochat est né en 1968 à Prilly, près de Lausanne. Il passe sa jeunesse à Bussigny.

Voyageur. Apprentissage de commerce, Ecole d’informatique de gestion, deux années de travail à l’UBS. Et la passion du voyage: à 19 ans déjà, il fait, sac au dos, le tour de l’Australie. Suivront d’autres voyages, surtout en Amérique.

Australie. Fabrice Rochat et sa compagne Sandra arrivent en Australie fin 1995 et s’installent à Sydney, où ils vivent jusqu’en 2002. Ils déménagent alors à Brisbane.

Métiers. Sandra travaille pour le gouvernement du Queensland, au «Département de l’Audit». Fabrice Rochat, après avoir passé plus de quatre ans à la maison pour s’occuper de leur fille Magali, a travaillé à l’Office des impôts fédéral comme employé administratif.

Queensland. Avec environ 1,8 millions d’habitants, Brisbane, capitale de l’Etat du Queensland, est la 3e ville d’Australie, derrière Sydney et Melbourne.

Ancien bagne. Elle est située à environ 950 kilomètres au nord de Sydney sur le fleuve Brisbane. A l’origine, l’endroit fut un centre pénitentiaire, créé en 1824.

Tropical. Brisbane bénéficie d’un climat idéal presque tout au long de l’année en raison de sa situation tropicale (température moyenne de 25° C).

Touristique. Son architecture est inspirée d’un style mêlant période victorienne, style colonial et architecture moderne. Perçue longtemps comme une simple ville de province, la ville est aujourd’hui la capitale de l’Etat le plus touristique de l’Australie.

Secondaire et tertiaire. Plusieurs industries s’y sont développées (raffinage pétrolier, travail du métal, manufacture diverses). Le tertiaire y est également bien représenté: informatique, services financiers, hautes écoles et administration publique se concentrent dans le «Central business district» de Brisbane.

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